Les premiers patins à glace, en os, ne servaient pas à s'amuser mais à se déplacer. Des chercheurs entendent le démontrer avec une étude détaillée, qui a mesuré les efforts physiques sur une patinoire et pris en compte la disposition fractale des lacs finlandais...

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    Une chaussure sur un patin à glace, datée du 11ème ou douzième siècle, conservée à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). © Jacques Mangin/Unité d'archéologie de la ville de Saint-Denis

    Une chaussure sur un patin à glace, datée du 11ème ou douzième siècle, conservée à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). © Jacques Mangin/Unité d'archéologie de la ville de Saint-Denis

    Le patin à glace est manifestement ancien. D'après les archéologues, il serait même l'un des plus vieux moyens de transport, après les pieds. Les premiers patins en os connus datent de cinq mille ans, comme les premiers skis, et ont été retrouvés en Europe centrale et du nord. Deux chercheurs, Federico Formenti (Manchester Metropolitan University) et Alberto Minetti (Institut de physiologie humaine, Faculté de médecine de l'Université de MilanMilan), situent l'origine du patinage en Finlande, le pays où la densité de petits lacs est la plus importante au monde si on prend comme unité leur nombre par cent kilomètres carrés.

    Selon eux, sur un tel territoire et avec la température basse qui y règne, le patin serait le moyen de locomotion réclamant le moins d'énergie. Pour le démontrer, ils ont lancé cinq volontaires sur la glace d'une patinoire avec des os en guise de patins et ont déterminé le coût métabolique et les vitesses atteintes. Leurs résultats, publiés dans le Biological Journal of the Linnean Society, sont précis : pour se déplacer à 1,2 mètre par seconde, leurs patineurs ne dépensent que 4,6 joules par kilogramme corporel et par mètre parcouru.

    Cette valeur représente-t-elle une bonne performance ? Oui, répondent les chercheurs, qui affirment même, sur la foi de simulations numériquessimulations numériques, qu'elle est optimale, au moins en Finlande. Sur ordinateurordinateur, les scientifiques ont quantifié la réduction de l'effort obtenue en grimpant sur des patins et ont réalisé des simulations pour plusieurs régions, différant par la densité, le nombre et les tailles des surfaces gelées. D'après leur modèle, c'est en Finlande, où  la répartition des lacs obéit à une loi fractale, que l'on a le plus intérêt à patiner. Lors de la saisonsaison froide, le gain obtenu atteindrait 10 % des dépenses énergétiques nécessaires à la survie.

    Economie maximale

    Sans méthode pour calculer leur dépenses métaboliques ni réaliser des simulations numériques, les chasseurs de la fin du néolithique étaient parvenus à la même conclusion. Il semble vraisemblable aux chercheurs que c'est dans cette région qu'est née la pratique de la glisse puisqu'elle y est plus profitable que partout ailleurs.

    Federico Formenti en 2004, juché sur des répliques de skis retrouvés à Mantta, en Finlande, et datés de 542 après JC. On remarque la fourrure (du blaireau), servant à éviter de glisser en arrière. © <em>Manchester Metropolitan University Newletter</em>, n°77, mai/juin 2004

    Federico Formenti en 2004, juché sur des répliques de skis retrouvés à Mantta, en Finlande, et datés de 542 après JC. On remarque la fourrure (du blaireau), servant à éviter de glisser en arrière. © Manchester Metropolitan University Newletter, n°77, mai/juin 2004

    Véritables spécialistes du sujet, Federico Fomenti et Alberto Minetti n'en sont pas à leur coup d'essai. En 2004, ils avaient déjà testé six répliques de skis anciens, le plus vieux de leur étude datant de l'an 542 et retrouvé à  Mantta, en Finlande. Avec ces différents modèles, qui glissent de mieux en mieux au fil des siècles, les jeunes chercheurs s'étaient livrés à de nombreux essais dans un tunnel glacé de 1,2 kilomètre de long, effectuant des mesures biomécaniques (sur leurs propres mouvementsmouvements) et mécaniques (sur la frictionfriction des skis).

    Ils concluaient que l'amélioration technique avaient conduit à une considérable réduction d'énergie, des skis actuels permettant de consommer deux fois moins sur la même distance. La transition entre le ski antique, qui servait surtout à marcher, et le ski plus tardif, qui permettait de bien glisser, « a apporté le même gain que l'invention du dérailleur en cyclisme ».

    Le patin à glace aurait donc nettement précédé le ski dans la pratique de la glisse, et plus encore dans celle du patinage artistique. A moins que... Qui sait ce que pouvaient faire ces premiers patineurs du monde, à leur temps perdu, quand la chasse avait été fructueuse et qu'ils avaient devant eux une magnifique surface de glace ?