Un nouveau rapport a passé en revue la politique et les règles de la protection planétaire liées à l'exploration spatiale que la Nasa applique. Il en ressort qu'elles ne sont plus adaptées au monde d'aujourd'hui. Ce rapport émet plusieurs recommandations pour les mettre à jour de manière à faire face aux futurs défis du retour sur la Lune et de la colonisation de Mars, de la préservation des lunes glacées de Jupiter et de Saturne, et aussi de mieux réguler le secteur privé.


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    À la demande de la Nasa, un comité indépendant a passé en revue la politique de la protection planétaire de la Nasa. Rendu public il y a quelques jours, ce Planetary Protection Independent Review Board (PPIRB) a émis plusieurs recommandations que la Nasa s'est engagée à mettre en œuvre.

    Dans ce domaine, la politique de la Nasa s'appuie essentiellement sur les règles de la protection planétaire, édictées par le COSPAR (Committee on space research) dans les années 1960, au tout début de l'ère de l'exploration robotiquerobotique. Ces règles s'appuient sur une classification en cinq catégories qui déterminent les différents niveaux de contrôle et de contrainte à imposer aux missions spatiales concernées, en fonction des cibles et des objectifs scientifiques. De la catégorie 1, qui concerne les missions vers un objectif pour comprendre les origines de la vie, aux missions de retour sur Terre de la catégorie 5, ces catégories ont toutes pour but d'éviter de contaminer la Terre et tous les autres endroits du Système solaire. Mais aussi d'empêcher les expériences cherchant à déterminer les origines de la vie d'être faussées par des traces d'organismes terrestres.

    Thomas Zurbuchen, administrateur associé et responsable de la science à la Nasa, est conscient de cette nécessité d'adapter les règles existantes : « les règles et nos directives sur la manière de protéger de toute forme de contaminationcontamination les endroits où nous nous rendons et de protéger notre propre planète lors de retour d'échantillons et de vols habitésvols habités ont besoin d'une mise à jour urgente ». Le but de cette mise à jour majeure est de permettre des découvertes scientifiques tout en préservant l'intégritéintégrité de notre Planète et des endroits visités.

    Le rover Mars 2020 donnera le coup d'envoi de la mission internationale de retour d'échantillons martiens. © Nasa, JPL-Caltech
    Le rover Mars 2020 donnera le coup d'envoi de la mission internationale de retour d'échantillons martiens. © Nasa, JPL-Caltech

    Des règles qui n'ont jamais été mises à jour

    Concrètement, ce comité recommande de mettre à jour toutes les directives en matière de protection planétaire en vigueur, afin de tenir compte de l'évolution de la technologie, des connaissances, notamment sur l'habitabilité des objets du Système solaire, et aussi mieux encadrer et réguler l'activité d'exploration robotique et humaine du secteur privé. Sur ce dernier point, l'idée serait de l'obliger à intégrer les règles de protection planétaire de manière systématique et transparente, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

    Concernant les missions habitées, ce comité rappelle que cette activité n'est pas traitée spécifiquement et qu'on lui applique les mêmes règles qu'aux missions robotiques. D'où la nécessité d'en édicter de nouvelles, sous peine de compliquer cette activité. Aujourd'hui, la Lune est classée en catégorie 2 alors que Mars est en catégorie 4, ce qui nécessite une stérilisation lourde, coûteuse et restrictive. Afin de faciliter les futures missions humaines sur Mars et sur la Lune, plutôt que de les classer dans une seule catégorie, il pourrait y avoir des zones de différentes catégories sur Mars et sur la Lune.

    Enfin, il recommande que la Nasa passe en revue sa politique de protection planétaire au moins deux fois par décennie.


    Protection planétaire : les règles vont changer…

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 09/07/2018

    Un rapport de l'Académie américaine d'ingénierie, de sciences appliquées et de technologies a passé en revue les règles de la protection planétaire liées à l'exploration spatiale que la Nasa applique. Il en ressort qu'elles ne sont plus adaptées au monde d'aujourd'hui. Il est demandé à la Nasa d'en écrire de nouvelles.

    Selon un rapport de l'Académie américaine d'ingénierie, de sciences appliquées et de technologies, il y a une certaine urgence à ce que la Nasa mette à jour les règles de la protection planétaire qu'elle applique à ses missions spatiales à destination d'autres mondes du Système solaire. Ces règles, édictées à la fin des années 1960, ont été mises en place avant tout pour éviter qu'aucune mission de surface ne contamine d'autres mondes, d'une façon qui risquerait de fausser les études scientifiques ultérieures. Aujourd'hui, elle ne sont plus adaptées à notre époque.

    Comme le souligne ce rapport, les prochaines étapes de l'exploration verront des sondes plonger dans des océans extraterrestres (TitanTitan ou Europe, par exemple), survoler les jets de matière d'Encelade ou rapporter sur Terre des échantillons prélevés un peu partout dans le Système solaire et pas seulement sur Mars. Or, le processus actuel, mis en place par les États-Unis pour surveiller les échantillons provenant de Mars et d'ailleurs, remonte à l'époque d'ApolloApollo et n'est évidemment plus à jour. À la différence des échantillons lunaires des missions Apollo, ramassés à même le sol, demain on s'attend à ce que des échantillons soient prélevés dans des endroits inaccessibles à la main de l'homme.

    D'où la nécessité d'une politique de protection planétaire judicieusement encadrée et exécutée de façon à garantir que les efforts d'exploration spatiale apporteront des réponses sans ambiguïté sur les possibilités de vie ailleurs dans le Système solaire. De même, des échantillons de matière extraterrestre ramenés sur Terre pourraient présenter des risques pour l'environnement terrestre ou l'activité biologique de la planète. 

    Réglementer les allers-retours dans l'espace

    À cela, s'ajoute que l'activité humaine dans l'espace ne va plus se cantonner à l'orbite basse. Des postes avancés sur la Lune et sur Mars sont en projet et des sociétés privées prévoient de miner et forer des astéroïdes pour les exploiter. Ce rapport demande à ce que la Nasa passe en revue les règles actuelles et en édicte de nouvelles pour s'adapter à cette nouvelle étape de l'exploration. Or, il faut savoir qu'aujourd'hui la Nasa n'a pas de politique de protection planétaire en place concernant l'exploration humaine vers Mars, qui pourrait avoir lieu dans les années 2030. 

    Les activités d'exploration spatiale du secteur privé sont aussi une autre raison pour laquelle les politiques de la protection planétaire doivent être réexaminées. En effet, les seules missions spatiales commerciales actuellement soumises à des procédures rigoureuses de décontamination spatiale sont celles qui pourraient se rendre sur Mars, car Mars est la seule entité d'intérêt actuel pour les entreprises du secteur privé susceptible d'abriter des formes de vie en activité. Or, les projets du secteur privé n'ont pas seulement Mars en point de mire.