La mémoire magnétique de certaines roches permet de reconstruire l’évolution du champ magnétique au cours du temps. Alors qu’il est actuellement relativement puissant, de nombreuses études montrent qu’au Dévonien, il y a plus de 360 millions d’années, le champ magnétique était, pour une raison encore inconnue, extrêmement faible.


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    Le champ magnétique est l'un des éléments clés du système terrestre. Il nous protège en effet des dangereuses radiations solaires.

    Malgré sa constance, le champ magnétique a subi d'intenses variations d'intensité et de direction au cours de l'histoire de la planète. Cette variabilité est liée aux instabilités qui animent le noyau externe composé principalement de fer liquide et qui créent cet effet de géodynamo. Si nous ne sommes pour l'instant pas en mesure de prévoir et d'anticiper les variations du champ magnétique, qui apparaissent comme totalement aléatoires, les scientifiques sont cependant capables de retracer son évolution au cours du temps passé, grâce à la mémoire magnétique de certaines roches.

    Le puissant champ magnétique terrestre nous protège des radiations solaires. © brand. punkt, Adobe Stock
    Le puissant champ magnétique terrestre nous protège des radiations solaires. © brand. punkt, Adobe Stock

    Les roches magmatiques, archives du champ magnétique terrestre

    Les roches magmatiques, notamment, sont capables d'enregistrer l'intensité et la direction du champ magnétique au moment de leur refroidissement et de leur cristallisation. En effet, lorsqu'un magmamagma se refroidit, il passe d'un état dit paramagnétiqueparamagnétique (sans aimantation propre), à un état dit ferromagnétique (acquisition d'une aimantation propre). Cette transition s'effectue lorsque le magma passe sous la température de Curie, dont la valeur est intrinsèque à chaque minéralminéral. Ainsi, tant que le magma n'est pas cristallisé, les minérauxminéraux ferromagnétiques qu'il contient s'orientent en fonction du champ magnétique ambiant. Lorsque sa température passe sous la température de Curie, l'orientation de ces minéraux va se figer et ainsi conserver les caractéristiques du champ magnétique du moment. À moins que la roche ne subisse un nouvel épisode de fusionfusion qui la remettrait dans un état paramagnétique, elle gardera cette empreinte magnétique, même si le champ ambiant se modifie par la suite. C'est ainsi que les scientifiques peuvent remonter le temps, en observant l'écart entre l'aimantation rémanente des roches anciennes et celle induite par le champ actuel. Sur les derniers 180 millions d'années, on a ainsi pu compter que le champ magnétique terrestre s’est inversé environ 300 fois, sans régularité.

    Carte des anomalies magnétiques dans l’Atlantique nord. On voit nettement les linéations magnétiques de part et d’autre de la dorsale (en blanc), enregistrées par les gabbros qui forment la partie supérieure de la croûte océanique. En noir, les lignes de côtes. © <em>World Digital Magnetic Anomaly Map</em>
    Carte des anomalies magnétiques dans l’Atlantique nord. On voit nettement les linéations magnétiques de part et d’autre de la dorsale (en blanc), enregistrées par les gabbros qui forment la partie supérieure de la croûte océanique. En noir, les lignes de côtes. © World Digital Magnetic Anomaly Map

    L’anomalie magnétique du Dévonien

    Les études paléomagnétiques sont d'autant plus précises que les roches sont jeunes. Plus on remonte dans le temps, plus les roches sont altérées, ont des chances d'avoir été déplacées ou d'avoir subi un nouvel épisode de fusion qui aurait alors totalement effacé leur mémoire magnétique antérieure. Nos connaissances du champ magnétique des périodes anciennes sont ainsi bien moins précises et les données bien moins contraintes que celles des époques récentes. Une période interroge d'ailleurs depuis longtemps les scientifiques. C'est celle du DévonienDévonien, soit entre 420 et 360 millions d'années. Les roches de cette période géologique ne comportent en effet quasiment pas de trace de champ magnétique. Pendant longtemps, les scientifiques ont pensé que cette spécificité était liée à un effacement de la mémoire magnétique des roches dévoniennes. L'une des raisons avancées serait que l'enregistrement magnétique a été perdu par échauffement lorsque les massesmasses continentales sont entrées en collision pour former le supercontinent Pangée. Pourtant, de plus en plus d'études semblent montrer qu'il ne s'agirait pas d'une perte de l'information magnétique, mais bien de l'enregistrement d'un champ exceptionnellement faible à cette époque.

    La Terre au Dévonien. © Ron Bmakey,NAU Geology, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
    La Terre au Dévonien. © Ron Bmakey,NAU Geology, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Dans une nouvelle étude, publiée dans la revue Earth-Science Reviews, une équipe de chercheurs s'est donc intéressée de plus près à ces roches datant du Dévonien. Il apparaît en effet que leur signature paléomagnétique est extrêmement faible, voire quasi inexistante, et ce malgré une très bonne préservation des roches. Exit donc l'idée d'un effacement de la mémoire magnétique.

    Un champ magnétique trop faible pour être correctement enregistré

    D'autres études viennent conforter l'hypothèse que le champ magnétique du Dévonien était très faible, trop faible en tout cas pour être correctement enregistré par les roches magmatiquesroches magmatiques cristallisant à cette époque. Le Dévonien est en effet marqué par l'émergenceémergence des plantes. Or, certaines études suggèrent que ces plantes auraient subi une exposition anormalement élevée aux UVUV-B à la fin de la période dévonienne. Cela implique que le champ magnétique de l'époque n'était pas assez puissant pour stopper ce type de radiations.

    Pourquoi le champ magnétique était-il si faible à cette époque et dans quelle mesure cela a-t-il influencé le développement de la vie sur Terre ? Les scientifiques n'ont pour l'instant pas de réponses à ces questions.

    L'étude des anomaliesanomalies magnétiques très anciennes apporte cependant quantité d'informations qui permettent de mieux comprendre comment et quand le noyau externe s'est formé, mais également d'améliorer les modèles d'évolution du champ magnétique, dans le but d'en prédire un jour les variations.