Alors que l’on observe clairement que le champ magnétique terrestre n’est pas stable, l’hypothèse de mouvements fluides au sein du noyau externe comme origine de ces variations ne reposait jusqu’à présent que sur des modèles théoriques. Une nouvelle étude vient d’apporter la preuve de ces mouvements de fer liquide grâce aux vitesses d’ondes sismiques.


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    C'est une théorie largement acceptée désormais et qui permet notamment d'expliquer l'origine du champ magnétique terrestre : le noyau externe, qui se compose majoritairement de ferfer liquideliquide, serait animé de grands courants de convectionconvection, donnant ainsi naissance à l'effet géodynamo. Bien que ces mouvementsmouvements de matièrematière aient été largement modélisés et étudiés, ils n'avaient jamais été observés directement. Enfin, aussi directement que peut l'être une couche située à plus de 2.900 kilomètres sous nos pieds.

    Le champ magnétique terrestre est généré par les mouvements de convection au sein du noyau externe. © helenos, Adobe Stock
    Le champ magnétique terrestre est généré par les mouvements de convection au sein du noyau externe. © helenos, Adobe Stock

    Deux séismes similaires pour deux vitesses différentes

    Ce sont en effet les ondes sismiques qui ont permis d'imager ce phénomène de convection. Le noyau, comme toutes les couches de la Terre, est souvent parcouru par des ondes sismiques, générées lors des grands séismes qui surviennent régulièrement en surface. Or, chaque enveloppe terrestre présente des caractéristiques physico-chimiques différentes qui vont influencer la vitessevitesse et le mode de propagation des ondes sismiques. L'étude des ondes qui nous parviennent nous permet donc de retrouver ces caractéristiques. C'est ainsi que l'on a pu construire une image assez précise des couches terrestres et que l'on continue à les étudier.

    En mai 1997, un puissant séisme a ainsi secoué les îles Kermadec dans le Pacifique sud. Vingt ans plus tard, en septembre 2018, un nouveau séisme, ayant la même origine, était également enregistré dans cette région. Cette redondance d'événements similaires a permis aux scientifiques de comparer les trajets des ondes sismiques. En ayant été générées et enregistrées aux mêmes endroits, les ondes des deux séismes devaient en effet avoir des temps de trajet similaires. Pourtant, une équipe de scientifiques a noté une différence significative entre ces deux séismes. Un train d'onde nommé SKS est arrivé avec une seconde d'avance en 2018, en comparaison du même train d'onde enregistré en 1997.

    Une modification locale de la densité du noyau externe

    Les ondes SKS sont reconnues comme des ondes ayant traversé le noyau externe. Cet acronyme signifie qu'elles ont traversé le manteaumanteau sous la forme d’ondes S (cisaillantes), qu'elles sont entrées dans le noyau externe sous la forme d'ondes P (de compression), puis qu'elles sont ressorties du noyau pour traverser le manteau à nouveau sous forme d'ondes S. Il faut se rappeler que le noyau externe étant liquide, il ne permet pas la propagation d'ondes de cisaillement, mais uniquement d'ondes de compression. La vitesse des ondes dans chaque milieu (manteau et noyau externe), et donc le temps de trajet des ondes entre leur origine et le lieu d'enregistrement, dépend de plusieurs paramètres, dont la densité du milieu. Pour un milieu ayant une certaine rigiditérigidité, plus ce milieu est dense, plus les ondes qui le traversent vont aller lentement, et inversement. La différence de temps de trajet entre 1997 et 2018 montre donc que quelque chose dans les paramètres des milieux traversés a changé.

    Les différentes trajectoires des ondes sismiques et leur complexité induite par la structure interne de la Terre. Les ondes SKS traversent le noyau externe. © musée de sismologie de Strasbourg
    Les différentes trajectoires des ondes sismiques et leur complexité induite par la structure interne de la Terre. Les ondes SKS traversent le noyau externe. © musée de sismologie de Strasbourg

    Pour Ying Zhou, du Département des Géosciences de Virginia Tech, auteure de l'étude publiée dans Nature communications, cette différence est associée à une modification de la densité de la région du noyau externe traversée par les ondes lors des deux séismes. La vitesse plus rapide enregistrée en 2018 serait attribuée à une diminution locale de la densité du noyau externe, en lien avec la présence d'éléments plus légers (hydrogènehydrogène, carbonecarbone, oxygène). Le fait est qu'en 20 ans, le matériel traversé par les ondes n'est plus le même : celui de 1997 a été remplacé par un matériel moins dense.

    Un fluage à court terme responsable des variations du champ magnétique

    Cette modification de la densité serait une observation directe des mouvements fluides qui animent le noyau externe et qui sont associés à son refroidissement et à la migration des éléments légers vers l'extérieur du noyau. Ce sont ces mouvements de fer liquide qui sont à l'origine du champ magnétique terrestre. Celui-ci, facilement mesurable, montre d'ailleurs une très forte variabilité, avec des modifications quotidiennes. L'on supposait que le noyau externe devait évoluer de façon similaire, mais cela n'avait jamais été démontré. C'est désormais chose faite.