De nouvelles études sur les images transmises par la sonde japonaise Hayabusa de l'astéroïde Itokawa suggèrent qu'un tri de ses rochers s'est opéré, renvoyant les plus petites particules en profondeur et laissant les blocs plus importants en surface.

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    Vue d'ensemble d'Itokawa. Crédit Université de Tokyo / JAXA

    Vue d'ensemble d'Itokawa. Crédit Université de Tokyo / JAXA

    Cette constatation se base sur l'examen de la surface, nommée le régolithe, qui présente des zones parfaitement lisses, comme enduites de poussière, alors que d'autres régions semblent inégales et rocailleuses, comme si l'astéroïde avait été atteint d'eczémaeczéma.

    Daniel Scheeres, de l'université de Michigan, suggère que la distribution inégale de ces caractéristiques soit le résultat de secousses qui animent de temps à autre le petit corps, provoquant la descente des petits débris et poussières à travers les interstices entre les rochers composant sa surface, comme le ferait de l'eau, et qui tendraient à rejoindre le centre et s'y accumuler.

    Détail de la surface d'Itokawa, partie recouverte de rochers. Crédit Université de Tokyo / JAXA.

    Détail de la surface d'Itokawa, partie recouverte de rochers. Crédit Université de Tokyo / JAXA.

    Sur cette image, on distingue très bien la nette séparation entre une zone lisse (à droite) et une zone où la poussière et les petits débris se sont infiltrés à travers les plus gros rochers, laissant ceux-ci à découvert (à gauche). Crédit Université de Tokyo / JAXA.

    Sur cette image, on distingue très bien la nette séparation entre une zone lisse (à droite) et une zone où la poussière et les petits débris se sont infiltrés à travers les plus gros rochers, laissant ceux-ci à découvert (à gauche). Crédit Université de Tokyo / JAXA.

    Mais quelle peut être l'origine de ces secousses sur un objet céleste, complètement isolé, de seulement 500 mètres de diamètre moyen ?

    Scheeres estime que malgré sa petite taille, Itokawa reste dans un certain sens géologiquement actif, et que des évènements se produisent à sa surface, entraînant la substance qui la compose à se déplacer d'un endroit à l'autre. La distribution irrégulière de régolithe suggère que l'astéroïde aurait été secoué par le passé, mais la cause en reste inconnue. Et il émet plusieurs hypothèses.

    L'une d'entre elle suppose qu'Itokawa soit heurté de temps à autre par de plus petits astéroïdes. En raison de sa faible masse, même des impacts de peu d'intensité peuvent avoir provoqué des secousses. Une autre idée serait qu'Itokawa pourrait croiser la Terre à faible distance de temps à autre, et ainsi subir des forces d'attraction susceptibles de provoquer une certaine agitation sismique.

    Mais l'hypothèse la plus originale, également émise par Scheeres, met en jeu la pression de radiation en provenance du Soleil, ce que l'on appelle aujourd'hui l'effet YORPeffet YORP (Yarkovsky-O'Keefe-Radzievskii-Paddack). Celui-ci, qui a déjà été mis en évidence au sujet de deux autres astéroïdes, 6489 "Golevka" et 2000 PH5, postule que le sol d'un corps en rotation situé en fin de "journée" sera plus chaud que celui se trouvant en début de "matinée". La quantité de lumièrelumière émise ne sera pas la même partout et la rotation de l'astreastre se mettra à accélérer lentement, ce que l'observation a confirmé dans les deux cas cités.

    Des simulations sur ordinateurordinateur suggèrent que l'effet pourrait avoir été inverse dans le cas d'Itokawa, l'amenant à ralentir selon un scénario différent. Selon Scheeres, la vitesse de rotationvitesse de rotation de l'astéroïde aurait été telle il y a 200.000 ans qu'il aurait pu se briser en deux parties, qui se seraient mises à tourner l'une autour de l'autre, avant de se rejoindre beaucoup plus tard. Et le chercheur fait remarquer que l'aspect du petit corps suggère parfaitement qu'il soit composé de deux objets ayant fusionné ensemble, une sorte de "patatoïde bilobée".

    Le contact entre les deux parties principales s'opérant à très faible vitesse, probablement pas plus de quelques centimètres par seconde, conjugué avec la faible force d'attraction, rend plausible un scénario de rebonds successifs, peut-être espacés de plusieurs siècles ou millénaires, entraînant à la fois un remodelage de la surface et des ondes sismiquesondes sismiques bousculant toute la structure d'Itokawa. Au final, on obtient un astéroïde d'un seul bloc, passablement assagi et tournant beaucoup plus lentement.

    L'examen des images met aussi en lumière un effet différent de la diffusiondiffusion des éjectas lors d'un impact à la surface d'un astre. Selon Hideaki Miyamoto, un chercheur de l'université de Tokyo actuellement au Planetary Science Institute d'Arizona, sur de plus grands objets célestes comme la LuneLune, la matièrematière éjectée d'un cratère se répand autour de celui-ci, ainsi que de très nombreux exemples le démontrent. Mais sur de plus petits objets tels que Itokawa, les éjectas sont projetés au-dessus d'une zone beaucoup plus étendue, et peuvent même recouvrir l'entièreté de l'astre. "Ce que nous avons observé sur Itokawa suggère que l'évolution du régolithe pourrait être beaucoup plus complexe sur de très petits corps", déclare-t-il, "il pourrait exister certains processus sur Itokawa dont nous ne pouvons pas nous rendre compte en observant des objets plus importants".