Les étoiles binaires mises en évidence par le satellite de l’Esa Integral confirment l'existence d'une curieuse forme de vie à deux entre une étoile à neutrons et une géante agonisante. A la fois courte et spectaculaire, cette aventure stellaire pose d'épineuses questions aux astrophysiciens.

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    Sylvain Chaty

    Sylvain Chaty

    Depuis son lancement en 2002, le télescope spatialtélescope spatial européen Integral scrute le ciel à la recherche de sources de rayons X et gamma au moyen de son imageur et de son spectromètre. Parmi les nombreux astres qu'il a révélés, quinze sont des étoiles binairesbinaires supergéantes en rayons X (HMXB, pour high-mass X-ray binaries). Ces couples étranges se composent habituellement d'une étoile à neutronsétoile à neutrons tournant autour d'une supergéante. Auparavant, sept cas seulement étaient connus.

    Une étoile supergéanteétoile supergéante est environ 20 fois plus grande que notre SoleilSoleil pour une massemasse 20 fois supérieure. Sa température de surface atteint 20.000 K et sa luminositéluminosité est environ un million de fois celle du Soleil. A côté d'elle, l'étoile à neutrons fait figure de microbemicrobe, avec un diamètre de 10 kilomètres. Il s'agit d'une ancienne étoile massive arrivée en fin de vie et qui a fini par s'effondrer sur elle-même, son rayonnement n'arrivant plus à compenser sa propre force d'attraction.

    Sylvain Chaty, de l'Université de Paris Diderot et membre de l'équipe AIM (AstrophysiqueAstrophysique Interactions Multi-échelles) et ses collègues ont utilisé Integral ainsi que d'autres télescopes spatiaux en rayons X et les télescopes de l'ESOESO pour étudier les quinze nouvelles étoiles doubles, et confirmer que la plupart étaient bien des HMXB supergéantes, le plus souvent entourées d'un vaste coconcocon de gazgaz et de poussières.

    Celles-ci sont si profondément enfouies dans leur cocon que seul Integral est suffisamment sensible pour en permettre l'observation. Dans chaque cas, l'étoile à neutrons est en orbiteorbite à l'intérieur des couches externes de l'atmosphèreatmosphère de l'étoile principale et forme avec elle une phase d'évolution de ces astres mal connue car peu étudiée, que les astronomesastronomes appellent enveloppe commune.

    Deux cas de figure d'une binaire formée d’une étoile à neutrons et d’une supergéante entourée d'un nuage de gaz ou de poussières. A gauche, l'étoile à neutrons tourne sur une orbite circulaire. Elle reste en permanence à l'intérieur du cocon. L'interaction continuelle entre la matière du nuage et les énormes champs gravitationnels et magnétiques engendrés par l'étoile à neutrons provoque l'émission d'un puissant rayonnement X. Une partie est absorbée par le nuage et le reste s'échappe, devenant détectable pour nous. A droite, l'orbite est elliptique. L'étoile à neutrons sort périodiquement du cocon. Le rayonnement X est alors intermittent, ne se produisant que lorsque l'étoile plonge dans le nuage de gaz ou de poussières. Ces deux configurations possibles expliquent l'existence des deux classes de systèmes observées par les astronomes. Crédit Sylvain Chaty
    Deux cas de figure d'une binaire formée d’une étoile à neutrons et d’une supergéante entourée d'un nuage de gaz ou de poussières. A gauche, l'étoile à neutrons tourne sur une orbite circulaire. Elle reste en permanence à l'intérieur du cocon. L'interaction continuelle entre la matière du nuage et les énormes champs gravitationnels et magnétiques engendrés par l'étoile à neutrons provoque l'émission d'un puissant rayonnement X. Une partie est absorbée par le nuage et le reste s'échappe, devenant détectable pour nous. A droite, l'orbite est elliptique. L'étoile à neutrons sort périodiquement du cocon. Le rayonnement X est alors intermittent, ne se produisant que lorsque l'étoile plonge dans le nuage de gaz ou de poussières. Ces deux configurations possibles expliquent l'existence des deux classes de systèmes observées par les astronomes. Crédit Sylvain Chaty

    Il s'agit d'une période de très courte duréedurée dans l'existence d'une étoile binaire, quelques milliers d'années seulement, même pas un clin d'œilœil à l'échelle astronomique. Mais cela soulève une question particulièrement épineuse...

    Des étoiles qui ne devraient pas exister

    A l'origine de ces binaires, il y avait jadis deux supergéantes en orbite l'une autour de l'autre, dont l'une d'entre elles est arrivée en fin de vie et s'est effondrée. Mais selon les modèles informatiques, de telles formations devraient être beaucoup plus rares que ce qu'on observe actuellement avec Integral, et encore, tous ces couples sont loin d'être connus. De là à supposer qu'il existe d'autres processus de formation, il n'y a qu'un pas... que les chercheurs effectueront sans doute après de nouvelles observations.

    En attendant, les nouvelles binaires valent déjà leur pesant de découvertes (et une étoile à neutrons, c'est lourd...). Chaque couple observé fournit une paire de clichés de la formation stellaire, différés de 10 millions d'années. En effet, l'étoile à neutrons se forme 10 millions d'années après la naissance du système original, lorsque la plus massive des deux a vécu sa vie et s'est effondrée.

    La suite est aisée à deviner. La seconde étoile supergéante finira aussi par s'effondrer et on obtiendra alors une paire d'étoiles à neutrons ou bien un couple composé d'une étoile à neutrons et d'un trou noirtrou noir. La simulation informatiquesimulation informatique montre qu'ensuite, les deux objets devraient perdre de l'énergieénergie et leurs orbites entrer dans une spirale de plus en plus serrée l'une vers l'autre. Vient inéluctablement le moment de la collision, qui produit une brève et intense émissionémission de rayonnement gamma, le GRB (Gamma Ray BurstBurst).

    La mission LISA (Laser Interferometer Space AntennaLaser Interferometer Space Antenna), consistant en un trio de satellites détecteurs d'ondes gravitationnellesondes gravitationnelles réalisés conjointement par l'Esa et la NasaNasa, devrait pouvoir détecter des paires d'étoiles à neutrons en repérant les vaguesvagues gravitationnelles qu'elles produisent.