Ce que les astrophysiciens ont récemment baptisé "la crise de l’oxygène solaire" semble de plus en plus solidement établie. De nouvelles mesures indiquent à nouveau que l’abondance de l’oxygène solaire a été surévaluée, il y en aurait deux fois moins que ce que l’on croyait. La situation pourrait devenir vraiment grave car c’est toute notre théorie de la structure interne des étoiles, voire de la nucléosynthèse stellaire, qu’il faudrait revoir. Les implications se répercuteraient dans presque tous les domaines, y compris la cosmologie.

au sommaire


    Détails de la surface du Soleil (Crédits : NASA, ESA, JAXA).

    Détails de la surface du Soleil (Crédits : NASA, ESA, JAXA).

    Hector Socas-Navarro, du National Center for Atmospheric Research, et Aimee Norton, du National Solar Observatory, viennent de publier dans The Astrophysical Journal  une nouvelle détermination de la quantité d'oxygène dans l'atmosphèreatmosphère du Soleil. On a toutes les raisons de penser que cette mesure reflète bien la quantité moyenne d'oxygène dans celui-ci. Problème, comme indiqué récemment par d'autres observations, il y en a moins que ce que l'on pensait avoir mesuré.

    Comme le Soleil sert de banc d'essai et d'étalonnage pour nos théories sur la structure et l'évolution des étoiles, une remise en cause de nos modèles à son sujet provoquerait la propagation d'une onde de choc dans tous les domaines de l'astrophysique. C'est en effet à partir de nos estimations de la composition des atmosphères stellaires que l'on remonte, par une suite de liens, à beaucoup de paramètres et de processus d'évolution des galaxies et même de l'UniversUnivers.

    L'oxygène est le troisième atomeatome par son abondance dans l'Univers et c'est celui qui est le plus fréquemment synthétisé à l'intérieur des étoiles. Il intervient dans le fameux cycle CNO de Bethe-Weizsäcker à l'origine de l'énergieénergie de beaucoup d'étoiles. Si une erreur d'un facteur 2 s'est introduite dans nos estimations de l'abondance de l'oxygène, cela aurait donc des répercussions sur celles du carbonecarbone et de l'azoteazote et même du néonnéon. Potentiellement c'est dévastateur !

    Les deux astrophysiciensastrophysiciens ont donc décidé de vérifier si la crise de l'oxygènecrise de l'oxygène introduite par leurs collègues était bel et bien une réalité. Pour cela, ils ont utilisé SPINOR, le spectro-polarimètre en infra-rouge et dans le visible du  Richard Dunn Solar Telescope localisé au Nouveau Mexique aux USA. SPINOR est l'acronyme anglais de Spectro-Polarimeter for Infrared and Optical Regions et, grâce à lui, il a été possible de mesurer plus finement les raies spectralesraies spectrales caractéristiques des éléments de certains atomes dans l'atmosphère solaire, en particulier donc, ceux de l'oxygène. Joints à des modèles théoriques et à des simulations informatiquessimulations informatiques, on remonte alors aux abondances des éléments.

    Le manque d'oxygène semble confirmé mais les chercheurs restent prudents car les incertitudes sur la nouvelle mesure sont encore grandes.

    Toutefois, la situation reste paradoxale car, si l'abondance mesurée est en meilleur accord avec les estimations de celle de l'oxygène dans notre Galaxie, elle entre en conflit avec les modèles de sismologiesismologie solaire qui reproduisent très bien la vitessevitesse des ondes sismiquesondes sismiques mesurées en se basant sur les estimations précédentes des abondances d'éléments dans le Soleil. En son temps, le  déficit des neutrinosneutrinos solaires avait conduit à une remise en compte de nos modèles sur l'intérieur du Soleil. L'héliosismologiehéliosismologie, en les confirmant, avait alors contribué à orienter les chercheurs vers l'hypothèse de l’oscillation des neutrinos aujourd'hui confirmée. Si la crise de l'oxygène solaire persiste, quelles nouvelles découvertes sur la structure de l'Univers se cachent sous ce problème ?