Des chercheurs français publient un commentaire dans la revue Nature Medicine afin que le gouvernement puisse tirer des leçons de l'implémentation du pass sanitaire en France. Une mesure qui, si elle a augmenté le recours à la vaccination, n'a pas diminué les sentiments d'hésitation et d'aversion envers la vaccination au sein de la population française.


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    Le pass sanitaire est entré en vigueur en plein milieu de l'été 2021. À partir du 9 août, nous avons dû collectivement présenter une justification témoignant d'un schéma vaccinal complet ou d'un test négatif au SARS-CoV-2 pour accéder à des lieux comme les barsbars, les musées ou les hôpitaux (en tant que visiteur, évidemment). Dans un commentaire publié dans la revue Nature Medicine, des chercheurs français s'interrogent : quels effets ont eu l'annonce et l'implémentation du pass sanitaire sur :

    • le taux de vaccination de la population et de certaines sous-populations ;
    • le sentiment d'hésitation et de doute envers la vaccination ;
    • la confiance globale de la population envers le gouvernement.

    Le taux de vaccination a augmenté...

    En juin 2021, 60 % de la population adulte était vaccinée ou en cours de vaccination contre la Covid-19. Après l'annonce et l'implémentation du pass, le taux de personnes avec un schéma vaccinal complet est passé de 49 % à 89 % à la mi-décembre. Le pass sanitaire semble donc avoir eu un effet important sur le taux de vaccination même si on ne peut pas savoir clairement l'effet qu'il a eu sur l'intention vaccinale.

    1. En laissant les isolés et les marginaux de côté

    Cependant, le pass sanitaire n'a pas eu l'effet escompté sur certains groupes de la population comme les personnes âgées (seulement 86 % des plus de 80 ans étaient pleinement vaccinés le 12 octobre 2021 alors que cette population est celle qui a le plus de risques de mourir de la Covid-19) et les personnes en état de grande précarité et marginalisées. En effet, le pass était nécessaire pour des activités auxquelles ces individus n'ont généralement pas accès. 

    Seulement 86,3 % des personnes de plus de 80 ans sont totalement vaccinées. © Santé Publique France
    Seulement 86,3 % des personnes de plus de 80 ans sont totalement vaccinées. © Santé Publique France

    2. En augmentant le sentiment de doute envers la vaccination

    Après l'implémentation du pass, la part de la population avec des doutes à propos de la vaccination a augmenté passant de 44 à 61 %. La France est historiquement un pays avec une forte méfiance et défiance vis-à-vis des vaccins avec de fortes disparités géographiques. Cette pandémiepandémie était sans doute l'occasion de construire une relation de confiance avec la population en expliquant clairement les incertitudes et les contraintes qui ont poussé le gouvernement à prendre ce type de décision. Une occasion ratée, selon les chercheurs. 

    Les sentiments de doute et de colère ont augmenté après l'implémentation du pass sanitaire. © Nature Medicine
    Les sentiments de doute et de colère ont augmenté après l'implémentation du pass sanitaire. © Nature Medicine

    3. En torpillant la confiance de la population

    Lorsque nous ne sommes pas clairs et transparentstransparents concernant les incertitudes et le changement possible de nos décisions, un sentiment de trahison peut être ressenti par une partie de la population. Dans leur commentaire, les chercheurs prennent l'exemple des annonces du gouvernement français après le troisième confinement : « le pass sanitaire ne concernera jamais les restaurants ou les cinémas ». Deux mois plus tard, cette promesse fut rompue. Plus récemment, on peut aussi prendre l'exemple de la promesse du président de la République concernant le fait que la vaccination ne serait jamais obligatoire. Si elle ne l'est toujours pas, l'annonce et l'implémentation du pass vaccinal résonnent certainement comme une forme d'obligation pour une grande partie de la population. 

    La vaccination est devenue un sujet politique

    Avec les élections présidentielles qui approchent, la politique de santé publique est devenue un enjeu électoral. De certains acteurs de l'extrême droite qui propagent des fausses informationsfausses informations à propos de la vaccination, jusqu'au président de la République qui entend « emmerder les non-vaccinés », le sujet de la vaccination se politise d'autant plus qu'il ne pouvait déjà l'être.

    Il semble donc qu'on assiste à l'éclosion de plus en plus marquée d'une sécession de l'espace politique qui dessine des frontières épistémiques et morales entre le bon citoyen informé, vacciné et altruiste et le mauvais citoyen, désinformé, non vacciné et égoïste. Or, la réalité est bien plus complexe que ces séparationsséparations dichotomiques et il serait temps que nous trouvions d'autres réponses afin de préserver le vivre ensemble.