Un test clinique en 2009 avait montré qu’un vaccin était partiellement efficace contre le VIH. Pourquoi a-t-il fonctionné chez certaines personnes et pas chez d’autres ? Des chercheurs viennent de montrer que deux anticorps peuvent jouer un rôle fondamental. L’un empêcherait le virus de rentrer dans les cellules, mais cet effet pourrait être annulé par un second. Une analyse plus poussée est prévue, et pourrait ouvrir la voie à un nouveau vaccin plus fiable.

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    L'espoir était né en 2009, en Thaïlande. En septembre de cette année-là, des chercheurs annonçaient avoir conçu pour la première fois un vaccin pouvant protéger partiellement l'Homme du VIH, le virus du Sida, dans un test clinique nommé RV144. Cependant, seuls 31,2 % des sujets vaccinés (des personnes alors séronégatives au virus du Sida) avaient été en mesure de contrer la maladie, alors que pour des vaccinations plus classiques, l'efficacité dépasse généralement les 95 %. Un premier pas venait d'être franchi, mais de nombreuses questions restaient en suspens.

    Comment le vaccin a-t-il fonctionné ? Est-ce grâce à des anticorps, à des cellules particulières du système immunitairesystème immunitaire ? Et pourquoi seul un tiers des individus a été protégé ? Grâce à une collaboration internationale de grande ampleur, les chercheurs commencent enfin à entrevoir des pistes de réponse, expliquées dans le New England Journal of Medicine.

    L’anticorps V1V2 protège du VIH au contraire de C1 

    Après la réussite partielle de la vaccination, 246 volontaires de cette première expérience ont accepté de se soumettre à de nouveaux tests. Parmi eux, 41 avaient été infectés entretemps par le VIH, et 205 étaient restés séronégatifsséronégatifs au virus du Sida. Après de longues recherches, les scientifiques ont focalisé leur attention sur 6 variables particulières pour déterminer le rôle des anticorpsanticorps de la famille des immunoglobulinesimmunoglobulines A (IgA) ou G (IgG) ainsi que des lymphocyteslymphocytes T, cellules du système immunitaire ciblées par le virus.

    Dans le lot, seuls deux de ces marqueurs ont montré un lien entre leur taux et l'infection par le VIH. D'abord, l'anticorps V1V2, de la grande famille des IgG, qui cible les régions variables 1 et 2 de l'enveloppe virale. Les patients qui présentaient les taux les plus élevés étaient moins susceptibles d'avoir été infectés (43 % de risques en moins). En se liantliant au virus, V1V2 pourrait l'empêcher de s'attacher aux cellules-hôtes qu'il convoite, et donc bloquer son action et sa réplicationréplication.

    Une représentation stylisée du VIH. Les filaments en son centre représentent ses deux brins d'ARN génomiques, terminés par une enzyme appelée intégrase. L'ensemble est contenu dans la capside, qui se retrouve elle-même entourée d'une enveloppe lipidique, surmontée par la protéine gp120 (les champignons bleus à l'extérieur), qui permet au virus de se fixer à sa cible : les lymphocytes T4. © <em>Los Alamos National Laboratory</em>, Wikipédia, DP

    Une représentation stylisée du VIH. Les filaments en son centre représentent ses deux brins d'ARN génomiques, terminés par une enzyme appelée intégrase. L'ensemble est contenu dans la capside, qui se retrouve elle-même entourée d'une enveloppe lipidique, surmontée par la protéine gp120 (les champignons bleus à l'extérieur), qui permet au virus de se fixer à sa cible : les lymphocytes T4. © Los Alamos National Laboratory, Wikipédia, DP

    En revanche, le second anticorps pourrait faciliter l'expansion du virus. Les personnes infectées présentaient des taux de l'IgA C1 (qui cible un autre antigèneantigène de l'enveloppe virale appelé région constante 1) plus élevés que les individus séronégatifs. Il a été montré que lorsque C1 se liait au virus, les risques d'infection augmentaient de 54 %. Le vaccin aurait-il pu stimuler la propagation d'un virus mortel ? Étrange et inquiétant.

    Le vaccin contre le Sida, une hypothèse réaliste ?

    Le problème pourrait être plus complexe. Les scientifiques supputent que C1 pourrait annuler les effets protecteurs de V1V2. Barton Haynes, de l'université Duke (États-Unis), l'un des auteurs de ce travail, émet l'hypothèse que face à ce virus vicieux, le système immunitaire peut mettre en place un équilibre entre les mécanismes qui luttent contre les pathogènespathogènes et ceux visant à éviter les dégâts causés par une immunitéimmunité trop agressive. Il compare cette situation à celle qui consisterait à conduire une voiturevoiture en appuyant simultanément sur l'accélérateur et le frein.

    Tout ceci n'est pour l'heure que supposition. Les scientifiques ne peuvent pas encore affirmer que les anticorps soient directement impliqués dans la protection ou la facilitation de l'infection par le VIH. Ils pourraient bien être simplement les intermédiaires d'une machinerie plus sophistiquée.

    Des études ultérieures sont donc prévues pour mieux cerner tous les mécanismes. Dans un éditorial paru simultanément à l'étude, les auteurs précisent que ces expériences risquent d'être très difficiles à mener, mais qu'elles sont nécessaires. Car si elles sont réussies, elles pourraient enfin ouvrir la voie à un vaccin contre le Sida vraiment efficace. Avec au bout la perspective d'éradiquer complètement la maladie...