Les recettes d’antan pourraient avoir de vraies raisons d’être remises au goût du jour. Un traitement de la médecine traditionnelle chinoise, nommé JSK, viendrait de prouver son efficacité pour réparer la moelle épinière chez le rat en agissant à plusieurs niveaux.

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    Aujourd'hui, pour mettre un traitement sur le marché, les règles sont strictes. Le médicament est évalué sous toutes ses coutures, si bien que sur tous les candidats au départ, seuls quelques-uns remplissent les critères et sont réellement utilisés en clinique. Mais avant l'établissement de ces règles, les anciens allaient directement puiser dans la nature les ingrédients qu'il leur fallait pour composer des préparations médicales. La Chine est d'ailleurs réputée pour sa médecine traditionnelle et ancestrale. Mais bien souvent, ces breuvages n'ont pas passé les tests académiques actuels. Que valent-ils réellement ?

    Certaines équipes de chercheurs essaient de repérer les réelles vertus thérapeutiques de ces médications, toujours utilisées par certains. Bien que parfois ces préparations soient plus toxiques que bénéfiques, certaines semblent réellement efficaces, contre les maladies auto-immunes ou le diabète par exemple.

    Des adeptes de la médecine chinoise clament par exemple l'intérêt de la thérapie Ji-Sui-Kang (JSK) dans la cicatrisation et la réparation des tissus endommagés. Shucui Jiang et ses collègues de l'université McMaster (Hamilton, Canada) ont voulu tester cette hypothèse sur des moelles épinières lésées chez le rat. Avec succès, comme en témoigne la publication du travail dans la revue Restorative Neurology and Neuroscience.

    Des rats qui retrouvent plus vite leur mobilité

    Avançant des raisons de propriétés intellectuelles, les scientifiques n'ont pas dévoilé la recette exacte de la préparation. On sait seulement qu'elle contient des extraits de ginseng, de racines de réglisse, de pivoinepivoine de Chine ou de livèche, ainsi que de la cannelle. Ce traitement quotidien a été donné à des rats aussitôt après qu'ils ont subi une lésion de la moelle épinière, organe du système nerveux central reliant le cerveau aux nerfsnerfs de l'organisme. En parallèle, un autre groupe de rongeursrongeurs également blessés ne recevait qu'une solution saline, sans vertus thérapeutiques.

    Après des siècles d'utilisation chez l'Homme, les rats nous confirment que la pratique du JSK favorise vraiment la cicatrisation et la restauration des fonctions motrices après une lésion de la moelle épinière. © Janet Stephens, Wikipédia, DP

    Après des siècles d'utilisation chez l'Homme, les rats nous confirment que la pratique du JSK favorise vraiment la cicatrisation et la restauration des fonctions motrices après une lésion de la moelle épinière. © Janet Stephens, Wikipédia, DP

    Après une semaine, les auteurs notaient que les animaux profitant du traitement JSK avaient retrouvé une meilleure motricité de leurs membres postérieurs que leurs homologues témoins. La récupération paraissait encore plus importante 21 jours après le traumatisme : les rats traités supportaient mieux leur poids et faisaient preuve de plus de coordination dans leurs mouvementsmouvements que leurs congénères.

    La moelle épinière se réorganise plus vite

    Les expérimentateurs ont voulu voir tout cela de plus près. Le microscopemicroscope révèle qu'au bout de sept jours de traitement, l'architecture de la moelle épinière des animaux était nettement mieux préservée, et les blessures significativement plus petites. Ainsi, les rats bénéficiant de la médecine traditionnellemédecine traditionnelle chinoise présentaient plus de gaines de myélinegaines de myéline et d'axonesaxones intacts.

    Au niveau moléculaire aussi, les scientifiques ont pu observer des différences notoires dans les zones lésées des rongeurs traités :

    • moins de dépôt de fibrinogènefibrinogène, signe d'un minimum de dommages vasculaires ;
    • moins d'enzymesenzymes Cox-2, impliquées dans l'inflammation ;
    • une activité des caspasescaspases réduite, signe que les cellules locales se suicident moins ;
    • la protéineprotéine GAP43 (growth associated protein 43), marqueur du développement neural et de la régénération axonale, est davantage exprimée ;
    • de même pour la neuroglobuline, protéine trouvée dans les neurones du cerveaucerveau, dont on pense qu'elle aide les cellules nerveuses à survivre et à récupérer après un traumatisme.

    Médecine traditionnelle chinoise contre médecine moderne

    Pour les auteurs, tous ces paramètres cumulés suggèrent l'intérêt de la thérapie JSK pour aider à la réparation de la moelle épinière abîmée, condition qui affecte la mobilité des personnes parfois jusqu'à la paralysie. D'autres résultats suggèrent même des intérêts supplémentaires à la pratique, puisqu'elle favoriserait également la formation et la croissance des vaisseaux sanguins dans la zone lésée. Ainsi, comme le précise Michel Rathbone, l'un des auteurs, dans un communiqué de presse, la préparation JSK favorise la cicatrisation des tissus en réduisant au silence les inhibiteurs de croissance et en favorisant en parallèle la prolifération des cellules le long de la moelle épinière.

    Par ces multiples voies d'action, cette préparation ancestrale pourrait donc revêtir un réel intérêt thérapeutique pour les patients ainsi soignés. Cependant, il faudrait désormais la comparer aux techniques plus modernes de réparation du tissu nerveux pour évaluer son efficacité.