Un anticorps nommé C05 prévient et soigne plusieurs souches de grippe A en empêchant le virus de se lier aux cellules hôtes. Sa particularité : il cible une région de l’enveloppe virale que l’on pensait bien trop petite pour qu’un anticorps puisse s’y fixer efficacement. Cela ouvre la voie à un vaccin et une thérapie universels de la grippe.

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    Va-t-on trouver la clé pour créer un vaccin universel contre la grippe ? Les scientifiques se focalisaient surtout sur la queue de l'hémagglutinine, plus difficile d'accès. Avec C05, ils ont trouvé un anticorps qui s'en prend à la tête, avec efficacité. © Anna Tanczos, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Va-t-on trouver la clé pour créer un vaccin universel contre la grippe ? Les scientifiques se focalisaient surtout sur la queue de l'hémagglutinine, plus difficile d'accès. Avec C05, ils ont trouvé un anticorps qui s'en prend à la tête, avec efficacité. © Anna Tanczos, Wellcome Images, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Et si le virus de la grippe venait de révéler son talon d'Achille ? Alors que le Graal des virologistes est de trouver l'anticorps fonctionnant contre toutes les souches de la maladie, l'un d'entre eux, nommé C05, pourrait bien constituer un nouveau pas dans cette direction.

    Qu'on ne s'emballe pas encore trop vite ! Cette protéine montre une spécificité particulière uniquement pour des virus de la grippe A (les plus dangereux), plus précisément pour les souches H1, H2, H3 et H9. Il ne s'agit pas là de la solution contre la grippe H5N1 au taux de mortalité si élevé, par exemple. Malgré tout, l'annonce des chercheurs du Scripps Research Institute de La Jolla (Californie), publiée dans la revue Nature, a de quoi susciter l'optimisme et laisse entrevoir de nouvelles perspectives jusqu'alors insoupçonnées.

    C05, un anticorps pas comme les autres

    Reprenons l'histoire à son commencement. Les scientifiques ont prélevé des échantillons de moelle osseuse chez des volontaires qui, à eux tous, avaient contracté différentes souches grippales. Pourquoi la moelle osseuse ? Parce qu'elle garde en mémoire tous les anticorps synthétisés par un organisme durant son existence. Ils pensaient donc récupérer de nombreux anticorps antigrippaux différents et espéraient en trouver un capable de contrer plusieurs variants à la fois.

    En épluchant le catalogue de protéines immunitaires récupérées, ils en ont remarqué une qui sortait du lot : C05. Une analyse en microscopie électronique et en cristallographiecristallographie aux rayons Xrayons X leur a montré qu'elle s'en prenait à une cible particulière de l'enveloppe virale : le RBS, ou receptor binding site, la région du virus qui lui permet de se lier à la cellule qu'il veut infester.

    Le virus de la grippe se fixe au niveau des récepteurs des cellules hôtes avant d'y injecter son ARN pathogène. © Sanofi Pasteur, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Le virus de la grippe se fixe au niveau des récepteurs des cellules hôtes avant d'y injecter son ARN pathogène. © Sanofi Pasteur, Flickr, cc by nc nd 2.0

    Ce RBS, bien connu, ne correspond qu'à une petite partie de l'hémagglutininehémagglutinine, cette glycoprotéineglycoprotéine variable retrouvée à la surface de l'enveloppe virale. Si on regarde sa structure tridimensionnelle, il forme une seule et unique boucle moléculaire. Or, un anticorps se compose lui de six doigts ou boucles dont la structure doit être compatible avec un antigèneantigène pour qu'il y ait une adhésion maximale et efficacité.

    Un nouveau pas vers un traitement universel de la grippe

    Si la structure moléculaire de ce RBS est stable, les protéines autour sont très variables d'une souche à l'autre et fortement soumises aux mutations. Ainsi, un anticorps qui a un segment complémentaire avec RBS ne parvient pas à trouver d'autres points d'accroche sur le virus, finit par se détacher et ne peut empêcher le pathogènepathogène d'infecter les cellules. On pensait donc que cette région ne pouvait être ciblée par ce type de protéines de l'immunitéimmunité car trop restreinte.

    Pourtant, les analyses montrent que C05 en est capable. Il se lie d'autant mieux si chacun de ses bras est au contact d'une autre moléculemolécule d'hémagglutinine. Du jamais vu jusque-là et qui donne beaucoup d'espoir aux chercheurs.

    L'anticorps a été placé dans une boîte de Pétri comprenant des cellules et des virus de la grippe, et a prévenu l'infection. Même chose cette fois, mais in vivoin vivo, chez des souris. En traitement préventif, les rongeursrongeurs n'ont pas déclaré la maladie. Mais il soigne également la grippe. Après inoculation de doses mortelles du virus chez d'autres souris, de petites quantités de C05 ont été injectées. Trois jours après, tous les animaux étaient en vie quand en temps normal ils auraient trépassé.

    Voilà  une découverte importante. L'objectif maintenant est de développer des thérapiesthérapies à base d'anticorps utilisées dans des cas de grippes A sévères, en espérant que les résultats soient aussi remarquables chez l'Homme. D'autre part, la molécule se positionne comme un vaccin possible contre plusieurs souches grippales à la fois, laissant peu à peu entrevoir la possibilité, un jour prochain peut-être, de développer un seul traitement préventif capable de nous immuniser contre tous les variants de la maladie.