L'éco-anxiété, voilà un terme de plus en plus populaire depuis quelques années. Que se cache-t-il derrière ce sentiment anxieux face à la crise climatique que nous vivons ? Ne génère-t-elle que des sentiments négatifs ? Voici quelques éléments de réponse.


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    À la lecture du dernier rapport du GiecGiec ou d'articles qui rapportaient ses conclusions, vous vous êtes peut-être senti démuni et l'avenir vous semble sombre et sans espoir. Une angoisse face au futur qui attend l'humanité si rien ne change. Ce ressenti est connu sous le nom d'éco-anxiétééco-anxiété. Le terme est apparu pour la première fois dans des articles de presse en France en 2018, et depuis la caniculecanicule de 2019, l'intérêt des rédactions pour ce terme ne se dément pas.

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    Mais c'est quoi au juste l'éco-anxiété ? Charline Schmerber, psychologue spécialiste du sujet, explique que « l'éco-anxiété n'est pas une maladie, c'est une réaction adaptative normale. Les gens qui en sont atteints sont lucides et clairvoyants ». Si l'éco-anxiété n'est pas une maladie mentale, elle se manifeste tout de même par des symptômes appartenant au spectrespectre des troubles anxieux et des émotions, ou éco-émotions, puisqu'ils sont liés à la crise climatique, et commencent à intéresser les scientifiques.

    La crise climatique fait naître de l'éco-anxiété chez de nombreuses personnes. © Sergey Nivens, Adobe Stock
    La crise climatique fait naître de l'éco-anxiété chez de nombreuses personnes. © Sergey Nivens, Adobe Stock

    Aperçu d'un éco-anxieux

    Qui sont les éco-anxieux ? Charline Schmerber qui en reçoit régulièrement dans son cabinet montpelliérain a mené une enquête de témoignages en ligne entre septembre et octobre 2019, une année où l'été fut particulièrement chaud. Les résultats de cette enquête ne sont pas représentatifs de la population française générale mais sont l'écho des ressentis des participants, environ 1.200, sur l'éco-anxiété. Ils permettent aussi de se faire une idée des profils les plus susceptibles de ressentir cette émotion. Selon l'enquête, les femmes, les 26-45 ans, les catégories socio-professionnelles élevées et les citadins sont les plus concernés par la notion d'éco-anxiété.

    La crise climatique est un phénomène aux conséquences multiples : augmentation des températures, phénomènes climatiques extrêmes, perte de la biodiversitébiodiversité, émergenceémergence de maladies et tant d'autres. Les participants ont rapporté un sentiment anxieux important face à des notions comme la perte de la biodiversité, l'appauvrissement des ressources en eau et le réchauffement climatiqueréchauffement climatique pour ne citer que les trois plus importants. Tout cela est couplé à des risques particulièrement redoutés des éco-anxieux comme la guerre, les pénuries alimentaires et en eau, la violence et des crises économiques et sanitaires.

    Comment faire face à ce ressenti ? Charline Schmerber propose plusieurs axes de prise en charge à ces patients : prendre soin d'eux, renforcer leur relation avec les autres, ou encore agir à titre personnel ou dans une association environnementale. Selon les éco-anxieux, la meilleure façon de faire face à ce sentiment est d'en discuter avec l'entourage proche (famille, amis, ou collègues) et, dans une moindre mesure, avec un thérapeute.

    Le saviez-vous ?

    La solastalgie est une forme de nostalgie propre au changement induit par le réchauffement du climat. Quand les éco-anxieux s'inquiètent du futur, les solastalgiques, eux, sont tournés vers le passé et regrettent la perte irrémédiable de l'environnement naturel qu'ils ont connu. Ce néologisme est proposé par Glenn Albrecht, un philosophe australien, en 2003.

    Il est composé à partir du terme latin solar qui désigne le réconfort et du suffixe -stalgie, qui comme dans la nostalgie, fait référence à une douleur morale. La solastalgie peut donc être définie comme la douleur morale causée par la perte d'un foyer, d'un environnement autrefois réconfortant et sûr. Comme l'éco-anxiété, il ne s'agit pas d'une maladie mentale, mais d'un ressenti normal qui s'exprime chez les personnes ayant un lien fort et profond avec leur environnement.

    La crise climatique fait aussi naître des émotions positives

    La crise climatique ne suscite pas que des sentiments négatifs. En effet, les participants à l'enquête de Charline Schmerber ont aussi renseigné des émotions comme la joie, la motivation, l'espoir ou la détermination. Panu Pikhala, de l'université d'Helsinki, est l'un des fersfers de lance de la recherche sur les éco-émotions, une discipline encore balbutiante qui s'intéresse aux ressentis des personnes mais aussi comment ces derniers influent les réactions face au changement climatique.

    Dans un article paru le 14 janvier 2022 dans Frontiers in climate, Panu Pikhala propose un inventaire des éco-émotions répertoriées dans la littérature scientifique, qui sont aussi bien positives que négatives. Par exemple, la motivation, le besoin d'agir et la détermination sont liés à l'envie des personnes de faire quelque chose d'utile. Le plaisir, la joie et la fierté apparaissent quand les personnes adoptent un comportement « pro-environnement » comme s'engager dans une association ou entamer une transition écologique à la maison. D'autres se sentent optimistes et sont pleins d'espoir face à un monde en pleine mutation. Enfin, aussi paradoxal que cela puisse paraître, la crise climatique peut faire émerger un sentiment d'amour et de compassion pour les endroits et les populations les plus touchés.

    Dans le monde anglophone, la psychologie du climatclimat ou climate psychology est un domaine bien plus développé qu'en France. Néanmoins, ces notions commencent à infuser dans le milieu universitaire avec, notamment les premières thèses de psychologie ou de sociologie ayant pour thème l'éco-anxiété.


     

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