La crise du coronavirus continue de secouer le monde. En milieu hospitalier déjà, les masques de protection manquent. Qu’en sera-t-il si l’ensemble de la population est amené à devoir en porter pour freiner un peu plus la propagation du coronavirus ? Dans l’espoir de trouver une réponse à la pénurie qui s’annonce, les chercheurs se penchent sur la question du possible recyclage de ces masques de protection. Des solutions apparaissent, mais il ne semble pas exister de technologie miracle.


au sommaire


    Plusieurs semaines maintenant que le coronavirus, responsable de la pandémie de Covid-19, circule dans les populations. Une crise qui a mis sur le devant de la scène médiatique, la question des masques de protection. Et, dans la plupart des pays du monde, celle d'un risque de pénurie de ces équipements. Pourquoi ? Parce que les capacités de production chinoises ont, un temps, été largement réduites. Mais essentiellement parce qu'après quelques heures d'utilisation seulement, ils perdent leur efficacité et doivent être remplacés. À usage unique, une quantité colossale de ces masques est donc nécessaire en ces temps de pandémie.

    Alors que les autorités cherchent à relancer des productions, les scientifiques travaillent à d'autres solutions. Des solutions de recyclage qui, après utilisation, permettrait d'éliminer la charge virale de ces masques tout en maintenant leur niveau de performance. Ainsi, en plein confinement, le CNRS et le CEA ont mis en place un consortium interdisciplinaire qui explore plusieurs possibilités.

    Des traitements virucides et bactéricides

    Dans un entretien au Journal du CNRS, Philippe Cinquin, professeur en santé publique et praticien hospitalier, explique le long travail d'évaluation mis en œuvre pour chaque piste. Celle de l'irradiationirradiation par des rayons gamma -- c'est-à-dire à l'aide de photonsphotons de très haute énergieénergie --, par exemple. Collecte de masques usagés, essais d'irradiation, travaux sur les conséquences d'une irradiation sur le matériaumatériau constitutif des masques et test des performances après traitement et de l'efficacité de désinfection sur les bactéries présentes dans les masques.

    D'autres possibilités sont explorées selon le même schéma : la stérilisation bêtabêta -- à l'aide de faisceaux d'électronsélectrons --, le traitement à l'oxyde d'éthylèneéthylène (C2H4O), le passage en autoclaveautoclave à 121 °C pendant 50 minutes, le lavage au détergent à 60 ou 95 °C ou le chauffage à 70 °C en chaleurchaleur sèche ou dans l'eau. Ces dernières méthodes de lavage visant également à éliminer les résidus organiques qui pourraient protéger les pathogènes et réduire l'efficacité des autres protocolesprotocoles de décontamination.

    Pour les chercheurs, il ne suffit pas de définir la méthode de désinfection des masques la plus efficace, mais aussi de trouver celle qui sera la plus adaptée à une mise en œuvre à grande échelle. © Vincenzo De Bernardo, Adobe Stock
    Pour les chercheurs, il ne suffit pas de définir la méthode de désinfection des masques la plus efficace, mais aussi de trouver celle qui sera la plus adaptée à une mise en œuvre à grande échelle. © Vincenzo De Bernardo, Adobe Stock

    Des résultats variables

    Les premiers résultats rapportés par le consortium font état d'une efficacité variable selon le type de masque. Ainsi l'irradiation gamma fonctionne bien sur les masques chirurgicaux. En revanche, elle ne permet pas d'assurer le maintien des performances des masques FFP2. La chaleur sèche à 70 °C détruirait en revanche très efficacement la charge virale sur ces deux types de masques.

    Des masques réutilisables une fois décontaminés au peroxyde d'hydrogène

    Dans d'autres pays aussi, les chercheurs explorent des pistes pour recyclerrecycler les masques de protection. L'Institut national néerlandais pour la santé publique et l'environnement a par exemple publié une étude qui conclut que les masques FFP2 peuvent être réutilisés trois fois, à condition d'être décontaminés à l'aide de peroxyde d’hydrogène (H2O2) entre chacune de ces utilisations.

    La méthode utilisée en Chine pour désinfecter les bus aux ultra-violets (UV) pourrait être efficace. À condition de prendre quelques précautions pour bien exposer toutes les parties du masque. © Andrey Sukhachev, Adobe Stock
    La méthode utilisée en Chine pour désinfecter les bus aux ultra-violets (UV) pourrait être efficace. À condition de prendre quelques précautions pour bien exposer toutes les parties du masque. © Andrey Sukhachev, Adobe Stock

    Une plateforme d’information

    Aux États-Unis, des chercheurs viennent de lancer une plateforme, N95decon.org -- en référence aux masques N95 qui sont l'équivalent de nos masques FFP2 -- destinée à synthétiser la littérature scientifique disponible à ce sujet. Et ils en proposent un décryptage à destination des utilisateurs de masques et des décideurs. Ainsi, ils conseillent, pour ceux qui voudraient utiliser des appareils à ultra-violets (UVUV), de bien veiller à ce que toute la surface des masques soit traitée avec une énergie suffisante. Et comme leurs collègues des Pays-Bas, ils imaginent qu'une méthode basée sur de la vapeur de peroxyde d'hydrogèneperoxyde d'hydrogène pourrait être mise en œuvre à grande échelle.

    Une note détaillant par ailleurs quelques erreurs à ne pas commettre a aussi été mise en ligne, pas plus tard que ce dimanche. Elle indique par exemple que l'usage d'alcoolsalcools de type éthanol doit être proscrit. Celui-ci dégrade en effet les propriétés de filtrationfiltration des masques N95. Idem pour les lavages à l'eau de Javel, dont les résidus pourraient en plus avoir des effets indésirables sur la santé de ceux qui porteraient des masques ainsi nettoyés.