À l'occasion de la Semaine du cerveau, revenons sur quelques découvertes récentes dont plusieurs ont fortement modifié notre vision du fonctionnement cérébral. Commençons par la publication étonnante d'une équipe de neurophysiologistes qui avait lâché une bombe pendant... la Semaine du cerveau 2017. Selon ce travail, qui ne semble pas avoir été contredit depuis, les dendrites, ces prolongements du neurone que l'on assimilait à des fils électriques, participent sans doute au traitement de l'information. L'idée n'est pas nouvelle mais la preuve est faite et ces chercheurs ajoutent un fait nouveau : il y a aussi de l'analogique dans le cerveau.

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    Article paru le 14 mars 2017

    Faut-il réviser nos conceptions sur le fonctionnement des neurones du cerveau ? Oui, affirment des biologistes de l'Ucla (Université de Californie à Los Angeles), après une étude qui apporte du relief à la Semaine du cerveau. C'est le rôle des dendrites qui serait à revoir, expliquent-ils dans un article de Science.

    Jusqu'ici, on pensait que l'influx nerveux prenait naissance dans le corps cellulaire du neurone, ou soma, pour se propager ensuite dans l'axone afin d'atteindre les dendrites des neurones suivants, en aval dans le sens de propagation du signal.

    Les dendrites représentent 90 % du volume cérébral

    En somme, les dendrites ne seraient que des conducteurs électriques. Cette vision, peut-être influencée par nos circuits électroniques (le processeur et ses connecteurs correspondant au soma et à ses dendrites), semble trop simpliste.

    Les dendrites, ici colorées en vert, sont des prolongements cytoplasmiques qui entourent le corps cellulaire des neurones. © Shelley Halpain, UC San Diego

    Les dendrites, ici colorées en vert, sont des prolongements cytoplasmiques qui entourent le corps cellulaire des neurones. © Shelley Halpain, UC San Diego

    Les dendrites génèrent dix fois plus d’influx que le soma

    L'équipe de l'Ucla, dirigée par la neurophysiologiste Mayank Mehta, a fait à peu près la même chose mais avec un soin supplémentaire : les électrodesélectrodes ne viennent pas perforer les dendrites, ce qui altère le fonctionnement du neurone, selon ces chercheurs. Elles viennent simplement au contact. Le résultat fait plus que confirmer les précédents : les dendrites génèrent dix fois plus de signaux nerveux que les corps cellulaires !

    Depuis plusieurs années, des indices laissaient penser que les dendrites peuvent générer aussi cet influx nerveux. En 2013, nous rapportions une expérience qui le montrait nettement. Des électrodes avaient été implantées dans le cerveau de souris jusqu'à venir toucher des dendrites et elles avaient bien détecté des « potentiels d'actionpotentiels d'action », ces vaguesvagues de dépolarisation de la membrane qui constituent l'influx nerveux.

    Voir aussi

    Les dendrites, les mini-ordinateurs du cerveau

    Loin d'être des câbles électriques, ces structures participeraient donc au travail du cerveau. Or, rappelle Mayank Mehta dans le communiqué de l’Ucla, les dendrites représentent 90 % du volumevolume cérébral. « Savoir qu'elles sont beaucoup plus actives que le soma change fondamentalement notre compréhension de la manière dont le cerveau traite l'information. »

    Le saviez-vous ?

    L’étude des neurones dans le cerveau est très difficile. Longtemps, les expériences portaient sur des animaux morts ou anesthésiés. L’anatomie était donc bien connue mais le cerveau en fonctionnement reste en grande partie mystérieux. L’IRMf (f pour fonctionnelle), qui détecte la légère suroxygénation là où les neurones travaillent, a permis une imagerie en temps réel, visualisant l’activité des zones du cerveau lors de certaines tâches. Quant aux implants d’électrodes chez des animaux vivants, ils sont limités en résolution. Pour étudier les dendrites elles-mêmes, il faut parvenir à y enfoncer l’électrode, ce qui impose d’anesthésier l’animal. C’est la première fois qu’une telle précision est obtenue chez un animal laissé libre de ses mouvements.

    Il y a plus. Les mesures montrent que les dendrites produisent des influx modulés en amplitude (en voltsvolts), alors que les somas ne génèrent que des signaux identiques, donc une information binairebinaire. Quelque chose d'analogiqueanalogique vient donc s'ajouter au travail du cerveau, où l'on ne voyait jusque-là que du numériquenumérique.

    Selon elle, qui laisse aller son enthousiasme, les applicationsapplications pourraient être médicales, avec des traitements contre des maladies neurologiquesmaladies neurologiques, voire informatiques, si ces idées nouvelles pouvaient améliorer les réseaux neuronaux. Sur le plan scientifique, ces résultats donnent d'abord une mesure de notre ignorance du fonctionnement du cerveau...