Imaginez une caméra portée à l'épaule d’une personne qui marche. L’image produite n’est pas stable : elle sautille et elle est floue. Qu’en est-il de nos yeux ? Comment se fait-il que la vision demeure stable même lorsque notre tête bouge ? Des chercheurs ont peut-être trouvé la réponse.


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    Nos yeux envoient constamment d'énormes quantités d'informations à notre cerveau sur notre environnement : couleurscouleurs, formes, intensité lumineuse. Lorsque nous marchons par exemple, ces informations changent à chaque instant selon notre position par rapport aux objets qui nous entourent. Cela devient encore plus complexe quand nous bougeons et que les objets autour de nous sont eux aussi en mouvementmouvement. Pourtant, ce n'est pas ce que nous ressentons : nous avons une perception visuelle relativement nette de notre environnement, sans faire d'efforts particuliers. Comment notre cerveau fait-il pour traiter instantanément toutes ces informations ? Il se pourrait bien que justement il ne les traite pas de manière instantanée ! Une étude publiée le 12 janvier 2022 dans Science Advances apporte des éléments de réponse.

    Notre cerveau nous envoie une image lissée des 15 dernières secondes

    Des chercheurs du département de psychologie de l'université de Californie ont pu mettre en évidence le fait que le cerveau n'analyse pas les données provenant des yeuxyeux en direct. En effet, il nous transmet un résumé, une moyenne en quelque sorte, des informations reçues au cours des 15 dernières secondes. Notre cerveau a l'extraordinaire capacité de consolider des quantités astronomiques de renseignements visuels pour que nous puissions avoir un rendu fluide et lissé de notre environnement. Il s'agit d'une véritable illusion visuelle !

    Notre cerveau est capable de traiter une énorme quantité d'informations. © decade3d, Adobe Stock
    Notre cerveau est capable de traiter une énorme quantité d'informations. © decade3d, Adobe Stock

    Comment les chercheurs ont-ils prouvé cela ?

    Une expérience a été menée sur trois groupes d'individus. Le premier groupe (n=44) a visionné l'image statique d'un visage d'enfant de 13 ans. Le second groupe (n=45) a visionné l'image statique d'un adulte de 25,5 ans. Le troisième groupe (n=47) a visionné au départ l'image de l'enfant de 13 ans présentée au premier groupe, vieillissant progressivement pour arriver à l'image du visage de l'adulte de 25,5 ans présentée au second groupe. La duréedurée du film présenté au troisième groupe était de 30 secondes. À la fin du visionnage, une question a été posée aux participants : quel est l'âge de la personne à la fin du film ? La quasi-totalité des participants ont évalué l'âge à environ 20 ans. Ce qui correspond à l'âge réel du visage 15 secondes avant la fin du film ! Concernant les deux premiers groupes ayant visionné une image statique, la même question a été posée et les participants étaient en capacité de donner l'âge approximatif du visage.

    L'expérience inverse a été menée sur un quatrième groupe, avec une vidéo commençant par le visage de l'adulte de 25,5 ans et finissant par l'image du visage de 13 ans (rajeunissement). Là aussi, les participants répondaient à la question en donnant l'âge du visage qui était apparu 15 secondes avant la fin de la vidéo. 

    En conclusion, les chercheurs notent que notre cerveau adopte cette stratégie pour s'économiser ! Il serait trop fastidieux de traiter toutes les données reçues en temps réel. Mais gardons à l'esprit que ce que nous voyons correspond en réalité à un résumé des 15 dernières secondes écoulées.