Un bruit, une présence, un téléphone qui sonne..., le cerveau est stimulé en permanence. Mais comment parvient-il à rester concentré ? Une équipe de chercheurs a localisé, visualisé et chronométré ce système de tri sélectif entre les informations importantes et celles qui doivent être ignorées.


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    Rester concentré est un processus éminemment complexe car le cerveau est sans cesse perturbé par des stimulations, un bruit, une présence, une image, un appel... Rester attentif exige donc de trier en permanence cette multitude de stimuli pour se focaliser uniquement sur l'information la plus pertinente pour la tâche en cours. Comment le cerveau fait ce tri entre ce qui mérite de s'y arrêter et ce qui doit être ignoré ? C'est la question que s'est posée l'équipe de Jean-Philippe Lachaux, unité 1028 Inserm/CNRS/Université Claude BernardClaude Bernard/Université Jean Monnet, Centre de recherche en neurosciences de Lyon, équipe DYCOG, Lyon, en collaboration avec celle de Marcela Perrone, Laboratoire de psychologie et neurocognition (UMR 5105 CNRS/Université Grenoble Alpes).

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    Le cerveau est sans cesse sollicité alors même qu'il est focalisé sur une tâche. © Jim, Adobe Stock
    Le cerveau est sans cesse sollicité alors même qu'il est focalisé sur une tâche. © Jim, Adobe Stock

    Le système de tri sélectif localisé

    Pour localiser et caractériser ce mécanisme d'évaluation, les chercheurs ont eu recours à des enregistrements intracérébraux par des électrodesélectrodes implantées chez 85 patients épileptiques. « Nous savions grâce à de précédents travaux qu'une zone du cortex préfrontal est spécialisée dans le maintien en mémoire de ce que nous cherchons à faire : notre intention du moment. C'est elle qui permet d'achever un travail ou une discussion commencée quelques instants plus tôt. Nous avons supposé que le système de tri sélectif des stimulations, qui influence directement cette fonction, devait être localisé à proximité. Or, une cinquantaine d'électrodes étaient implantées dans le cortex préfrontal de chaque patient, cela nous a permis d'analyser les signaux neuronaux dans cette région particulière à l'échelle des millisecondes », explique Jean-Philippe Lachaux.

    Le cerveau décide en moins d’un quart de seconde

    Pour étudier ce système de tri, les chercheurs ont demandé aux participants de lire un texte s'affichant sous forme de mots successifs en gris sur un écran, entremêlés avec d'autres en blanc sans lien avec l'histoire. Cela forçait les individus à se concentrer uniquement sur les termes gris pour comprendre le sens du texte. « À chaque nouveau mot, il y avait une prise de décision selon la couleurcouleur : le lire ou pas. Grâce à cet exercice nous avons pu chercher une zone du cortex préfrontal qui réagissait à chaque fois qu'un nouveau mot apparaissait à l'écran. Et nous l'avons trouvée. Un signal s'allumait systématiquement 200 ms après l'affichage du mot et juste avant la dissociation entre le fait de lire ou pas le mot. Et cela à un seul endroit, identique chez tous les participants et à proximité immédiate de la région de l'intention du moment comme suspecté, décrit Jean-Philippe Lachaux. Cela signifie que le cerveau décide en moins d'un quart de seconde si l'objet ou l'image qu'il a sous les yeuxyeux vaut la peine de lui accorder de l'attention ou autrement dit, notre système attentionnel prend plusieurs décisions par seconde. Autant d'occasions de prendre la mauvaise et de se laisser distraire par un contenu sans réelle importance ! ».

    En révélant pour la première fois l'emplacement et le fonctionnement de ce mécanisme de tri dans le cerveau humain, les chercheurs ouvrent la porteporte à de nouvelles voies de recherche. « Cette région du cerveau pourrait tout à fait être impliquée dans les problèmes attentionnels observés chez certains individus. Il va également être possible de modéliser le système attentionnel pour apprendre à mesurer le niveau d'attention d'une personne à partir d'un enregistrement électrique à la surface du cerveau », conclut Jean-Philippe Lachaux.

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