Dans le traitement du cancer par immunothérapie, des chercheurs ont étudié la façon dont les lymphocytes tueurs accèdent aux tumeurs pour les détruire. Certains vaisseaux sanguins ont été identifiés comme servant exclusivement à les véhiculer et leur plus grande proportion est associée à un plus grand nombre de lymphocytes tueurs. L'efficacité de l'immunothérapie s'en trouve améliorée pour éradiquer les cellules cancéreuses.
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L'immunothérapie, une stratégie thérapeutique visant à augmenter l'activité du système immunitaire pour reconnaître et détruire les cellules cancéreuses, a révolutionné le traitement du cancer ces dix dernières années. Mieux comprendre comment fonctionne cette approche thérapeutique, et en particulier comment les lymphocytes tueurs accèdent aux tumeurs lors de l'immunothérapie, pourrait permettre d'améliorer l'efficacité des traitements. L'équipe de Jean-Philippe Girard, directeur de recherche Inserm à l'Institut de pharmacologie et de biologie structurale (CNRS/Université Toulouse III - Paul Sabatier), en collaboration avec Gustave Roussy, vient de découvrir le rôle essentiel dans ce processus de vaisseaux sanguins particuliers, appelés vaisseaux HEV associés aux tumeurs.
Les scientifiques sont parvenus à filmer pour la première fois les lymphocytes se faufilant à travers la paroi des vaisseaux HEVHEV pour entrer dans les tumeurs. De plus, les chercheurs et chercheuses ont montré dans des modèles animaux qu'augmenter la proportion de vaisseaux HEV dans une tumeur, améliore l'efficacité de l'immunothérapie et conduit à l'élimination des tumeurs.
Dans un dernier temps, ils ont constaté que la probabilité de guérisonguérison de patients atteints de mélanome métastatiquemétastatique (cancer de la peaucancer de la peau) et traités par immunothérapie est augmentée lorsqu'un grand nombre de vaisseaux HEV sont présents dans les tumeurs. Les résultats de cette étude, financée par la Fondation ARC, la FRM, l'INCa, l'ANR et le Labex Toucan, sont publiés dans le journal Cancer Cell du 3 février 20221.
L'immunothérapie avec les anticorps thérapeutiques représente une véritable révolution pour le traitement du cancer. Elle permet notamment de guérir certains patients atteints de mélanome métastatique (cancer de la peau)), qui autrefois étaient condamnés. Malheureusement, l'immunothérapie ne fonctionne pas pour tous les patients ni pour tous les cancers. Une meilleure compréhension du mode d'action du traitement pourrait permettre de l'améliorer et de le rendre efficace chez un plus grand nombre de malades.
La voie royale pour entrer dans la tumeur
Les « lymphocytes tueurs », des globules blancsglobules blancs présents dans le sang, sont capables d'éliminer les cellules cancéreuses. Il est essentiel qu'un grand nombre de ces cellules tueuses puisse accéder aux tumeurs, afin de défendre l'organisme contre le cancer. L'équipe toulousaine lève le voile sur les mécanismes qui permettent aux lymphocytes tueurs de pénétrer dans les tumeurs pour les détruire, de façon spontanée ou à la suite d'un traitement par immunothérapie avec les anticorpsanticorps anti-PD-1 plus anti-CTLA-4.
“Pour la première fois, ils ont ainsi pu visualiser en direct et en temps réel les lymphocytes en train de se faufiler à travers la paroi des vaisseaux HEV”
Les scientifiques ont découvert que les vaisseaux HEV - pour High Endothelial Veinule - des vaisseaux sanguins très particuliers, constituent la porteporte d'entrée majeure des lymphocytes dans les tumeurs. En utilisant des techniques sophistiquées de microscopie, les chercheurs ont pu filmer le passage des lymphocytes du sang vers la tumeur dans des modèles animaux. Pour la première fois, ils ont ainsi pu visualiser en direct et en temps réel les lymphocytes en train de se faufiler à travers la paroi des vaisseaux HEV afin d'accéder aux cellules cancéreuses présentes dans la tumeur.
« Nous pensions que les vaisseaux HEV jouaient un rôle important pour l'entrée des lymphocytes dans la tumeur, mais nous avons été surpris de constater qu'ils en constituaient la porte d'entrée quasi exclusive », souligne Jean-Philippe Girard, directeur de recherche Inserm, dernier auteur de l'étude.
Les chercheurs ont ensuite observé dans leurs modèles que la présence d'un grand nombre de lymphocytes tueurs dans les tumeurs est associée à la présence d'un grand nombre de vaisseaux HEV. De plus, ils ont apporté la preuve de concept qu'augmenter la proportion des vaisseaux HEV dans une tumeur améliore l'efficacité de l'immunothérapie anti-PD-1 plus anti-CTLA-4 et conduit à l'élimination des tumeurs.
Amélioration du diagnostic et de l'approche thérapeutique
Enfin, en collaboration avec l'équipe de Caroline Robert à Gustave Roussy -- également responsable d'équipe au sein de l'unité Inserm U981 --, les scientifiques se sont intéressés à des patients atteints de mélanome métastatique. Ils ont découvert que la présence d'un grand nombre de vaisseaux HEV dans les tumeurs est associée à une meilleure réponse à l'immunothérapie anti-PD-1 plus anti-CTLA-4.
La prochaine étape pour les chercheurs sera de développer des traitements visant à augmenter la proportion de vaisseaux HEV dans les tumeurs, afin d'améliorer l'efficacité de l’immunothérapie, en permettant un recrutement massif de lymphocytes tueurs pour éradiquer les cellules cancéreuses. « Nos travaux pourraient permettre à plus long terme d'améliorer le traitement par immunothérapie pour les patients atteints de mélanome métastatique et d'autres types de tumeurs solidessolides. Ils ont aussi des implications sur le plan du pronosticpronostic, les cliniciens pouvant désormais s'intéresser aux vaisseaux HEV pour prédire la réponse d'un patient à l'immunothérapie », conclut Jean-Philippe Girard.