Grâce à un nouveau scanner à laser, une équipe allemande a pu suivre cellule par cellule les premières 24 heures d'un embryon de poisson, ce qui n'avait jamais été obtenu auparavant. Cette première est une aubaine pour les biologistes qui disposent désormais d'une représentation en 3D, sorte d'embryon numérique, librement consultable.

au sommaire


    Le laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) vient de rendre publiques des images spectaculaires, une sorte de documentaire scientifique sur un sujet qui peut sembler modeste : le premier jour de la vie d'un poissonpoisson. Si l'on connaît bien les phases successives qui conduisent de l'œuf fécondé à la larvelarve, ces informations ont pour l'essentiel été obtenues grâce à des observations au microscopemicroscope d'embryons sacrifiés à différents stades.

    Mais la formation d'un animal complet par divisions cellulaires s'effectue aussi par des migrations de cellules, nombreuses et complexes. Jusqu'ici, l'observation complète de l'embryogénèse n'avait été possible que pour deux organismes, un vers nématodenématode (Caenorhabditis elegansCaenorhabditis elegans) et une ascidie (Ciona intestinalis), un de nos très lointains cousins marins qui vit accroché au fond de l'eau.

    Chez vertébrésvertébrés, une telle observation restait une gageure. Elle est pourtant devenue réalité grâce à Philipp J. Keller, Annette D. Schmidt, Joachim Wittbrodt et Ernst H. K. Stelzer, quatre chercheurs de l'EMBL de Heidelberg (Allemagne) qui ont mis au point un dispositif expérimental particulier.

    L'embryon est placé devant un microscope à fluorescence particulier, dont la lumièrelumière laserlaser est émise sous forme d'un plan, et que les scientifiques ont baptisé Digital Scanned Laser Light Sheet Microscope (ce que l'on pourrait traduire par Microscope scanner numériquenumérique à laser en feuille). A la manière d'un scanner médical, il analyse l'embryon sous de multiples angles. Le second élément du dispositif est un logiciellogiciel, mis au point à l'Institut de technologie de Karlsruhe, qui récupère en temps réel l'énorme flux de données, décrivant la position de chaque cellule et son mouvementmouvement. L'ordinateurordinateur peut alors construire une série de représentations en 3D qui reproduit l'ensemble de l'embryogénèse.


    Filmé en accéléré (deux images successives sont en réalité séparées de dix minutes), un embryon de danio rayé vit ses premières heures. © EMBL

    Un Google Earth de l'embryon

    Pour mettre son système à l'épreuve, l'équipe a choisi un embryon de poisson zèbrepoisson zèbre, ou danio rayé, alias Danio rerio ou encore Cyprinus rerio, bien connu des aquariophiles mais aussi des biologistes qui en ont fait un modèle de laboratoire. L'embryon a été suivi durant ses 24 premières heures jusqu'au stade où il comprend environ 20.000 cellules. Malgré la modestie de l'animal et le temps assez court de l'observation, celle-ci a conduit à une quantité d'informations gigantesque. L'ordinateur a dû récupérer 1,5 milliard de « voxels » par minute, un voxel représentant l'unité de volumevolume élémentaire (un pixelpixel en volume donc).

    Ce sont des téraoctets de données qu'il a ensuite fallu traiter pour reconstituer 24 heures de la formation de l'embryon d'un poisson zèbre. Les chercheurs n'indiquent pas à combien ils estiment la quantité de données qui résulterait d'un travail équivalent sur l'embryogénèse d'un grand mammifèremammifère, comme un être humain par exemple...

    De leur belle réussite technique, les quatre biologistes ont déjà tiré une déduction sur le plan scientifique concernant la formation d'une des familles de tissus du poisson zèbre. A peine au point, cet outil a donc produit ses premiers résultats et laisse bien augurer de la suite. Cette modélisationmodélisation en 3D - on pourrait même dire en 4D puisqu'aux dimensions spatiales s'ajoute le temps - est désormais accessible aux autres scientifiques. Différentes équipes pourront donc s'en servir de multiples manières, pour confronter leurs résultats ou imaginer de nouvelles expériences.

    « Cet embryon numérique est comme un Google EarthGoogle Earth du développement embryonnaire, s'enthousiasme Jochen Wittbrodt. Il est possible de zoomer sur n'importe quelle zone jusqu'au niveau cellulaire voire subcellulaire. » D'après les chercheurs, la technique pourra également être employée chez d'autres vertébrés, amphibiensamphibiens, oiseaux ou mammifères. A suivre, donc.