Il a un petit cerveau, des capacités de réflexions limitées... Pourtant, on vient de découvrir que le bousier pouvait se diriger grâce à la lumière de la Voie lactée. Une particularité qu’il n’est peut-être pas le seul à avoir, mais il est en tout cas le seul chez qui cela a pu être prouvé. Découvriront-ils un jour l’Amérique en suivant les étoiles ?

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    Le bousier (Scarabaeus satyrus) a besoin de repères visuels pour marcher droit. Le jour, il utilise le soleil ; la nuit, il utilise préférentiellement la Lune. Quand elle se cache, il se sert alors de toute la voûte céleste, y compris de la Voie lactée, pour s'éloigner de la bouse, sa boule entre les pattes. © Avec l'aimable autorisation d'Emily Baird

    Le bousier (Scarabaeus satyrus) a besoin de repères visuels pour marcher droit. Le jour, il utilise le soleil ; la nuit, il utilise préférentiellement la Lune. Quand elle se cache, il se sert alors de toute la voûte céleste, y compris de la Voie lactée, pour s'éloigner de la bouse, sa boule entre les pattes. © Avec l'aimable autorisation d'Emily Baird

    Le bousier, c'est ce scarabée si particulier qui se nourrit de fumier. Il en fait des boules qu'il pousse avec une force incroyable, et fait ainsi office de nettoyeur de la savane africaine. Cet insecte, dont l'activité en dégoûterait plus d'un, est en fait plein de ressources. Une nouvelle expérience, publiée dans Current Biology, vient de montrer qu'il sait se fier aux étoilesétoiles et à la Voie lactéeVoie lactée pour se diriger la nuit.

    Précédemment, des équipes de la Wits University (Johannesburg, Afrique du Sud) et de l'université de Lund (Suède) avaient démontré que dans la journée, le bousier pouvait s’orienter grâce à la position du soleilsoleil. La nuit, il savait se fier à la LuneLune pour pousser sa boule en ligne droite et éviter de tourner en rond. Mais comment fait-il les nuits sans Lune ?

    Des bousiers qui n’aiment pas le noir

    Ces mêmes scientifiques ont donc testé un protocoleprotocole pour comprendre comment ces scarabées s'en sortaient. En plein airair, dans un ciel éclairé uniquement par les étoiles, ils ont observé les bousiers pousser leur boule depuis le centre d'un cercle jusqu'au murmur qui le délimitait. Certains d'entre eux avaient la vue obstruée par un capuchon de carton. D'autres disposaient d'un capuchon de plastiqueplastique transparenttransparent, quand un lot témoin ne portait rien sur la tête. Seuls les insectes avec la vue obstruée manifestaient des difficultés à se déplacer.

    Dans une deuxième expérience, les bousiers ont été chronométrés. Aidés de la Lune, il leur faut 21 s pour atteindre le mur depuis le centre. Sans l'astreastre de la nuit, ils y parviennent en 40 s. Sans Lune, ni étoiles, le temps monte à 117 s, soit presque une mesure équivalente à celle enregistrée chez les scarabées portant un capuchon sur la tête, cas de figure où 125 s sont alors nécessaires en moyenne.

    La Voie lactée, observée depuis le désert du Nevada (États-Unis), est notre galaxie vue par la tranche. La Terre étant située plutôt à l'extérieur, on peut voir le centre de cet amas d'étoiles, de gaz et de poussières. © Steve Jurvetson, Wikipédia, cc by 2.0

    La Voie lactée, observée depuis le désert du Nevada (États-Unis), est notre galaxie vue par la tranche. La Terre étant située plutôt à l'extérieur, on peut voir le centre de cet amas d'étoiles, de gaz et de poussières. © Steve Jurvetson, Wikipédia, cc by 2.0

    La Voie lactée en guise de guide

    Les biologistes sont allés un peu plus loin. Cette fois, terminé le milieu naturel : les bousiers ont été lâchés dans le planétarium de l'université sud-africaine. Cette fois-ci, les auteurs ont le contrôle des éléments. Ainsi, toutes lumièreslumières allumées (imitant une nuit sans Lune), les animaux ont poussé leur grosse boule de fumier, sous un ciel artificiel étoilé. Il leur faut alors 43 s pour rejoindre le mur, soit un temps semblable à ce qui avait été observé dans les conditions naturelles.

    Toutes les ampoules représentant les étoiles ont ensuite été éteintes, ne restaient plus alors que celles de la Voie lactée. Le mur a été atteint en 53 s en moyenne, preuve que les bousiers peuvent aussi se guider en ligne droite grâce à notre galaxiegalaxie.

    Tous ces tests étant encore insuffisants, les scientifiques ont réalisé une ultime expérience : allumer 18 étoiles brillantes dans le ciel, pour voir si les bousiers se servaient d'elles comme points de repère. La luminositéluminosité de la pièce en a pâti, les délais également. Cette fois, 83 s leur ont été nécessaires.

    Des étoiles pour fuir la cohue sur le tas de fumier

    Conclusion de l'expérience : les bousiers sont capables de se diriger en se fiant au ciel étoilé. Si la Voie lactée peut leur servir de point de repère, les étoiles, individuellement, ne le peuvent pas. De ce fait, les chercheurs supposent que c'est le gradientgradient de lumière qui guide les insectes et les pousse à s'éloigner du tas de fumier, afin d'éviter la concurrence d'autres coléoptères et de pouvoir repartir triomphalement, un trophée plein les pattes postérieures. Peu leur importe la direction tant qu'ils s'éloignent de l'agitation qui y règne.

    Il semble en réalité garder un angle constant entre la source lumineuse et leur corps. Ainsi, à côté d'une bougie, le coléoptère tournera en rond, un peu comme les insectes volants autour d'une ampoule. Les astres étant suffisamment éloignés et inaccessibles, le bousier ne risque pas d'en faire le tour.

    On supposait que certains insectes, des araignées ou quelques vertébrés (comme des oiseaux) savaient s'orienter à l'aide de la voûte céleste. Néanmoins, c'est la première fois qu'une démonstration convaincante indique qu'une espèce animale se sert de la Voie lactée pour se guider la nuit.