C’est une observation qui restait jusqu’à présent inexplicable : le manteau terrestre possède trop d’éléments sidérophiles comme l’or ou le platine. Mais une nouvelle étude permet d’y voir plus clair et d’expliquer pourquoi ces éléments normalement associés au fer sont restés dans le manteau plutôt que de rejoindre le noyau. Une nouvelle théorie qui nous projette quelque 4 milliards d’années dans le passé.


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    L'or et le platineplatine sont peut-être considérés comme des métauxmétaux précieux, prisés par les bijoutiers et l'industrie, ce sont surtout des éléments dits hautement sidérophiles. Ils font en effet partie d'une famille d'éléments qui possèdent une très forte affinité pour le ferfer. Il n'est pas étonnant, donc, que ces éléments entrent principalement dans la composition du noyau terrestre, dans lequel ils ont migré avec le fer au moment du processus de différenciation planétaire, peu de temps après la formation de la Terre. Et pourtant, le manteau terrestre possède une relative abondance en ces éléments hautement sidérophiles. Une abondance qui était jusque-là inexplicable.

    Des collisions géantes sources d’éléments sidérophiles

    Certaines hypothèses suggéraient que les collisions géantes survenues durant les premiers stades de vie de la Terre aient pu jouer un rôle, les planétésimaux ayant en effet pu délivrer à ce moment-là des éléments sidérophiles stockés ensuite dans le manteau terrestre.

    La formation de la Terre est ponctuée de collisions géantes avec des planétésimaux. © David Mark, Pixabay
    La formation de la Terre est ponctuée de collisions géantes avec des planétésimaux. © David Mark, Pixabay

    Une explication jugée incomplète par deux chercheurs de l'université de Yale et de Boulder. En effet, la puissance de ces collisions aurait été si importante que les planétésimaux auraient pénétré directement à l'intérieur du manteau terrestre, leur noyau, et ses composants métalliques et sidérophiles, fusionnant alors rapidement avec celui de la Terre. Ce scénario ne permet donc pas d'expliquer la présence de grandes quantités d'éléments sidérophiles dans le manteau terrestre. Dans une nouvelle étude publiée dans la revue PNAS, les scientifiques apportent cependant de nouveaux éléments permettant de résoudre ce problème.

    La présence d’une zone fondue capable de retenir ces éléments

    Les chercheurs proposent en effet un autre scénario pouvant expliquer la rétention des composants métalliques dans les niveaux terrestres peu profonds. Le mécanisme proposé repose sur l'existence d'une zone partiellement fondue dans le manteau supérieur, alors que la surface terrestre est occupée par un océan de magma généré par chaque formidable impact.

    Suite à un impact géant avec un planétésimal se forme un océan de magma superficiel (a) et local, avec à la base un niveau (brun) de manteau partiellement fondu. Ce niveau aurait la capacité de retenir les éléments métalliques et sidérophiles apportés par le planétésimal (b), avant de les distribuer dans l'ensemble du manteau (c). © <em>Southwest Research Institute</em>
    Suite à un impact géant avec un planétésimal se forme un océan de magma superficiel (a) et local, avec à la base un niveau (brun) de manteau partiellement fondu. Ce niveau aurait la capacité de retenir les éléments métalliques et sidérophiles apportés par le planétésimal (b), avant de les distribuer dans l'ensemble du manteau (c). © Southwest Research Institute

    Les scientifiques montrent que cette zone partiellement fondue aurait eu la capacité de retenir les éléments sidérophiles apportés par les planétésimaux, puis de les distribuer lentement à travers le reste du manteau. Un processus qui serait d'ailleurs toujours à l'œuvre à l'heure actuelle ! Des régions où la vitesse est anormalement faible sont en effet observées à la base du manteau. Pour les auteurs, ces LLSVP (Large Low Shear Velocity Provinces) que l'on observe aujourd'hui, et dont l'origine est très débattue, pourraient représenter les restes de ces zones fondues lors d’impacts météoritiques majeurs.

    Aujourd'hui encore, la Terre n'aurait donc pas fini de panser les plaies causées par ces gigantesques collisions survenues à l'aubeaube de son histoire !