Estimer avec précision la composition exacte du noyau de la Terre reste un défi scientifique majeur. L’une des clés pour y parvenir est d’avoir une bonne idée des pressions qui règnent au cœur de notre Planète. Or une nouvelle étude montre que les précédentes estimations de pression pourraient être largement surestimées. Résultat : le noyau terrestre pourrait être bien plus léger qu’on ne le pensait.


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    Comprendre la composition du noyau terrestre est essentiel afin de discuter de certaines problématiques, comme la formation et l'évolution des planètes, ou encore le flux de chaleurchaleur qui alimente la convectionconvection du manteaumanteau. Mais comment connaître exactement la composition de cette zone qui se situe au cœur de notre Planète, à plus de 5 000 kilomètres sous nos pieds ? Si la sismologie a permis d'établir, grâce à l’étude de la propagation des ondes sismiques, que le noyau interne était composé majoritairement de ferfer solidesolide, sa constitution exacte reste encore incertaine.

    Un noyau composé majoritairement de fer mais aussi d’éléments plus légers

    Car ces mêmes observations sismologiques ont révélé que la densité du noyau terrestre était plus faible que celle du fer pur. Ce déficit s'élèverait de 3 à 5 %. Le noyau interne contiendrait donc une part, certes minime, d'éléments légers. Estimer la proportion de ces éléments légers demande cependant d'avoir une bonne estimation de la pression régnant dans les profondeurs de la Terre. Or, jusqu'à présent, les échelles de pressionpression proposées dans les précédentes études s'avéraient bien trop approximatives.

    La pression qui règne au cœur de la Terre permet d'estimer la composition du noyau. © 3D motion, Adobe Stock
    La pression qui règne au cœur de la Terre permet d'estimer la composition du noyau. © 3D motion, Adobe Stock

    Une équipe s'est donc attelée à définir une nouvelle échelle de pression, notamment pour les régions les plus profondes de notre Planète. Et cela n'a pas été une mince affaire. Les chercheurs ont ainsi réalisé des mesures des vitessesvitesses des ondes sismiques et de la densité dans un échantillon de rhéniumrhénium maintenu sous une pression croissante extrême dans une cellule de diamantdiamant. Les mesures ont été réalisées dans l'un des synchrotrons les plus puissants actuellement, le Spring-8 (situé au Japon), notamment grâce à l'analyse de la diffusiondiffusion et de la diffractiondiffraction des rayons Xrayons X.   

    Le syncrotron SPring-8 au Japon. © Artorius, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
    Le syncrotron SPring-8 au Japon. © Artorius, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Deux fois plus d’éléments légers qu’on ne le pensait auparavant

    Le rhénium est un élément chimiqueélément chimique (Re), appartenant à la famille des métauxmétaux de transition dont le comportement sous très haute pression facilite ce type d'étude. La détermination de la vitesse des ondes et de la densité au fur et à mesure de l'expérience a permis de déterminer l'évolution de la pression subie par l'échantillon de métal. Les scientifiques ont ainsi pu atteindre une pression similaire à celle régnant dans le noyau terrestre, soit 230 GPa. Or, cette nouvelle valeur est inférieure de 20 % aux précédentes estimations. Un écart significatif qui pourrait avoir d'importantes conséquences sur la composition du noyau terrestre.

    Grâce à cette nouvelle échelle de pression obtenue en laboratoire, les chercheurs ont pu interpréter le comportement métallique du fer à haute pression et le comparer avec le modèle sismique de la Terre. Les résultats, publiés dans la revue Science Advances révèlent que le noyau interne de la Terre serait bien moins dense qu'on ne le pensait jusqu'à présent. Le déficit de densité par rapport à du fer pur s'élèverait donc à environ 8 %. Le noyau interne pourrait ainsi contenir jusqu'à deux fois plus de matériel léger que ce que les précédentes études suggéraient. Une autre hypothèse serait que la température au centre de la Terre soit bien plus élevée que ce que l’on pensait, de l'ordre de 8 700 °C, soit environ 2 700 °C de plus que ce que donnent les modèles actuels. Une combinaison entre ces deux points de vue n'est également pas exclue.

    Ces nouveaux résultats remettent donc en question la composition et les conditions actuellement données pour le noyau interne. Ils pourraient également permettre de réviser la structure d'autres planètes.