Sa présence était suspectée depuis plusieurs années maintenant mais une nouvelle étude vient encore renforcer cette hypothèse : le noyau interne de la Terre contiendrait en son centre une « sous-graine » de fer solide qui mesurerait 650 km de rayon !


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    C'est expliqué dans tous les manuels scolaires. La Terre se compose de quatre grandes couches : la croûtecroûte, le manteaumanteau, le noyau externe et le noyau interne, aussi appelé graine. Oui... mais il semblerait d'après de récentes études que cette architecture soit légèrement incomplète. Car le jeu des poupées russes ne s'arrêterait pas là : à l'intérieur du noyau interne se trouverait... un autre noyau, encore plus petit. Cela commence à faire beaucoup de noyaux, me direz-vous ! Certes, mais les données sismologiques sont bien là.

    Un noyau externe, un noyau interne… oui mais pas seulement !

    Rappelons l'état des connaissances actuelles : sous le manteau, le noyau externe s'étend de 2 885 à 5 155 km de profondeur. Il a donc une épaisseur de 2 270 km et est composé principalement de fer et de nickel à l’état liquide. Il s'agit d'ailleurs de la seule couche non solidesolide de la Terre. Elle enveloppe le noyau interne (ou graine), d'un rayon de 1 220 km, qui est, lui, plutôt solide et composé du même alliagealliage, bien que certainement plus concentré en ferfer. Malgré le fait que ce noyau interne soit l'objet de nombreuses études, sa structure et sa composition restent très énigmatiques, notamment dans sa partie la plus profonde. Il ne faut pas oublier que l'entière connaissance que nous avons de la structure interne du globe nous provient de l'analyse des ondes sismiques. Bien que celles-ci se propagent dans toutes les directions, les incertitudes concernant le noyau interne sont ainsi liées au fait que le centre de la Terre est moins bien imagé par les ondes produites lors des puissants séismes que les régions moins profondes du globe.

    Voici le schéma actuel de la structure interne de la Terre, avec un noyau externe liquide et un noyau interne solide. Mais de nouvelles données montrent que ce dernier serait également composé d'une sous-graine. © J. Aubert, CNRS-IPGP
    Voici le schéma actuel de la structure interne de la Terre, avec un noyau externe liquide et un noyau interne solide. Mais de nouvelles données montrent que ce dernier serait également composé d'une sous-graine. © J. Aubert, CNRS-IPGP

    Pourtant, depuis une vingtaine d'années, certaines études montrent que le noyau interne ne serait pas aussi homogène que l'on voudrait le croire. Les vitessesvitesses des ondes sismiques ayant traversé la graine révèlent en effet que cette couche possède une certaine anisotropieanisotropie. Cela signifie qu'elle possède des caractéristiques physico-chimiques qui font que les ondes se propagent plus rapidement dans certaines directions que dans d'autres. Pour certains scientifiques, il s'agit là de la preuve de l'existence d'un noyau « encore plus interne » qui possèderait des caractéristiques distinctes du reste du noyau. Des caractéristiques encore relativement floues.

    Des ondes qui jouent au ping-pong à l’intérieur de la Terre

    En se basant sur l’analyse d’ondes P réverbérées plusieurs fois à l'intérieur de la Terre et ayant ainsi traversé le noyau interne à plusieurs reprises, deux chercheurs de l'Australian National University de Canberra proposent une caractérisation approfondie de cette « sous-graine » tapie au centre de la Terre. Leurs résultats ont été publiés dans Nature communications.

    Les ondes étudiées sont des multiples d’ondes PKIKP. Ces ondes, produites en surface au niveau de zones de subductionzones de subduction, ont traversé la Terre de part en part en passant par le noyau interne, avant de se réfléchir sous la surface terrestre située à l'antipode de l'épicentre du séisme et de retraverser le noyau dans le sens inverse, avec un angle toutefois légèrement différent. Comme une balle de pingping-pong, ces ondes PKIKP ont ainsi été réverbérées jusqu'à cinq fois sur le diamètre terrestre avant d'être enregistrées par une station sismique.

    Schéma montrant l'épicentre d'un séisme (étoile rouge) et la propagation des ondes PKIKP traversant le noyau interne et venant se réfléchir sous la surface terrestre, à l'antipode. © Drew Whitehouse, Son Pham et Hrvoje Tkalčic.
    Schéma montrant l'épicentre d'un séisme (étoile rouge) et la propagation des ondes PKIKP traversant le noyau interne et venant se réfléchir sous la surface terrestre, à l'antipode. © Drew Whitehouse, Son Pham et Hrvoje Tkalčic.

    C'est en comparant les temps d'arrivée de ces ondes bien spécifiques que les chercheurs ont pu déterminer la présence d'une sous-graine de 650 km de rayon au centre du noyau interne. Il ne semblerait cependant pas y avoir de différence de composition majeure. Reste à comprendre la formation de cette sous-graine. Pour les auteurs, elle aurait pu se former à la suite d'un événement majeur dans l'histoire de la Terre. Sa présence pourrait également avoir participé à la génération du champ magnétique terrestre, qui a joué un rôle si important pour le développement de la vie sur notre Planète.