Loin sous la surface des océans se cachent d’étonnantes oasis de vie. Dans cet environnement froid et sans lumière qui caractérise le fond océanique, certaines espèces ont en effet trouvé refuge au niveau de sources hydrothermales, qui crachent des fluides toxiques et surchauffés. Un milieu a priori hostile dont elles savent pourtant tirer parti. Un témoignage de plus de la formidable adaptabilité du vivant.


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    Qui aurait cru, il y a 50 ans, qu'une faune riche et diversifiée pouvait se développer à plus de 2 500 mètres de profondeur, où ni lumièrelumière, ni oxygène ne sont présents ? À la fin des années 1970, la découverte des première cheminéescheminées hydrothermales laissent ainsi nombre de scientifiques incrédules. Car aux abords de ces sources d'où sortent des fluides acidesacides et chauffés à plus de 400°C, ce ne sont pas quelques organismes qui sont présents, mais bien de véritables écosystèmes, d'une complexité et d'une richesse insoupçonnées.

    La vie foisonne autour des évents hydrothermaux du site Rainbow © Submarine Ring of Fire 2006 Exploration, NOAA Vents Program, <em>Wikimedia Commons</em>, domaine public
    La vie foisonne autour des évents hydrothermaux du site Rainbow © Submarine Ring of Fire 2006 Exploration, NOAA Vents Program, Wikimedia Commons, domaine public

    Aujourd'hui, les explorations océanographiques ont permis de recenser plusieurs centaines de ces champs hydrothermaux, qui représentent de véritables oasis de vie au fond des océans du globe. L'idée que ces environnements extrêmes puissent représenter un analogue des premiers foyers où la vie aurait pu apparaitre il y a 4 milliards d'années est d'ailleurs de plus en plus présente.

    Le tardigrade est lui-même un extrêmophile hors pair. Du vide de l'espace aux cratères des volcans, ce petit organisme dodu sait s'adapter à tous les environnements. © Futura

    Variabilité faunistique au sein du champ hydrothermal de Lucky Strike

    Du point de vue biologique, l'étude de ces habitats éclaire les capacités d'adaptation dont font preuve les organismes vivants. Car chaque source hydrothermale possède ses propres caractéristiques de pH, de température et de composition des fluides, entrainant la formation d'un écosystème bien spécifique. Pris dans leur ensemble, les sites hydrothermaux forment ainsi une vaste mosaïque d'écosystèmes dispersés le long des dorsales océaniques.

    Des chercheurs se sont toutefois intéressés aux variabilités faunistiques existant au sein d'un même site hydrothermal. Connu depuis plusieurs dizaines d'années, le champ hydrothermal de Lucky Strike se situe sur la dorsale médio-Atlantique et est constitué de nombreuses cheminées qui ne présentent en effet pas toutes les mêmes caractéristiques, malgré leur proximité géographique. Il faut rappeler que ces cheminées, souvent appelées « fumeurs noirs », se construisent progressivement grâce à la précipitation d'éléments dissous dans le fluide chaud expulsé au niveau des évents, et dont la composition dépend de la nature des roches traversées au sein du plancher océanique. L'édifice nommé Capelinhos contrastecontraste ainsi de manière forte avec les cheminées voisines du champ de Lucky Strike. Les fluides qui en sortent sont en effet très acides et riches en métauxmétaux lourds. De tous points de vue, Capelinhos présente donc des conditions bien plus toxiques que le reste du site, et les scientifiques s'attendaient donc à y observer une plus faible diversité d'espècesespèces.

    Sur les cheminées de Capelinhos, le robot Victor 6000 effectue des prélèvements sur des moules, installées là confortablement, à une profondeur de 1 700 mètres et dans des conditions normalement très toxiques © Ifremer - Momarsat
    Sur les cheminées de Capelinhos, le robot Victor 6000 effectue des prélèvements sur des moules, installées là confortablement, à une profondeur de 1 700 mètres et dans des conditions normalement très toxiques © Ifremer - Momarsat

    Les mêmes espèces mais des processus biochimiques différents  

    Que neni ! CrustacésCrustacés, mollusquesmollusques et vers marins y ont été observés à profusion. Les scientifiques se sont d'ailleurs rapidement rendus compte que les espèces étaient les mêmes que celles retrouvées sur les autres cheminées hydrothermales à proximité, malgré des conditions bien plus extrêmes. Mais comment expliquer cette continuité de la faune ?

    Les résultats de l'étude, publiée dans la revue Scientific Reports, indiquent que si la composition faunistique est bien la même, des différences notables ont toutefois été observées dans le mode de vie de ces animaux. Alors qu’habituellement l’énergie nécessaire à leur survie est obtenue par une réaction d’oxydation du sulfure d’hydrogène, très présent dans les fluides hydrothermaux, les organismes du site de Capelinhos semblent plutôt s'être adaptés pour tirer profit du méthane. Ces observations mettent en évidence la formidable adaptabilité des organismes composant les faunes hydrothermales.

    Les cheminées hydrothermales du site Capelinhos crachent un fluide très acide, chaud et chargé en métaux lourds. Cela n'empêche cependant pas la vie d'y être présente © Ifremer - Momarsat
    Les cheminées hydrothermales du site Capelinhos crachent un fluide très acide, chaud et chargé en métaux lourds. Cela n'empêche cependant pas la vie d'y être présente © Ifremer - Momarsat

    « Notre étude [...] met en évidence l'énorme versatilité de certains organismes marins. Face à des changements environnementaux majeurs - pouvant même mener à des conditions extrêmes - il y aura toujours des formes de vie capables de s'adapter, de vivre et de vivre bien » précise Daniel Martin, co-auteur de l'article, dans un communiqué de presse.