La Chine empoisonne-t-elle le récif de Scarborough au cyanure ? Une enquête a été ouverte par les Philippines afin de faire la lumière sur ce qui pourrait être une catastrophe écologique majeure, inscrite dans un conflit de longue date entre les deux pays pour la souveraineté de la mer de Chine méridionale.


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    Le ton monte entre la Chine et les Philippines. Au cœur du conflit : le récif de Scarborough, un atoll situé en mer de Chine méridionale et âprement disputé par les deux nations depuis plusieurs années. Le conflit a pris une nouvelle dimension ce mois-ci suite à la conférence de presse donnée par le Bureau philippin de la pêche et des ressources aquatiques (BFAR), qui a accusé les pêcheurs chinois de vouloir éliminer la concurrence et empêcher les bateaux de pêche philippins d'opérer dans la région... en empoisonnant la zone avec du cyanure ! Montant estimé des dégâts : 17,8 millions de dollars. L'accusation est grave et, si elle devait se vérifier, annoncerait une véritable catastrophe écologique pour cette zone naturelle.

    Scarborough, un atoll stratégique

    Pourquoi un tel acharnement autour de ce territoire ? Le récif de Scarborough (ou Bajo de Masinloc pour les Philippins) présente deux atouts : c'est un vivier de poissonspoissons plébiscité par les pêcheurs, et son lagon offre aux navires une zone d'accostage et de protection en cas de tempêtetempête. À cela s'ajoute une rivalité historique entre la Chine et les Philippines pour la souveraineté des îles situées en mer de Chine méridionale. En 2016, une série d'arguments historiques et juridiques avaient mené le tribunal de La Haye à donner raison aux Philippines, décision que la Chine a refusé, augmentant encore, au contraire, sa présence militaire dans la région.

    De là à dire que l'Empire du milieu aurait décidé de rendre la zone inexploitable avec l'emploi de cyanure, il y a un pas que, pour l'instant, les garde-côtes philippins n'osent pas franchir. « Nous ne disposons d'aucune étude scientifique ni d'aucune preuve suggérant que la pêche au cyanure dans le Bajo de Masinloc peut être attribuée aux pêcheurs chinois ou vietnamiens », a déclaré le porteporte-parole des garde-côtes Jay Tarriela, d'après le Philstar Global.

    Carte de la mer de Chine méridionale montrant les territoires (points rouges) revendiqués par la Chine. © Reuters
    Carte de la mer de Chine méridionale montrant les territoires (points rouges) revendiqués par la Chine. © Reuters

    La pêche au cyanure interdite depuis 1998

    Ce poison a longtemps été utilisé dans certaines régions d'Asie - Philippines incluses - pour la pêche. Il était déversé dans les eaux afin d'étourdir les poissons, facilitant leur capture. Les désavantages étaient nombreux, la technique étant non-sélective (cela empoisonnait toute la zone touchée), potentiellement dangereuse pour le consommateur en cas de persistance du produit dans les chairs du poisson, et provoquant d'immenses dégâts pour les coraux. « Un mètre carré de récif est détruit pour chaque poisson vivant pêché au cyanure », s'était indigné en 2003 Sam Mamauag, biologiste de l'International Marinelife Alliance (IMA) aux Philippines auprès de la WWF alors que cette pratique continue d'être pratiquée dans la région malgré son interdiction par le gouvernement philippin en 1998.

    Les allégations selon lesquelles les pêcheurs chinois utiliseraient du cyanure ne sont donc pas prises à la légère et soulèvent des enjeux de droit international et environnementaux majeurs, ainsi que l'impact direct des tensions géopolitiques sur la Planète. Sans surprise, la Chine dément formellement toute implication dans la forte dégradation du récif ces derniers mois. Reste que le président philippin a depuis exprimé son indignation et dénoncé l'impact désastreux du cyanure sur les coraux et les poissons. Une enquête a depuis été ouverte. Elle devrait permettre d'éclairer l'affaire et marquer un tournant dans ce conflit qui dure depuis 2012.