Il n’y a pas que les normes antipollution pour lutter contre les émissions toxiques dans nos villes : la façon de conduire peut les faire varier du simple au triple ! L’application Geco air développée par IFP Énergies nouvelles, qui mesure les émissions de chaque automobiliste, ne permet pas seulement de sensibiliser les conducteurs ; elle fournit aux communes une mine de renseignements comme l’impact d’un ralentisseur ou d’un rond-point sur la pollution.


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    La pollution urbaine entraîne chaque année près de 800.000 décès prématurés en Europe ; soit 32 fois plus que les accidentsaccidents de la route d'après Eurostat. Principal coupable, le secteur des transports qui représente 61 % des émissionsémissions urbaines d'oxyde d'azoteoxyde d'azote (NOx) en France et 14 % des émissions de particules fines. Les pouvoirs publics tentent de limiter ce fléau avec les primes à la casse et des normes de plus en plus strictes pour les constructeurs. Certaines municipalités ont aussi mis en place des vignettes Crit'AirAir pour limiter le trafic aux véhicules les moins polluants et instaurer des zones à circulation restreinte (ZCR).

    Conduite nerveuse = pollution dangereuse

    Mais cela ne fait pas tout ! D'abord, les émissions réelles des véhicules sont bien plus élevées que celles imposées par les normes, même si les tests d'homologation ont été sévèrement revus suite au scandale du « dieselgate ». D'autre part, même avec des incitations à l'achat, il faut en moyenne 15 à 20 ans pour renouveler le parc automobileautomobile. En attendant l'arrivée de voitures plus propres, il existe un autre levier, relativement méconnu, pour faire baisser la pollution : le comportement de l'automobiliste. Pour un même véhicule et un même trajet, la variation des émissions de NOx peut ainsi varier de 300 % et celle des émissions de CO2 jusqu'à 20 %, rapporte une étude réalisée par IFPEN (IFP ÉnergiesÉnergies nouvelles).

    Pour un même véhicule et un même trajet, la variation des émissions de NOx peut varier du simple au triple selon la conduite de l’automobiliste. © VladFotoMag, Fotolia
    Pour un même véhicule et un même trajet, la variation des émissions de NOx peut varier du simple au triple selon la conduite de l’automobiliste. © VladFotoMag, Fotolia

    L'applicationapplication mobilemobile  Geco air, développée par IFPEN, a été conçue dans le but d'aider les conducteurs à réduire leurs émissions polluantes. Elle calcule en temps réel les émissions de CO2, NOx et particules fines à partir des spécificités du véhicule (massemasse, type de carburant, système d'injection...) et du style de conduite (niveau d'accélération, maintien de la vitessevitesse, freinage...). Pour chaque trajet, l'application affiche un « score de mobilité » et propose des conseils personnalisés pour améliorer sa conduite.

    Feu rouge, rond-point, ralentisseur… Ces aménagements qui aggravent ou réduisent la pollution

    Mais Geco air est aussi une mine d'or pour les communes : grâce aux données de ses 20.000 utilisateurs, soit 1,5 million de kilomètres parcourus par mois, elle fournit aux municipalités des données très précises sur le niveau de pollution dans tel ou tel quartier. Lyon expérimente ainsi un nouveau dispositif d'aide à la décision mis au point par IFPEN baptisé Airmap, qui identifie les zones les plus polluées et l'impact des infrastructures routières (ralentisseurs, ronds-points, bretelles d'autoroutes, ondes vertes...). Les conducteurs de la région lyonnaise sont invités à participer via l'application Geco air, puis les données sont anonymisées et compilées pour élaborer une cartographie en temps réel des émissions polluantes.

    Un simple rond-point à la place d’un feu fluidifie la circulation et contribue à la baisse de la pollution. © Geco air
    Un simple rond-point à la place d’un feu fluidifie la circulation et contribue à la baisse de la pollution. © Geco air

    « On a par exemple découvert qu'on pouvait réduire la pollution en faisant baisser la vitesse de l'onde verte (coordination des feux sur une portion de route) de 50 km/h à 30 km/h sans ralentir le trafic », révèle Laurent Thibault, chef de projet Geco air à IFPEN. Inversement, un simple feufeu rouge sur une route à 80 km/h peut multiplier les émissions polluantes par 100 ! Car ce sont les zones de freinage et d'accélération qui sont de loin les plus gros points noirs. Non seulement c'est à ce moment-là que la consommation de carburant est la plus forte, mais un brusque freinage peut multiplier par deux les émissions de particules très fines liées à l'abrasionabrasion des pneuspneus et des plaquettesplaquettes de frein. Un ralentisseur mal placé ou des feux mal synchronisés peuvent ainsi avoir une influence considérable sur la pollution.

    Sur le cours Gambetta à Lyon, la synchronisation des feux en « onde verte » a permis de réduire les émissions d’oxyde d’azote et de particules fines. © Geco air
    Sur le cours Gambetta à Lyon, la synchronisation des feux en « onde verte » a permis de réduire les émissions d’oxyde d’azote et de particules fines. © Geco air

    Une cartographie détaillée de la pollution urbaine

    « Cette nouvelle source de données permet une analyse beaucoup plus fine de la pollution, assure Laurent Thibault. À Marseille par exemple on ne compte que 5 points de mesure fixes de la pollution. Avec AirMap, les communes disposent de données au niveau d'une rue ou d'un quartier ». Outre les données des utilisateurs de Geco air, l'IFPEN recueille aussi celles dont dispose la ville (boucles de comptage, par exemple) et reconstruit des profils conducteurs en croisant avec le type de véhicules en circulation au niveau national. Un algorithme complexe qui donne une estimation fiable des émissions réelles, assure Laurent Thibault.

    En février 2019, Lyon a instauré pour la première fois la circulation alternée en raison d'un pic de pollution. Preuve qu'il reste encore des améliorations à apporter au réseau... et à la conduite des automobilistes.

    Sujet réalisé en partenariat avec les équipes de l'IFPEN