Sept milliards d'êtres humains sur Terre : notre population se porte bien. Ce n'est pas le cas de nombreuses autres populations de vertébrés dans le monde : la moitié a chuté en quarante ans, essentiellement dans les milieux d'eau douce et dans les régions subtropicales. Plusieurs espèces animales mais aussi végétales disparaissent chaque année. Certaines ne sont plus là depuis des décennies alors que l'Homme consomme l'équivalent d'une planète et demie pour répondre aux besoins de ses activités.


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    Megaladapis edwardsi est l'une des trois à six espèces de ce genre de lémurien, disparu de Madagascar à l'arrivée des colons européens il y a 500 ans. Il ne ressemblait à aucun autre primate herbivore arboricole et n'a pu survivre à la déforestation et à la chasse. © FunkMonk (Michael B. H.), Wikimedia, CC by-sa 3.0

    Megaladapis edwardsi est l'une des trois à six espèces de ce genre de lémurien, disparu de Madagascar à l'arrivée des colons européens il y a 500 ans. Il ne ressemblait à aucun autre primate herbivore arboricole et n'a pu survivre à la déforestation et à la chasse. © FunkMonk (Michael B. H.), Wikimedia, CC by-sa 3.0

    Moins 52 % : c'est la baisse du nombre de populations dans le monde entre 1970 et 2010, sur la base de 10.380 populations de 3.038 espèces de mammifères, d'oiseaux, de reptiles, d'amphibiens et de poissons. La diminution a été mesurée dans une étude publiée par l'organisation non gouvernementale WWF. À titre de comparaison, la population humaine a quant à elle doublé en un demi-siècle à peine.

    « En moins de deux générations, la taille des populations des espèces sauvages a fondu de moitié, signale Marco Lambertini, directeur général du WWFWWF International. Or, les différentes formes du vivant sont à la fois la matrice des écosystèmesécosystèmes permettant la vie sur TerreTerre, et le baromètrebaromètre de ce que nous faisons subir à notre planète, notre unique demeure. »

    Déclin de la biodiversité en Amérique du Sud

    La région géographique d'Amérique du Sud a en effet perdu 83 % de ses populations animales. Suivent l'Asie-Pacifique (-67 %), l'Eurasie (-30 %) et l'Amérique du Nord (-20 %). Curieusement, l'Afrique, connue pour son importante biodiversité mais soumise à de nombreuses campagnes d'exploitation de ses ressources (déforestation, mines, plantations, barrages hydroélectriques, etc) est celle qui a le moins perdu de richesse biologique animale (-19 %).

    Au total, 22.413 espèces sont sous la menace d'extinction selon la dernière Liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICNUICN) sur 76.199 espèces évaluées. L'organisation non gouvernementale, qui célébrait l'an dernier son cinquantième anniversaire, réévalue chaque espèce tous les cinq à dix ans. La moitié des nouvelles espèces mesurées en 2014 provenaient d'aires protégées. Aussi, l'UICN recommande une gestion optimisée des zones sensibles pour éviter leur déclin.

    Des espèces éteintes à l'état sauvage

    Certaines espèces viennent même à disparaître totalement. C'est le cas de la FougèreFougère du Gouverneur Laffan (Diplazium laffanianum), identifiée pour la dernière fois en 1905. « Une fougère relativement grande que l'on trouvait autrefois dans les grottes et les crevasses rocheuses des Bermudes », explique l'UICN. Désormais, cette espèce est officiellement considérée comme«Éteinte à l'état sauvage.»Les causes : la destruction de son habitat par les activités humaines et le bouleversement de son écosystème par l'introduction d'espèces exotiquesexotiques envahissantes.

    L’Ophrysie de l'Himalaya (<em>Ophrysia superciliosa</em>), unique espèce de son genre qui ressemble à une perdrix, n'a pas été observée avec certitude depuis 1876. Des témoignages en Inde, aux alentours de Naini Tal en 2003, redonnent espoir et ont permis de relancer les recherches pour tenter de localiser des individus. © Peinture de P. Dougalis, <em>Wikimedia</em>, CC
    L’Ophrysie de l'Himalaya (Ophrysia superciliosa), unique espèce de son genre qui ressemble à une perdrix, n'a pas été observée avec certitude depuis 1876. Des témoignages en Inde, aux alentours de Naini Tal en 2003, redonnent espoir et ont permis de relancer les recherches pour tenter de localiser des individus. © Peinture de P. Dougalis, Wikimedia, CC

    Autre exemple d'espèce déclarée éteinte : le perce-oreille géant de Sainte-Hélène (Labidura herculeana). Avec ses 8 cm de long, il était le plus grand du monde. Observé pour la dernière fois en 1967 dans une aire protégée de l'île, il n'aurait pas pu résister à la pressionpression de ses prédateurs, suite à la disparition dans son milieu au profit des habitations humaines, des pierres sous lesquelles il se réfugiait. « Ces extinctions récentes auraient pu être évitées par une meilleure protection de l'habitat », déclare dans un communiqué Simon Stuart, président de la Commission de la sauvegarde des espèces de l'UICN.

    13 nouvelles espèces... fossiles

    Il n'est pourtant pas rare d'identifier de nouvelles espèces qui s'avèrent déjà disparues, récemment ou depuis des siècles. Ainsi, d'après des fossilesfossiles, treize nouvelles espèces d'oiseau se seraient éteintes il y a 500 ans : le pic des Bermudes (Colaptes oceanicus), le faucon des Bermudes (Bermuteo avivorus), le bihoreau des Bermudes (Nyctanassa carcinocatactes), la nyctale des Bermudes (Aegolius gradyi), le chevalier de Kiritimati (Prosobonia cancellata), le canard de Finsch (Chenonetta finschi), le râle de Hodgen (Tribonyx hodgenorum), la tourterelle de l'île Maurice (Nesoenas cicur), la bécassine de l'île du Nord (Coenocorypha barrierensis), la bécassine de l'île du Sud (Coenocorypha iredalie), l'éclectus océanique (Eclectus infectus), le founingo de Rodrigues (Alectroenas payandeei) et la gallinule de Tristan da Cunha (Gallinula nesiotis).

    120 poissons chanceux

    En cinquante ans d'existence, la Liste rouge de l'IUCNIUCN a officialisé l'extinction de 832 espèces sur Terre. Heureusement, il existe aussi de bonnes nouvelles : les 120 derniers individus d'Ablette du Yarkon (Acanthobrama telavivensis), un poisson endémiqueendémique d'Israël, ont réchappé à la mort malgré la menace de leur habitat. Celui-ci avait en effet été détruit par des sécheressessécheresses multiples couplées à une irrigationirrigation des cultures agricoles.

    Mis en captivité, les rescapés ont pu se reproduire pour donner 9.000 individus introduits depuis dans plusieurs rivières dont celle du Yarkon. Le statut de l'espèce est donc passé d'« Éteinte à l'état sauvage » à « Vulnérable » et sa population continue de croître. « Nous devons nous montrer plus responsables de nos actes si nous voulons voir davantage de succès comme celui-ci et avoir un effet positif sur la santé de notre planète », conclut Simon Stuart. Reste à savoir si les populations d'Ablette du Yarkon ne souffrent pas de consanguinitéconsanguinité et si, à terme, l'espèce pourra bel et bien perdurer.