La salive de l’élan et du renne empêcherait le développement d’un champignon toxique présent dans une graminée qu’ils broutent. Voilà comment ces herbivores peuvent manger des quantités importantes de cette herbe sans s’intoxiquer.

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    Pour se protéger des animaux qui les dévorent, les plantes ont développé au cours de l'évolution divers mécanismes de défense : épines, baies au goût amer, etc. Certaines herbes abritent même des champignons qui produisent des toxinestoxines pour dissuader les herbivores de les manger. C'est le cas de la fétuque rouge, Festuca rubra, une graminéegraminée courante en Europe et en Amérique du Nord. Celle-ci établit une relation mutualiste avec un champignon endophyte, Epichloë festucae, qui produit un alcaloïdealcaloïde : l'ergovaline.

    Des chercheurs de l'université York à Toronto (Canada) et de Cambridge (Angleterre) ont voulu savoir comment certains herbivores comme les élans pouvaient manger des quantités importantes de fétuques sans ressentir d'effets secondaires. Ils ont émis l'hypothèse que la salivesalive de l'animal pouvait détoxifier l'herbe avant qu'elle soit mangée.

    Pour leurs expériences, les chercheurs ont travaillé avec le zoo de Toronto, ce qui leur a permis de récupérer de la salive du renne européen Rangifer tarandusRangifer tarandus et de l'élan Alces alcesAlces alces. Ils ont appliqué cette salive sur des échantillons de fétuque rouge qui hébergeait le champignon toxique. Puis ils ont observé la croissance du champignon. Les résultats paraissent dans Biology Letters.

    La fétuque rouge héberge un champignon qui produit une toxine appelée ergovaline. © Thomas Mathis, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

    La fétuque rouge héberge un champignon qui produit une toxine appelée ergovaline. © Thomas Mathis, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

    La bave d’élan fait fuir le champignon

    L'applicationapplication de la salive produisait des résultats rapides : par rapport à un témoin avec de l'eau, la salive inhibait la croissance du champignon en 12 à 36 heures. Pour mimer une situation dans laquelle les animaux reviennent régulièrement manger les mêmes herbes, les chercheurs ont réalisé des applications répétées de salive. Ils ont alors observé une réduction de la quantité de toxines, comme l'explique l'auteur de l'article DawnDawn Bazely : « en effectuant des applications multiples de salive sur l'herbe pendant deux mois, nous avons trouvé que nous pouvions diminuer la concentration d'ergovaline de 41 à 70 % ». Or les élans ont tendance à venir manger dans un territoire défini ; certaines plantes seraient donc régulièrement exposées à la salive d'élan. Au fil du temps, il y aurait ainsi de moins en moins de toxines dans ces zones.

    La salive du renne et de l'élan représente donc un moyen efficace pour combattre le champignon toxique présent dans la fétuque rouge. Ceci suggère l'existence de pressions de sélection s'exerçant sur ces animaux pour survivre aux alcaloïdes présents dans les plantes dont ils se nourrissent.