« Il faudra réagir pacifiquement aux enjeux qui seront posés à Rio+40 » : c'est ce que pense le climatologue Hervé Le Treut, interrogé par Olivier Blond, rédacteur en chef de GoodPlanet.Info et compagnon de route de Yann Arthus-Bertrand.

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    Les régressions estivales maximales de la banquise arctique observées en 2005 (ligne verte) et en 2007 (ligne rouge) par rapport à la moyenne 1979-2000 (ligne jaune), sur une image obtenue le 16 septembre 2007 par le satellite Aqua. Le dégradé de bleu indique le poucentage de concentration de la banquise (de 0 à 100). © Nasa/Jesse Allen (NSIDC)/Terry Haran/Matt Savoie (NSIDC)

    Les régressions estivales maximales de la banquise arctique observées en 2005 (ligne verte) et en 2007 (ligne rouge) par rapport à la moyenne 1979-2000 (ligne jaune), sur une image obtenue le 16 septembre 2007 par le satellite Aqua. Le dégradé de bleu indique le poucentage de concentration de la banquise (de 0 à 100). © Nasa/Jesse Allen (NSIDC)/Terry Haran/Matt Savoie (NSIDC)

    Le sommet Rio+20 s'est achevé sur un sentiment d'insuffisance pour la plupart des observateurs. La déclaration finale promeut l'économie verte et la promesse de favoriser le développement mais sans imposer d'engagements ni préciser d'actions à entreprendre. Parmi les sujets de discussions, entre l'accès à l'eau potable et l'économie verte figurait le changement climatique, dont il a été finalement peu question. Avant la fin du sommet, Olivier Blond, rédacteur en chef de GoodPlanet.Info, a interrogé sur les enjeux concernant ce domaine le climatologueclimatologue Hervé Le Treut, directeur de l'Institut Pierre-Simon de LaplacePierre-Simon de Laplace et collaborateur du Giec. Pour lui, il est temps de mettre en place « des stratégies d'adaptation ».

    Prévisions des émissions totales de dioxyde de carbone jusqu'en 2030 (à partir des données allant jusqu'en 2009). © Données EIA - adaptation Futura-Sciences

    Prévisions des émissions totales de dioxyde de carbone jusqu'en 2030 (à partir des données allant jusqu'en 2009). © Données EIA - adaptation Futura-Sciences

    Olivier Blond : Depuis le premier sommet de Rio, qu’est-ce qui a changé en matière de climat ?

    Hervé Le Treut : En 1992, les résultats scientifiques indiquant un réchauffement climatique se fondaient sur des modèles physiquesmodèles physiques encore simples. Ces résultats sont confirmés par des études beaucoup plus nombreuses et précises, et le climat lui-même évolue désormais dans un sens qui est parfaitement compatible avec ces prévisions. Or, les perspectives se sont plutôt assombries : les 2 °C de réchauffement que la communauté internationale s'est engagée à ne pas dépasser pourraient arriver dès 2050.

    Comment expliquez-vous que, malgré l'accumulation des évidences scientifiques, il existe toujours autant de personnes qui doutent du changement climatique ?

    Hervé Le Treut : Il y a, bien sûr, des lobbies associés à des acteurs économiques ou politiques qui voient dans ce diagnosticdiagnostic scientifique un obstacle à leurs activités. Il y a aussi beaucoup de personnes à qui ces changements annoncés font peur, ou qui refusent qu'on les culpabilise, ou les deux : tous préfèrent ne pas y croire et écoutent les messages qui les soulagent. En tout cas, il faut éviter les mauvais débats tout en favorisant ceux qui sont nécessaires : nous avons des certitudes, mais aussi des incertitudes concernant l'évolution climatique, et nous sommes face à des choix difficiles. La Chine est désormais le premier pollueur mondial.

    Quel impact pour la planète ?

    Hervé Le Treut : La croissance rapide des pays émergentsémergents fait basculer le problème. Certes, un Chinois pollue toujours deux fois moins qu'un Européen, et un Indien encore moins : comment leur refuser la croissance dont nous avons nous-mêmes profité sans beaucoup d'entraves ? Mais collectivement, ce sont eux qui conduisent une nouvelle vague de croissance des émissionsémissions de gaz à effet de serre, alors qu'il faudrait au contraire les diminuer. Face aux changements climatiques qui deviennent inévitables, il va devenir nécessaire d'envisager des stratégies d'adaptation.

    Avez-vous des attentes particulières pour le sommet de Rio+20 ?

    Hervé Le Treut : Je crois que les 20 années qui se sont écoulées depuis Rio ont fait disparaître une certaine forme d'enthousiasme, d'innocence. Comment séparer le problème climatique des impératifs politiques et sociaux, des contraintes énergétiques, du souci de protéger la biodiversitébiodiversité, de nourrir la planète ? Est-ce que Rio+20 aidera à faire émerger une forme de gouvernance adaptée à des enjeux aussi complexes et urgents ? Sans réponse forte à ces questions, les déconvenues pourraient s'accumuler.

    Quel est l’enjeu des 20 prochaines années, pour Rio+40 ?

    Hervé Le Treut : Au moment de Rio+40, nous aurons très probablement déjà été confrontés à des situations de crise nouvelles. Dans le domaine du climat : vagues de chaleurchaleur, sécheresses, fontefonte des glaces... Mais aussi dans des domaines liés : renchérissement du coût de l'énergieénergie. L'enjeu des décennies futures sera de réagir pacifiquement et démocratiquement à ces crises.