Un temps présentés comme la solution miracle, les agrocarburants (incorrectement appelés biocarburants) suscitent de moins en moins d’enthousiasme… et de plus en plus d’inquiétudes au vu d’effets délétères déjà largement mesurables.

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    Tournesol. Source : HendrixXx (libre de droits)

    Tournesol. Source : HendrixXx (libre de droits)

    A la différence des combustiblescombustibles fossiles traditionnels, les agrocarburantsagrocarburants, habituellement produits à partir de la canne à sucresucre, du colza, du maïsmaïs ou du palmier à huile étaient jusqu'ici présentés comme particulièrement "propres", car ils absorbent le gaz carboniquegaz carbonique pendant leur développement. Mais le bilan est loin d'être aussi idyllique...

    Ainsi, l'Indonésie. Cette république née en 1945 s'est rapidement imposée comme région de référence pour la culture du palmier à huile (Elaeis guineensis). Au prix d'une catastrophe écologique, l'Indonésie est devenue le deuxième producteur mondial d'huile de palme avec 11,4 millions de tonnes par an. L'huile de plame est aussi la principale ressource alimentaire de l'archipel. Elle sert notamment à la confection du nasi goreng, le plat national (désormais répandu dans le monde entier), ainsi qu'à la cuisson des viandes et des poissons.

    Pour les Indonésiens, la conséquence de cette mutation ressemble à un cauchemar : le prix de l'huile de palme à usage alimentaire a augmenté en très peu de temps de 70 %, valeur que l'augmentation des salaires ne suffit pas à compenser, ce qui force de nombreuses familles à se restreindre... lorsqu'elles ne basculent pas au-dessous du seuil de pauvreté.

    Plantation de palmiers à huile au Sénégal (Source : GFDL)
    Plantation de palmiers à huile au Sénégal (Source : GFDL)

    Mais ce n'est pas tout. Pour devenir le premier producteur mondial d'huile de palme, le gouvernement indonésien a entrepris de faire raser d'immenses forêts naturelles, dont une majeure partie sur tourbières. Or, une forêt sur tourbière contient en moyenne trente fois plus de carbonecarbone qu'une forêt conventionnelle. Sa destruction suivie de sa conversion en plantation conduit au dégagement d'énormes quantités de gaz carbonique, à retrancher du gain obtenu par l'utilisation de cet agrocarburant. Une étude récemment parue dans Science affirme qu'il faudrait 840 ans pour compenser cette émissionémission supplémentaire de CO2... Et l'Indonésie est déjà passée du 21ème au 3ème rang des plus importants pays émetteurs de gaz à effet de serre, juste derrière les Etats-Unis et la Chine.

    Josette Sheeran, directrice du Plan Alimentaire Mondial (PAM) de l'ONU, en appelle à la vigilance en ce qui concerne les terresterres détournées de la chaîne alimentairechaîne alimentaire en raison de l'impact inévitable sur les plus démunis. Le problème n'échappe d'ailleurs pas aux multinationales. Le patron de Nestlé, Peter Brabeck, reconnaît que la production d'agrocarburants met directement en péril les populations qui en dépendent parfois entièrement.

    La liste des agressions environnementales ne se limite pas à ces effets

    La quantité accrue de gaz à effet de serre relâchée dans l'atmosphèreatmosphère est en constante augmentation, malgré les ambitions exposées par les délégués des nations actuellement réunis à Bangkok, qui promettent un accord ambitieux visant à réduire les émissions devant être signé en 2009. L'impact du réchauffement climatiqueréchauffement climatique sur la culture du riz, notamment, est déjà mesurable.

    Cette source de nourriture est incontestablement la plus importante de la planète, et son rendement risque de chuter rapidement dès que les moyennes de température diurnediurne dépasseront les 30° C. L'accroissement du taux d'ozoneozone atmosphérique, dont les précurseurs sont les oxydes d'azoteoxydes d'azote, le CO, le méthane et les hydrocarbureshydrocarbures imbrûlés (entre autres), produit un impact important sur les moissons. La concentration d'ozone, qui atteint par endroits 60 parties par milliard, a déjà provoqué une réduction de rendement dans certaines fermes aux Etats-Unis et en Chine de 14 %.

    Cependant les scientifiques estiment qu'il est encore trop tôt pour évaluer précisément l'impact produit par l'effet combiné de l'ozone et du gaz carbonique sur les cultures, car jusqu'ici ces deux effets étaient étudiés séparément.

    Bref, la filière des biocarburants, malgré des publicités où l'on peut admirer des voituresvoitures parcourant un paysage bucolique agrémenté de fleurs et d'oiseaux gazouillants, a du plombplomb dans l'aile... Et les mesures prises peut-être un peu précipitamment par certains gouvernements, visant à imposer jusqu'à 10 % de ce type de combustible dans les pompes à l'horizon 2020, sont peut-être à revoir...