Selon une nouvelle hypothèse, l’Islande serait la partie émergée d’un immense continent sous-marin issu d’un morceau de Pangée. Une idée audacieuse qui remet en cause bon nombre de présupposés scientifiques et qui pourrait avoir des conséquences géopolitiques majeures.


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    En 2017, les scientifiques ont révélé l'existence d'un immense continent caché, plus vaste que l'Inde, immergé au sud-ouest du Pacifique, à côté de l'Australie, baptisé Zealandia. Aujourd'hui, une nouvelle publication affirme que l'Islande serait elle aussi la partie émergée d'un continent inconnu, l'Icelandia. D'une surface de 600.000 km2 à un million de km2, Icelandia s'étendrait du Groenland aux îles Féroé, englobant l’Islande et le rift océanique au nord-ouest de la Grande-Bretagne. Et ce n'est pas tout : la Planète recèlerait encore, potentiellement, d'autres continents jusqu'ici inconnus.

    L’Icelandia s’étendrait sur 600.000 km<sup>2</sup> (hypothèse basse, en rose foncé) à un million de km<sup>2</sup> (hypothèse haute, en rose clair). © <em>Geological Society of America</em>
    L’Icelandia s’étendrait sur 600.000 km2 (hypothèse basse, en rose foncé) à un million de km2 (hypothèse haute, en rose clair). © Geological Society of America

    Une croûte anormalement fine

    Cette hypothèse, détaillée par tous les scientifiques dans un chapitre du livre In the Footsteps of Warren B. Hamilton: New Ideas in Earth Science (« Dans les traces de Warren B. Hamilton : nouvelles idées en sciences de la Terre », non traduit en français), s'appuie comme pour Zealandia sur des arguments géologiques. L'existence de l'Islande a jusqu'ici été expliquée par la présence d'un rift sous-marin entre les plaques eurasiennes et nord-américaines, où le magma chaud remonte à la surface et se solidifie pour former une île. Mais les trois auteurs de l'article ont noté une anomalieanomalie dans la croûte océanique de l'Islande : « Normalement, la croûte océanique est plus fine que la croûte continentale - généralement six à sept kilomètres d'épaisseur, expliquent-ils. Or, la croûte sous l'Islande a 40 kilomètres d'épaisseur. » Les scientifiques expliquaient jusqu'ici cette anomalie par l’existence d'un « point chaud », où une grande quantité de magma en provenance du manteaumanteau remonte à la surface.

    Des zircons de plusieurs milliards d’années

    Mais pour Gillian Foulger, géologuegéologue à l'université de Durham et ses deux collègues, l'activité volcanique est insuffisante pour avoir créé autant de croûte. Les scientifiques suggèrent plutôt que l'Islande est en fait un morceau de continent, d'autant plus que la croûte est bien trop dense pour parvenir du magma (3.150 kgkg/m3). Pour appuyer leur démonstration, les auteurs avancent un autre point : la présence de zircons datant du JurassiqueJurassique et de l'ArchéenArchéen dans le sous-sol islandais, ce qui prouverait que la croûte islandaise est âgée de plusieurs milliards d'années (la croûte océanique étant toujours relativement récente car renouvelée régulièrement).

    L’Islande serait un morceau de Pangée de 45.000 km<sup>2</sup>, qui se serait étiré entre la Scandinavie et le Groenland. © <em>Geological Society of America</em>
    L’Islande serait un morceau de Pangée de 45.000 km2, qui se serait étiré entre la Scandinavie et le Groenland. © Geological Society of America

    Un morceau de Pangée étiré comme du chewing-gum

    Mais alors, d'où viendrait ce fameux continent ? C'est sans doute là le point le plus étonnant avancé par les auteurs : Icelandia serait une relique de la Pangée, ce supercontinentsupercontinent unique qui prévalait il y a 225 millions d'années. Ce morceau de PangéePangée exceptionnellement résistant ne se serait pas brisé comme aux autres frontières des plaques, mais se serait étiré comme un chewing-gum en s'amincissant, grâce à l'intrusion à plusieurs endroits de magma provenant du manteau et rendant la croûte visqueuse. « Cette hypothèse résout les problèmes de chevauchement des plaques et de déficit de croûte continentalecroûte continentale que l'on constate aujourd'hui dans la région Nord-Atlantique », assure Gillian Foulger.

    De nombreux autres « microcontinents » (en rouge) se cacheraient sous la surface de l’eau. En bleu, les plateaux sous-marins connus. ©<em> Geological Society of America</em>
    De nombreux autres « microcontinents » (en rouge) se cacheraient sous la surface de l’eau. En bleu, les plateaux sous-marins connus. © Geological Society of America

    Une future manne minière et poissonnière ?

    En appliquant leur raisonnement à l'ensemble du globe, ce sont ainsi des dizaines de « microcontinents cachés » que recèlerait la planète (voir image). Il y en aurait par exemple sous les Seychelles, au sud de l'Inde avec les Maldives, ou au milieu de l'Atlantique Sud au niveau de la Géorgie du Sud. Cette nouvelle géographie pourrait avoir des répercussions géopolitiques considérables, souligne dans le Daily Mail Philip Steinberg, un géographe de l'université de Durham (et qui n'a pas participé à l'étude). En effet, selon la législation en vigueur par l'ONU, les États côtiers sont en droit de revendiquer les parties de surface continentale immergées contiguës à leur territoire. L'existence de ces continents cachés permettrait ainsi à de nombreux pays d'exploiter les ressources minières et sous-marines au large de leurs côtes. Derrière la science se cache aussi une affaire de gros sous.