Des espèces de plantes éloignées génétiquement qui s'échangent des gènes, on appelle cela un transfert horizontal et ce phénomène vient d'être mis en évidence chez des graminées. Comme l'explique à Futura-Sciences Guillaume Besnard, coauteur de l'étude, des espèces du genre Alloteropsis ont reçu des gènes conférant une forme de photosynthèse adaptée à leur milieu. Une sorte de raccourci évolutif qui pourrait alimenter les craintes devant les OGM.

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    Chez les eucaryoteseucaryotes dits supérieurs, les gènesgènes se transmettent à la descendance principalement via la reproduction sexuée. On parle de transfert vertical des gènes. Une équipe de chercheurs vient pourtant de mettre en évidence un transfert horizontal entre des espèces de plantes non parasites dont le lien de parenté est très éloigné. 

    « Nous avons montré qu'il y avait eu un transfert latéral chez Alloteropsis, un genre de graminées » résume Guillaume Besnard, chercheur au CNRS-université Paul Sabatier de Toulouse, qui a participé aux travaux publiés dans Current Biology. Il ne s'agit pas d'un phénomène insignifiant puisqu'il « concerne l'évolution d'un caractère adaptif très important, à savoir la photosynthèse C4 ».

    La photosynthèse C4 pour s'adapter aux milieux chauds

    La photosynthèse C4, qui se différencie notamment de la C3 - utilisée par la grande majorité des plantes -, est une adaptation à des milieux chauds : « elle permet de limiter la photorespiration, en particulier dans les milieux tropicaux » explique le biologiste. Or l'acquisition de ce caractère C4 nécessite le recrutement et l'optimisation de nombreux gènes, qui sont détournés de leur fonction initiale. C'est en particulier le cas de ceux qui codent pour les protéinesprotéines PEPC et PCK C4.

    Arbre phylogénétique, étalloné dans le temps (Ma pour millions d'années) du genre <em>Alloteropsis </em>(en gris) et des autres groupes impliqués dans le transfert de gène (les zones grisées, dans l'arbre, correspondent aux intervalles de confiance). Les flèches indiquent les transferts de gènes. © Christin <em>et al. </em>2012, <em>Current Biology</em> - adaptation Futura-Sciences

    Arbre phylogénétique, étalloné dans le temps (Ma pour millions d'années) du genre Alloteropsis (en gris) et des autres groupes impliqués dans le transfert de gène (les zones grisées, dans l'arbre, correspondent aux intervalles de confiance). Les flèches indiquent les transferts de gènes. © Christin et al. 2012, Current Biology - adaptation Futura-Sciences

    Ce sont justement eux qui ont été transférés au genre Alloteropsis. Selon Guillaume Besnard, cette « aubaine » a permis à Alloteropsis d'acquérir la fonction C4 bien plus rapidement que s'il avait fallu que la sélection naturelle se charge du recrutement et de l'optimisation de ces gènes (il n'est d'ailleurs pas garanti qu'elle y serait parvenue).

    Plus de similarité génétique avec les espèces éloignées

    Le transfert horizontal est un phénomène déjà connu. Il n'est pas rare chez les bactériesbactéries et les champignons mais apporté par les relations hôte-parasite où les contacts entre cellules sont fréquents. La transgénèsetransgénèse est aussi une forme - artificielle - de ce phénomène. « La nouveauté vient surtout du fait qu'il s'agit d'un transfert de plante à plante qui ne sont pas parasites. » En outre les séquences concernées font partie du génomegénome nucléaire.

    Comment les chercheurs savent-ils qu'il s'agit bien d'un transfert horizontal ? Ils ont reconstitué l'histoire évolutive d'environ 3.300 gènes au sein de la lignée d'Alloteropsis (où l'on trouve des individus C4 et C3) et d'autres graminées. Or PEPC et PCK chez les Alloteropsis C4 étaient bien plus proches de ceux d'espèces éloignées C4 que de ceux des d'Alloteropsis C3. Ils ont pu établir que ces transferts avaient eu lieu à plusieurs reprises (au moins quatre fois) à partir de différentes espèces. Leurs analyses montrent en plus que seuls PEPC et PCK semblent avoir été transmis.

    Transfert horizontal de gènes d'OGM ?

    Le mécanisme n'est en revanche pas encore bien compris : « nous n'avons encore que des hypothèses à ce sujet, indique prudemment Guillaume Besnard. Il s'agit peut-être de croisements partiels ». En effet, il a déjà été montré que du pollen de graminées appliqué sur les stigmatesstigmates d'une autre très divergente peut germer et induire le développement de l'embryonembryon. Des fragments du génome portés par le pollen peuvent ainsi être communiqués à la descendance. Les individus résultant de tels croisements sont en général peu viables. Toutefois, si les gènes transmis sont fortement favorisés par la sélection naturellesélection naturelle, ils ont des chances d'être intégrés.

    Quoi qu'il en soit, l'étude devrait donner de l'eau au moulin des anti-OGMOGM qui redoutent le transfert de gènes d’OGM vers des plantes non-OGM. « On pourrait très bien imaginer qu'un tel événement puisse se passer sur des transgènestransgènes de résistance à des herbicides, explique Guillaume Besnard. Un échange entre un colza transgéniquetransgénique et une mauvaise herbe pourrait permettre d'acquérir rapidement la résistancerésistance à un herbicideherbicide. » Il est probable qu'une telle situation soit extrêmement rare mais il suffirait d'une seule fois pour que le gène soit transmis...