Selon une récente revue de la littérature scientifique, il est désormais avéré que les poissons ressentent la douleur, et qui plus est, de façon très similaire à la nôtre. Il est aussi certain qu'ils aient seulement perdu (ou qu'ils n'aient pas acquis) quelques nocicepteurs au cours de l'évolution comme ceux qui gèrent la sensation de froid. 


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    La douleurdouleur est un phénomène complexe à étudier. Dans notre conception scientifique actuelle de la douleur physiquephysique, ce sont les nocicepteurs qui font la loi. Ces récepteurs sensoriels cutanéscutanés, découverts en 1906, restent silencieux tant que l'intensité des stimuli ne met pas en danger les tissus concernés. Tous les vertébrés en possèdent. Mais la douleur ne se limite pas à une sensation ou à un stimulus physique. En effet, elle induit également des changements comportementaux et physiologiques tels qu'une activité réduite, un comportement de protection, la suspension d'un comportement normal ou l'apparition d'autres globalement anormaux, une augmentation du taux de ventilationventilation et la sécrétionsécrétion d'opioïdesopioïdes naturels. Selon une revue parue récemment dans The Philosophy transaction of Royal Society, les poissons souffrent de manière très similaire aux humains. 

    Douleur : quand la science se heurte à la subjectivité 

    Entre humains, nous avons appris à communiquer via un langage qui permet de se comprendre et d'évoquer nos émotions ou notre ressenti. De ce fait, il serait complètement absurde de consulter son médecin pour une douleur qu'il ferait analyser mais dont les résultats de l'examen concluraient que la dite douleur est sûrement dans notre tête. La douleur est d'abord une histoire de « conscience phénoménale » : chacun a raison sur sa douleur que rien ni personne ne peut contredire. Voilà le problème auquel l'animal est confronté : aucune communication verbale explicite n'est possible avec un animal. 

    Chacun a raison sur sa douleur. © Photographee.eu, Fotolia
    Chacun a raison sur sa douleur. © Photographee.eu, Fotolia

    Les animaux souffrent

    Loin de René Descartes et de sa conception de l'animal-machine, nous savons désormais que la grande majorité des animaux possèdent des nocicepteurs (hormis les huîtres) et qu'ils ressentent très probablement une souffrance similaire, voire identique à la nôtre. D'autre part, des expériences sur un grand nombre d'animaux montrent que la douleur modifie leur comportement traduisant un mécanisme de protection à des stimuli négatifs. Ces observations scientifiques fermentferment définitivement le débat en ce qui concerne la souffrance animale. Le préjudice moral de ce que nous infligeons aux animaux est gigantesque. Bien sûr, il restera toujours quelques contradicteurs pour énoncer qu'on ne sait pas vraiment comment ils ressentent la douleur ; pour cela, il faudrait pouvoir transférer sa conscience dans celle de l'animal et c'est impossible à l'heure actuelle. Il faut donc essentiellement raisonner de façon probabiliste et cela conduit inéluctablement à la conclusion que les animaux possédant des nocicepteurs ou témoignant de comportements étranges après un stimulus utilisé pour causer de la douleur, souffrent.

    Les animaux souffrent de manière très similaire à nous. © Patryssia, Fotolia 
    Les animaux souffrent de manière très similaire à nous. © Patryssia, Fotolia 

    Et nous nous devons de l'accepter, peu importe notre mode alimentaire. Dans un prisme utilitariste qui consiste à maximiser le bonheur total, il faut ensuite se poser la question de déterminer si une vie humaine peut être considérée comme équivalente à une vie animale ? Si la réponse est affirmative, alors nous devrions légiférer de façon à ce que faire du mal à un animal soit considéré comme une maltraitance donnant lieu à de lourdes sanctions (c'est déjà le cas pour nos animaux domestiques ou ceux retenus en captivité). Si la réponse est négative, nous devons nous demander si manger des animaux inflige plus ou moins de souffrance que de ne pas en manger -- par exemple, à une certaine période de la vie, ou dans une région du monde où les produits végétaux ne suffisent pas à combler des carences alimentairescarences alimentaires dont le manque peut s'avérer dangereux pour la santé humaine ou sans compléments de nutriments essentiels disponibles qui se trouvent principalement dans les produits animaux tels que la vitamine B12, les omégas 3omégas 3 EPA et DHADHA ou le zinczinc. Nous nous lancerons alors dans des essais de quantificationquantification plus ou moins satisfaisants pour obtenir une réponse. Actuellement, il faudrait déjà remettre considérablement en question notre culture alimentaire et nos modes d'élevages autant pour notre santé que pour l'environnement, et enfin pour le bien-être animal.

    Nocicepteurs : évolution et évidence chez les poissons 

    Les nocicepteurs sont une famille de récepteurs sensoriels liés à des terminaisons nerveuses. Mais tous n'ont pas le même rôle et ne détectent pas les mêmes choses. Il a été démontré que les poissons ne possèdent pas de nocicepteurs sensibles au froid mais qu'ils en possèdent pour ressentir la douleur. Cela fait sens dans le cadre du processus de l'évolution : ce serait les organismes terrestres en arrivant sur terre qui, pour s'adapter, auraient eu besoin de ces nocicepteurs afin d'éviter les dégâts que des températures extrêmes auraient fait subir au corps. En revanche, les poissons modifient leur comportement et relâchent des moléculesmolécules opioïdes naturels dans leur organisme lorsqu'une souffrance leur est infligée, cela est su depuis quelques années déjà. Pour cette simple raison, la pêche dite récréative -- tout comme la corrida -- sont des activités à fort préjudice moral et devraient être interdites. Dans un prisme utilitariste, la culture ou l'hédonisme exacerbée de l'Homme ne saurait être des arguments recevables. Enfin, comme dans les élevages et les abattoirs, il faudrait appliquer les règles du respect et du bien-être animal dans nos méthodes de pêche.