Comment les colibris et certains petits insectes parviennent-ils à voler sous des pluies torrentielles ? C'est la question à laquelle a tenté de répondre une équipe de chercheurs, en étudiant le vol de ces créatures à travers une cascade artificielle.


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    Certaines espèces d'oiseaux, comme le martinet sombre, les cincles, ou encore les étourneaux, sont réputées pour leur tendance à nidifier derrière le rideaurideau d'eau d'une cascade et leur capacité à voler à travers celle-ci. Curieux quant à cet impressionnant tour de force, les chercheurs ont décidé d'étudier la manière dont des colibris (cousins des martinets) et certains insectes volants, plus légers, font face à ce type d'obstacle. Leurs résultats révèlent que tandis que les oiseaux et certaines mouches suffisamment rapides parviennent à la traverser, la barrière d'eau fournit une protection contre les petites créatures évoluant à une faible vitessevitesse, éloignant ainsi efficacement une partie des parasites et des prédateurs.

    Des chercheurs ont filmé des colibris traversant une cascade d'eau.

    Volons sous la pluie

    « Les petits animaux volants tels que les colibris et les insectes semblent spontanément éviter les cascades et ont pour habitude de ne pas les traverser », écrivent les chercheurs dans leur étude, parue dans la revue Royal Society Open Science. « Néanmoins, ces taxons sont souvent exposés à de sévères précipitations, qui sont diphasiques », c'est-à-dire où l'interaction de l'airair et de l'eau joue un rôle sur le mode d'écoulement de l'un et de l'autre (des bulles dans un liquideliquide, des gouttes d'eau tombant dans l'atmosphèreatmosphère, ou encore un rideau d'eau se fragmentant comme dans le cas d'une cascade). Afin de comprendre comment ces créatures peuvent affronter les intempéries sans être projetées vers le sol par leur énergie cinétiqueénergie cinétique, les chercheurs ont recréé une cascade modèle réduit en laboratoire et ont fait voler au travers des colibris d'Anna, plusieurs espèces de diptèresdiptères, et des balles en polystyrènepolystyrène de différents diamètres.

    « Les colibris ont été entraînés sur plusieurs jours à se nourrir volontairement à une mangeoire située à l'autre bout de la chambre de vol, avec la cascade éteinte », écrivent les chercheurs. « Pour encourager les insectes à traverser la cascade, nous avons placé une lumièrelumière incandescente (250 W) à l'extérieur de la chambre. Les insectes étaient relâchés du côté opposé de la chambre tandis que la cascade coulait et, dans de nombreux cas, ils volaient directement vers la lumière et pénétraient dans la cascade. » Aucun entraînement ni récompense n'ont été nécessaires pour les billes de polystyrène. Les chercheurs ont filmé ces vols grâce à une caméra haute vitesse, puis analysé les mouvementsmouvements des créatures (et des billes) au moment de traverser la cascade.

    La taille compte, la vitesse aussi

    Trois des quatre colibris ont traversé la cascade de côté, une aile battant à l'arrière pendant que celle à l'avant fendait le rideau d'eau. « L'une des ailes génère en permanence de la poussée, tandis que l'autre est dans l'eau », explique David Hu, coauteur. Concernant les mouches, seules celles voyageant à une vitesse supérieure à 1,6 m/s ont pu franchir l'obstacle. Les chercheurs concluent que la taille de l'animal tentant de passer de l'autre côté de la cascade impacte donc fortement sa chance d'y parvenir. Sa vitesse et sa direction peuvent néanmoins également intervenir, en s'opposant à l'énergie cinétique de l'eau.

    Un colibri en train de traverser une cascade, capturé avec une caméra à haute vitesse. © Ortega-Jimenez et al.

    « Diverses hypothèses ont été proposées pour expliquer pourquoi certains oiseaux comme les martinets construisent souvent leurs nids derrière des chutes d'eau. La présence de chutes d'eau, avec une humidité élevée et un flux d'air constant, peut générer un microclimatmicroclimat plus stable qui facilite le développement des poussins et la fixation du nid sur les parois rocheuses », lit-on dans l'étude. « Alternativement, les régions largement inaccessibles derrière les chutes d'eau peuvent simplement gêner ou empêcher la prédation des nids par les taxons volants et non volants. Les prédateurs de grande taille pourraient traverser une cascade, mais seraient mis au défi de manœuvrer et d'atterrir après ce transittransit ; nous suggérons également une troisième possibilité, elle connexeconnexe : les chutes d'eau peuvent servir à exclure les volants hématophages des nids. »