« Bêtes de science », c’est comme un recueil d’histoires. De belles histoires qui racontent le vivant dans toute sa fraîcheur. Mais aussi dans toute sa complexité. Une parenthèse pour s’émerveiller des trésors du monde. Pour ce nouvel épisode, partons à la découverte de l’un des animaux les plus dangereux au monde : l’hippopotame.


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    L'hippopotame. On dit de lui qu'il est l'un des animaux les plus dangereux au monde. Étonnant pour un herbivore, si imposant soit-il. L'ennui, c'est que l'hippopotame a plutôt mauvais caractère. Il est connu des éthologues pour sa tendance à s'emporter aussi facilement que rapidement. Lorsqu'il s'agit de défendre son territoire, par exemple. Ou tout simplement lorsqu'il se sent menacé. Il attaque alors à vue. Et dans ce cas, mieux vaut ne pas se trouver sur la route de ce mastodonte qui peut atteindre 5 mètres de long et peser jusqu'à 4 tonnes.

    Que ce soit dans l'eau ou sur la terreterre ferme, l'hippopotame s'en prend ainsi parfois à d'autres animaux. Y compris à des crocodilescrocodiles. Ou à des congénères. Et même à des humains. Usant de redoutables dents de plus de 30 centimètres de long, l'hippopotame serait même responsable chaque année en Afrique d'environ 300 morts. Ce n'est pas rien.

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    Mais si l'hippopotame nous intéresse aujourd'hui, c'est pour une tout autre raison. D'abord, notons que nous parlons bien ici de l'hippopotame dit amphibie. Pas de son cousin, l'hippopotame nain. Celui qui vit notamment dans la Maputo Special Reserve, au Mozambique. Des hippopotames qui, comme en pleine nature, y évoluent en grands groupes. En plusieurs grands groupes ici. De quoi offrir aux chercheurs une opportunité d'étudier la façon dont ces animaux communiquent entre eux.

    Car l'hippopotame, les éthologues nous l'assurent, n'est pas du genre à garder sa langue dans sa poche. Il grogne. Tellement fort qu'il peut se faire entendre sur de longues distances. C'est ce qui a mis la puce à l'oreille des chercheurs. Et si ces grognements jouaient un rôle important dans le maintien des groupes formés par les hippopotames ?

    Un groupe d’hippopotames répond aux enregistrements des grognements d’un autre groupe que les chercheurs leur font entendre depuis la rive. © Nicolas Mathevon, Université de Saint-Étienne

    À celui qui grognera le plus fort

    Pour en avoir le cœur net, les chercheurs ont d'abord enregistré les grognements émis par différents groupes d'hippopotames. Et puis, ils ont fait entendre ces grognements aux hippopotames en question. Ils ont d'abord noté que l'animal répond. Y compris lorsqu'il est dans l’eau. Alors qu'il semble tout à fait... apathique. De quoi montrer qu'en fait, qu'il est bien plus attentif à son environnement qu'il ne le laisse penser.

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    Les hippopotames répondent en fait à un grognement qu'ils entendent de trois façons différentes : par un autre grognement, en s'approchant du son entendu ou en pulvérisant de la bouse. Oui oui, vous avez bien lu. En pulvérisant de la bouse. C'est une manière, pour eux, de marquer leur territoire.

    Les hippopotames répondent de manière différente en fonction de l’origine des grognements

    Mais le plus surprenant, c'est peut-être que les hippopotames répondent de manière différente en fonction de l'origine des grognements. De manière plus calme lorsque le grognement est émis par un membre de leur groupe. Avec un peu plus de tension quand il vient d'un hippopotame appartenant à un groupe voisin.

    Et lorsque le grognement vient d'un groupe étranger -- comprenez, d'un groupe que les hippopotames n'ont pas l'habitude de croiser --, la réponse se limite généralement à de la pulvérisation de bouse. Le signe d'un hippopotame pour le moins agacé.

    Ces travaux font la preuve de comportements sociaux chez les hippopotames. À tel point qu'ils savent, à leur voix, reconnaître leurs compagnons les plus proches. Restera encore à comprendre ce que ces animaux surprenants communiquent réellement aux autres par leurs grognements. Mais la démonstration semble déjà faite que les hippopotames ne sont... pas si bêtes.

    Et ces travaux apportent aussi quelques pistes pour améliorer les politiques de conservation de cet animal menacé. Comme celle qui permettrait, par exemple, aux individus déplacés -- cela arrive régulièrement pour maintenir des tailles de populations saines -- de se familiariser avec les voix des individus déjà sur place. Et vice-versa...