Le télescope spatial James-Webb a pris le relais de Hubble pour observer Messier 1, le mythique reste de supernova de la nébuleuse du Crabe avec son pulsar. En observant dans l'infrarouge mieux que Hubble, le James-Webb révèle des détails inédits de cette nébuleuse comme la présence de poussières, détails qui vont aider à mieux comprendre la nature et la dynamique dans le temps des restes de supernovae en cours de dissipation, là où sont aussi accélérés des rayons cosmiques.


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    Au début des années 1960 dans son célèbre cours de physique, le prix Nobel de physique Richard Feynman expliquait à ses étudiants de licence qu'il y avait des mystères concernant une célèbre nébuleuse dans la Voie lactée, la nébuleuse du Crabe située à 6 500 années-lumière du Soleil dans la constellation du Taureauconstellation du Taureau. Elle avait été découverte en 1758 par le fameux astronomeastronome français Charles MessierCharles Messier alors à la recherche de la comète de Halleycomète de Halley. C'est parce qu'il avait compris sa méprise qu'il décida de réaliser un catalogue des nébuleuses brillantes pour limiter les risques de confusion entre celles-ci et des comètes. Aujourd'hui, on l'appelle Messier 1 (M1) car c'est le premier objet de son catalogue.

    Au moment où Feynman donnait son cours, on savait déjà que M1 était le vestige d'une explosion d'étoileétoile en supernovasupernova (c'est l'astronome néerlandais Jan Oort, celui du nuage de comètes et de la raie à 21 cm de l'hydrogènehydrogène qui l'a démontré le premier en 1942), explosion qui avait été bien notée en l'an 1054 de notre ère par les astronomes chinois et japonais mais pas du tout, bien qu'on n'en soit pas certain, par les astronomes européens, sans doute trop respectueux de la théorie de l'éternité et de l'incorruptibilité du ciel dans la théorie d'AristoteAristote qui ne pouvait donc pas s'accommoder d'une étoile nouvelle.


    Une présentation de la nébuleuse du Crabe observée par Hubble en 2005 notamment. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ESA-Hubble (M. Kornmesser & L. L. Christensen), A. Fujii, Robert Gendler, Digitized Sky Survey 2, Panther Observatory, Steve Cannistra, Michael Pierce, Robert Berrington (Indiana University), Nigel Sharp, Mark Hanna (NOAO)/WIYN/NSF.

    Un rayonnement synchrotron cosmique

    On savait déjà du temps de Feynman aussi que M1 était une source radio avec des raies d'émissionémission d'éléments, mais aussi un rayonnement diffusdiffus avec un spectrespectre continu en son centre qui ne ressemblait pas à l'émission thermique d'un gazgaz chauffé. C'est le grand astronome soviétique Iossif Chklovski qui le premier comprendra que ce rayonnement continu était le produit d'électronsélectrons accélérés à grande vitessevitesse, parfois proche de celle de la lumière comme dans les synchrotrons sur Terre (des accélérateurs de particules) et plongés dans un puissant champ magnétiquechamp magnétique.

    Feynman expliquait qu’on ne comprenait pas bien l’existence de ce rayonnement synchrotron, comme on l’appelle, car il fallait une formidable source d’énergie pour maintenir les électrons en mouvement malgré de fortes pertes d’énergie. À la fin des années 1960, la découverte des pulsars allait changer tout ça car faisant intervenir une étoile à neutronsétoile à neutrons très dense, magnétisée fortement et en rotation. On finira d'ailleurs par découvrir un pulsarpulsar au cœur de la nébuleuse du Crabenébuleuse du Crabe.


    La première image présentée dans cette vidéo est l'image prise dans le visible par Hubble en 2005 de la nébuleuse du Crabe. Vient ensuite une nouvelle image de l’objet prise par les instruments NIRCam (Near-Infrared Camera) et Miri (Mid-Infrared Instrument) du télescope spatial James-Webb, qui a révélé de nouveaux détails en lumière infrarouge. © Nasa, ESA, CSA, STScI, T. Temim (Princeton University), N. Bartmann (ESA/Webb), A. Loll/J. Hester (Arizona State University) Music: Stellardrone - The Night Sky in Motion

    Des secrets cachés dans l'infrarouge

    La beauté de la nébuleuse du Crabe n'en finit pas d'émerveiller les astronomes depuis l'époque de Messier et on ne sera donc pas surpris qu'elle a été observée aussi bien avec le télescopetélescope HubbleHubble qu'avec maintenant le télescope James-Webb à l'aide de ses instruments NIRCam (Near-Infrared CameraNear-Infrared Camera) et MiriMiri (Mid-Infrared Instrument) dans le proche infrarougeinfrarouge.

    On peut faire des comparaisons entre les images prises par les deux mythiques télescopes concernant M1 et surtout aujourd'hui, le James-Webb révèle en fausses couleurscouleurs la première carte complète de la répartition de la poussière au cœur de la nébuleuse.

    Le James-Webb confirme à nouveau sous la forme d'une émission laiteuse semblable à de la fumée dans la majorité de l'intérieur de la nébuleuse du Crabe la présence du rayonnement des électrons relativistes se déplaçant autour des lignes de champ magnétique à l'intérieur de M1. Ce rayonnement s'étend sur un large spectre, des ondes radios au visible notamment en passant donc dans l'infrarouge.

    Comme l'explique un communiqué de l'ESA : « La recherche de réponses sur le passé de la nébuleuse du Crabe se poursuit alors que les astronomes analysent plus en profondeur les données de Webb et consultent les observations précédentes de la nébuleuse prises par d'autres télescopes. Les scientifiques disposeront de données Hubble plus récentes à examiner d'ici environ un an, issues de la ré-imagerie par le télescope du reste de la supernovareste de la supernova. Cela marquera la première observation de la nébuleuse du Crabe par Hubble depuis plus de 20 ans et permettra aux astronomes de comparer plus précisément les découvertes de Webb et de Hubble. »


    Une vidéo de la nébuleuse du Crabe vue par le James-Webb. On voit une structure en forme d'anneau au centre et au cœur de cet anneau se trouve une étoile brillante, c'est l'étoile à neutrons, le pulsar de la nébuleuse du Crabe. © Nasa, ESA, CSA, STScI, T. Temim (Princeton University), N. Bartmann (ESA/Webb) Music: Stellardrone - Twilight

    Iossif Chklovski, le Carl Sagan soviétique

    Pour terminer, puisque ses travaux sont liés à la nébuleuse du Crabe, c'est l'occasion de se souvenir d'un astronome qui est, comme bien des chercheurs brillants de l'époque soviétique, certainement inconnu du grand public européen et pourtant c'est le Sagan soviétique en ce qui concerne le programme Seti. Il s'agit de Iossif Chklovski, né le 1er juillet 1916 à Hloukhiv, dans l'oblast de Soumy en Ukraine, et mort le 3 mars 1985.

    Comme l'explique dans la vidéo ci-dessous l'astronome Kirill Maslennikov et comme on l'a dit plus tôt, Chklovski s'est notamment fait connaître en étant le premier à interpréter correctement l'origine du rayonnement de la nébuleuse du Crabe, à savoir une émission synchrotron produite par des électrons ultra-relativistes se déplaçant le long des lignes du champ magnétique de son pulsar central. Mais, comme on peut le constater dans la même vidéo, ses contributions et ses idées vont bien au-delà, que ce soit avec la fameuse raie à 21 cm ou le modèle unifié des noyaux actifs de galaxies.


    Une des très intéressantes vidéos de vulgarisation de l'astronome Kirill Maslennikov, en poste au célèbre observatoire astronomique de Poulkovo situé au sud de Saint-Pétersbourg. Il y est question des contributions de Iossif Chklovski. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en russe devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Qwerty

    Iossif Chklovski était un radioastronome tout comme Frank Drake, à l’origine de sa fameuse équation, et son collègue et collaborateur Nikolaï Kardachev, également fortement impliqué dans l'équivalent du programme Seti en Russie soviétique et à qui l'on doit la fameuse classification des civilisations en matièrematière de consommation d'énergieénergie.

    Chklovski et Sagan se connaissaient très bien également puisqu'ils ont coécrit un ouvrage traduit en anglais en 1966 sous le titre « Intelligent Life in the Universe » que l'on peut considérer comme la première exposition sérieuse du sujet. Cela les a conduits notamment à examiner de plus près une technosignature possible d'une civilisation extraterrestre avancée ayant atteint avec de multiples sphères de Dysonsphères de Dyson le « type III » sur l'échelle de  Kardachevéchelle de  Kardachev, c'est-à-dire ayant à sa disposition toute la puissance émise par la galaxiegalaxie dans laquelle elle est située.