La pépite française Keranova a mis au point un « bistouri optique » entièrement autonome pour traiter la cataracte, s’appuyant sur une technologie laser ultra-rapide à front d’ondes multiples. Son fondateur, Fabrice Romano, nous détaille le fonctionnement de cette technologie unique au monde.


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    L'opération de la cataracte est aujourd'hui l'intervention chirurgicale la plus pratiquée dans le monde, tous domaines confondus : 25 millions de patients se voient ainsi retirer et remplacer le cristallin chaque année, dont 830.000 rien qu'en France. Des chiffres en augmentation constante au vu du vieillissement de la population. C'est dire si la machine inventée par la start-up Keranova, située à Saint-Etienne, va intéresser du monde.

    Un laser ultra-rapide dont le front d’ondes est modifié de manière dynamique et programmable

    C'est en 2015 que Fabrice Romano, spécialiste de la chirurgiechirurgie ophtalmique, repère un laserlaser révolutionnaire dans les laboratoires de recherche de l'université Jean-Monnet à Saint-Etienne. Déjà fondateur d'une start-up de thérapiethérapie oculaireoculaire en 2008 (EyeTechCare, une technologie pour traiter les glaucomesglaucomes à partir d'ultrasonsultrasons de haute intensité), l'entrepreneur imagine immédiatement comment ce laser pourrait être utilisé pour la chirurgie ophtalmique.

    « Aujourd'hui, un laser chirurgical réalise une incision ligne par ligne, par le déplacement d'un spot laser unique, décrit Fabrice Romano. Notre laser déplace lui une matrice de spots, générés par modification du front d'onde dont la forme et la topographie s'ajuste de manière programmée et dynamique ».

    Selon le nombre de spots, leur distance et leur disposition, on peut pratiquer une découpe ou une ablationablation de manière ultra-précise et ultra-rapide. « Là où il faut 10 à 20 secondes pour réaliser un flap cornéen [ndlr : découpe et soulèvement de la cornée] en chirurgie de la myopiemyopie, notre machine opère en une demi-seconde ! C'est comme comparer un vélo à une voiturevoiture de course », s'enthousiasme l'entrepreneur.

    Le bras robotisé de Keranova se positionne très précisément sur l’œil et réalise une photoémulsification grâce un laser femtoseconde à front d’ondes dynamique. © Keranova, YouTube

    Aujourd'hui, 95 % des opérations de la cataractecataracte sont basées sur la phacoémulsification, une technique mise au point dans les années 1980 et consistant à réduire en débris le cristallin à l'aide d'une pointe vibrante introduite dans l'œil par le chirurgien. Une procédure qui peut durer 5 à 10 minutes. « Avec Keranova, nous entrons dans l'ère de la photoémulsification », assure Fabrice Romano. Le cristallin est ici émulsifié en quelques secondes par le laser et non pas par un processus manuel, ce qui assure un geste plus rapide et plus sûr.

    80 % de la procédure chirurgicale automatisée

    La start-up ne s'est pourtant pas limitée à cette innovation. Son autre atout est d'avoir associé toute la technologie laser/optique dans un bras robotisé et programmable. Rien à voir avec les gros robots chirurgicaux comme le Da Vinci, un simple assistant qui reproduit à distance le geste du chirurgien. Grâce à ses capteurscapteurs embarqués et à son intelligence artificielle, le robot de Keranova réalise environ 80 % de la procédure chirurgicale sans aucune intervention humaine. Le bras robotisé vient se positionner sur le globe oculaireglobe oculaire du patient et se fixer à l'aide d'une ventouse. Il se charge ensuite de la photoémulsification, le chirurgien n'ayant plus qu'à aspirer les débris cristallins émulsifiés à la fin de l'intervention et à introduire le nouvel implantimplant dans le globe oculaire.

    Fabrice Romano, fondateur et P.-D.G. de la MedTech Keranova. © Keranova
    Fabrice Romano, fondateur et P.-D.G. de la MedTech Keranova. © Keranova

    Confier ses yeux à un robot autonome n'a rien de rassurant à première vue. Pourtant, cette procédure est beaucoup plus fiable, selon Fabrice Romano. « On le dit peu, mais il existe une certaine variabilité entre les opérateurs et aussi chez un même chirurgien, fait-il remarquer. Un professionnel, même très bon, n'aura jamais exactement 20 fois le même geste sur 20 opérations effectuées ». La machine, elle, produit un résultat constant avec une grande fiabilité. Au total, pas moins de 11 brevets ont été déposés par la start-up dont également l'utilisation d'une fibre optique spéciale qui achemine le faisceau du laser dans le bras robotisé.

    Une machine multifonction pour la cataracte ou la myopie

    Développé pour la cataracte, l'appareil baptisé Femtomatrix pourra également servir pour la chirurgie correctrice de la myopie ou de l'astigmatisme à l'avenir. « Il suffira d'une simple mise à jour du logiciel, comme pour un ordinateurordinateur », précise Fabrice Romano. Soutenu notamment par Pulsalys, la SATT de Lyon Saint-Étienne, Keranova a levé plus de 30 millions d'euros depuis sa création en 2016. Le fondateur s'est entouré d'une équipe de 30 personnes pour accélérer le développement : études cliniquesétudes cliniques et réglementaires, préindustrialisation et suivi du processus réglementaire très strict. Les premières machines, qui s'adressent aux hôpitaux et cliniques, devraient être commercialisées d'ici fin 2021. « Dans quelques années, la chirurgie ophtalmique actuelle paraîtra complètement obsolète », prédit Fabrice Romano.

    Keranova

    • Domaine : MedTech (chirurgie ophtalmique robotisée)
    • Date de création : 2016
    • Fondateur : Fabrice Romano
    • Effectifs : 30 personnes
    • Fonds levés : 30 millions d'euros (BPI, Mérieux Equity Partners, CEA Investissement, SupernovaSupernova Invest, Financière Arbevel, Tourrette Investissement)