La Darpa, l’agence de recherche militaire américaine planche sur une propulsion sans hélice ni pièces mobiles pour créer un sous-marin totalement furtif. Sa motorisation serait à l’image de celle du fameux Octobre rouge du film éponyme, sorti en 1990, avec Sean Connery.


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    Dans les fonds marins, la vie ne tient qu'à un bruit en cas de bataille navale. Les sous-marins, aussi furtifs soient-ils, peuvent être identifiés grâce à leur signature sonore et au talent des officiers analystes en guerre acoustique. Ce sont ceux que l'on appelle les « oreilles d'or » et que l'on voit à l'œuvre dans le film Le champ du loup diffusé en 2019. Mais c'est un autre film, qui rappelle le projet que compte mener la Darpa pour rendre les sous-marinssous-marins américains silencieux.

    Sorti en 1990, le long métrage À la poursuite d’octobre rouge montre un sous-marin soviétique doté d'une technologie avancée. Il dispose d'un moteur furtif inédit qui lui permet de gommer sa signature acoustique et d'être indétectable. S'il s'agit d'une fiction, une telle technologie existe bel et bien et depuis longtemps. Depuis la fin des années 1950, les scientifiques des armées ont imaginé un moteur à propulsion reposant sur le concept de magnétohydrodynamique (MHD). Pas d'hélice, pas d'arbrearbre de transmission, pas d'éléments mobilesmobiles..., la propulsion est réalisée à l'aide d'aimantsaimants et d'électricité.

    Avec ce procédé, un fluide, comme l'eau ou l'airair, reçoit une charge électrique. Il est ensuite accéléré par un champ électromagnétiquechamp électromagnétique et c'est ce qui produit la poussée. Au bout du compte, on obtient une motorisation totalement silencieuse. Les atouts militaires sont évidents avec un tel système. C'est justement sur ce concept de motorisation que planche la Darpa. Mais pourquoi uniquement aujourd'hui ? Parce que jusqu'à maintenant, le procédé n'a été que vaguement testé sur quelques bateaux expérimentaux. Surtout, la technologie cumulait beaucoup plus de soucis que d'avantages.

    En 1992, le Yamato-1, un navire de 30 mètres de long a pu atteindre une vitesse de 6,6 nœuds (environ 12 km/h) avec un moteur expérimental magnétohydrodynamique. L’efficacité du système était alors d'environ 30 %. © Geofrog
    En 1992, le Yamato-1, un navire de 30 mètres de long a pu atteindre une vitesse de 6,6 nœuds (environ 12 km/h) avec un moteur expérimental magnétohydrodynamique. L’efficacité du système était alors d'environ 30 %. © Geofrog

    Un problème d’électrodes

    Les bobines électromagnétiques doivent être très puissantes, donc très lourdes, et pratiquement impossibles à embarquer dans un sous-marin. Mais surtout, les électrodesélectrodes qui viennent charger électriquement l'eau, subissent d'énormes contraintes de corrosioncorrosion. L'eau salée provoque rapidement une hydrolyse rendant trop éphémère le système.

    Aujourd'hui, les avancées technologiques sur la conception des aimants ont énormément progressé. Au cours des deux dernières années, l'industrie a mis au point des aimants constitués d'oxyde de cuivrecuivre et de baryumbaryum de terres raresterres rares (REBCO). Plus légers, moins encombrants, ils peuvent produire des champs magnétiqueschamps magnétiques efficaces à 90 % pour entraîner cette propulsion magnétohydrodynamique. Reste le problème de dégradation des électrodes. Le souci majeur repose sur la formation de bulles de gazgaz au niveau de leur surface. Cela réduit leur conductivitéconductivité et, lorsque les bulles disparaissent, l'onde de choc les dégrade. La Darpa compte sur la modélisationmodélisation informatique pour trouver les moyens d'optimiser le système en atténuant la présence de ces bulles. L'organisme compte également s'inspirer des travaux de recherche menés par les industriels des batteries. Ils sont eux aussi confrontés à cette même problématique.

    La Darpa est néanmoins confiante, puisqu'elle se donne 42 mois pour développer un concept de pompes magnétohydrodynamiques sous-marines (Pump) permettant de créer un véritable moteur de sous-marin militaire furtif. Octobre rouge pourrait donc voir le jour sans le capitaine soviétique Marko Ramius interprété par Sean Connery, mais avec un homologue de l'US Navy.