Si la densité du stockage des données numériques a beaucoup progressé ces dernières années, la longévité des supports reste le talon d’Achille. Une équipe de chercheurs s’est penchée sur les propriétés thermiques du tungstène, et a créé un disque optique susceptible de survivre jusqu’à un milliard d’années. Jeroen de Vries, l’un des scientifiques ayant participé au projet, a répondu aux questions de Futura-Sciences.

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    Dans l'histoire, les humains ont toujours cherché à laisser une trace, un témoignage susceptible de traverser les âges. Peintures rupestres, tablettes gravées, manuscrits, livres sont autant de supports physiquesphysiques qui ont su parcourir les siècles. Aujourd'hui, c'est sous forme numérique que les informations sont préservées pour les générations futures. Mais les bandes magnétiquesbandes magnétiques, disques durs et autres disques optiques (CD, DVD, etc.) ont une espérance de conservation qui ne dépasse pas quelques décennies, sans compter le fait que les systèmes de lecture de ces médias ne seront plus forcément utilisables. Peut-on envisager un système de stockage susceptible de durer plusieurs millions d'années, et pourquoi pas de survivre à l'humanité elle-même ?

    Des chercheurs allemands (université de Fribourg-en-Brisgau) et néerlandais (Institute for Nanotechnologyuniversité de Twente) pensent avoir trouvé une telle solution. Ils ont créé un disque optique fait de tungstène sur lequel les données sont enregistrées sous forme de code QRcode QR. Pour simuler la résistancerésistance sur une duréedurée équivalente à un million d'années, ils ont soumis le disque à une température de 500 °C pendant 2 h. On peut les voir réaliser divers tests de résistance dans une vidéo. Les chercheurs pensent qu'ils pourraient améliorer leur technologie afin de faire en sorte que leur disque soit encore lisible dans un milliard d'années ! « Si nous voulons pouvoir préserver quoi que ce soit à propos de l'espèceespèce humaine qui puisse lui survivre, il faut un moyen de stockage conçu pour durer entre un million et un milliard d'années », expliquent les chercheurs dans leur article scientifique publié sur arxivarxiv.

    Cette vue grossie montre le profil de la gravure lithographique des codes QR sur un disque de tungstène. La largeur des lignes est de 100 nm. © <em>Institute for Nanotechnology</em>, université de Twente

    Cette vue grossie montre le profil de la gravure lithographique des codes QR sur un disque de tungstène. La largeur des lignes est de 100 nm. © Institute for Nanotechnology, université de Twente

    Un code QR gigogne pour stocker des données

    Pourquoi recourir au tungstènetungstène ? « Nous avons opté pour le tungstène pour son point de fusionfusion élevé et sa faible dilatationdilatation thermique », a expliqué à Futura-Sciences Jeroen de Vries, un doctorant de l'université de Twente impliqué dans ce projet de recherche. Les tests ont été réalisés à partir d'un disque en tungstène de dix centimètres de diamètre qui a été enrobé de nitrurenitrure de siliciumsilicium. Cette céramique offre le double avantage d'être transparente et très dure. « Le même procédé de fabrication pourrait être employé pour des disques de plus grande taille », nous a indiqué le chercheur.

    Les données ont été enregistrées sur le disque sous forme de codes QR qui peuvent être lus par des terminaux mobiles et des ordinateursordinateurs. Le disque contient des niveaux de données qui sont enregistrées à des densités différentes. Sur le principe des poupées gigognes, le code QR principal, celui qui est visible à l'œilœil nu à la surface du disque, contient les données les plus basiques. Mais chaque pixelpixel de ce code renferme un autre code QR plus complexe qui stocke plus d'informations.

    L'encodage du disque, qui a été fait par gravure lithographique, a permis de dessiner des lignes d'à peine 100 nm de largeur. Cela offre une densité beaucoup élevée que celle que l'on trouve dans les codes QR classiques. La lecture de ces codes devrait alors se faire à l'aide d'un microscope électronique. Cette solution de stockage est de type Worm (Write OnceOnce Read Many), ce qui signifie que le support n'est pas réinscriptible. Si de tels disques pourraient théoriquement résister plusieurs millions d'années, qu'en est-il d'un appareil de lecture ? « Nous n'avons pas l'intention de créer un lecteur dédié, car il faudrait qu'il survive aussi longtemps que les disques », précise Jeroen de Vries. « Mais les plans de fabrication d'un lecteur pourraient être stockés sur le disque », ajoute-t-il. Le chercheur a précisé à Futura-Sciences qu'il n'y avait pas de projet commercial concernant cette technique.