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Le fondement de la chimie moderne est la théorie atomique. Ce modèle explique ce dont les substances chimiques sont faites, comment elles s'assemblent pour former des molécules et dans quel but elles le font. La théorie atomique dans sa forme moderne date du XIXe siècle, mais elle s'appuie sur une tradition ancienne et souvent ignorée : l'atomisme de la Grèce antique.
Quand la théorie atomique est-elle née ? Ici, photo prise dans un laboratoire de chimie. © Bdyczewski, DP
Les atomes et l’existence du vide
L'Antiquité vit naître de grands philosophes grecs et plusieurs écoles de philosophie laissèrent leur nom dans l'Histoire. Parmi elles, celle des Éleates. Ces philosophes soutenaient que puisque le néant était une impossibilité logique, il ne pouvait y avoir d'espace entre les particules de matière, et donc pas de particule discrète et indivisible. Ce raisonnement conduisit à des conclusions contre-intuitives. Par exemple, les Éléates affirmaient que le changement était impossible, que rien ne pouvait ni voir le jour ni disparaître, et même, que le mouvement réel était en soi impossible.
Portrait du philosophe Leucippe, considéré comme l'inventeur de l'atomisme philosophique. © Jean-Jacques Milan, DP
Réagissant contre cette thèse, le philosophe Leucippe (Ve siècle av. J.-C.)) et son disciple Démocrite (environ 460-370 avant J.-C.) soutinrent alors la théorie de l’existence du vide ainsi que celle des particules. Ces particules d' « être », qu'ils appelèrent « atomes » (du grec atomos, signifiant « insécable »), seraient immuables et indivisibles.
Portrait du philosophe Démocrite, considéré comme un philosophe matérialiste en raison de sa théorie d'un univers composé d'atomes et de vide. © Dedden, DP
Ainsi, en coupant de la matière en petits morceaux, puis en découpant ceux-ci encore et encore, on finit par atteindre la plus petite unité possible, une particule qui ne peut être divisée. Selon cette « théorie atomique », les atomes sont solidessolides et si petits qu'ils sont invisibles, mais ils existent sous différentes tailles et formes, et peuvent se déplacer. D'après Démocrite, des dispositions et combinaisons d'atomes différentes produisent ainsi tous les matériaux divers. Pour lui, « les principes premiers de l'univers sont les atomes et le vide. Tout le reste n'est que simple pensée. Les mondes sont illimités [...] [Les atomes, NDLRNDLR] génèrent tous les composés : le feufeu, l'eau, l'airair et la terre ».
L’atomisme de Leucippe et Démocrite revu et corrigé
Les atomistes comme Leucippe, Démocrite et leurs partisans, connus ou inconnus, ont été étonnamment visionnaires, anticipant la pensée moderne sur les atomes, les éléments et la cosmologiecosmologie. Il ne faut cependant pas s'emporter : leur modèle n'était que pure spéculation, et ne reposait pas sur une véritable approche scientifique. Il comportait d'ailleurs des idées mystiques ou métaphysiques, comme la croyance que l'âme humaine est également faite d'atomes (particulièrement fins et ronds).
Bien que l'atomisme ait ses partisans en Grèce antique, il est rejeté plus tard par des philosophes influents, comme Platon et AristoteAristote, et ne redevient populaire qu'à la révolution scientifique des XVIIe et XVIIIe siècles.
Il est impossible de dire si la vision de Démocrite sur la nature de la matière a pu accélérer l'avènement de la chimie scientifique. En revanche, il est certain que la diffusiondiffusion des théories qui ont remplacé l'atomisme, en particulier celles d'Aristote, a une part de responsabilité dans l'aveuglement de 2.000 ans qui a ensuite touché la chimie.
Portrait de Thalès de Milet. Ce philosophe et savant grec privilégiait une approche naturaliste, basée sur l'observation et la démonstration. Il aurait ainsi pu calculer la hauteur de la Grande Pyramide d'Égypte et prédire une éclipse. © Ernest Wallis, DP
La malédiction du philosophe ?
Les théories de Démocrite n'attirèrent pas l'estime qu'elles méritaient, ce qui conduisit le philosophe à se plaindre que « personne ne [le] connaissait » lorsqu'il se rendait à Athènes. Toutefois, il eut la chance de vivre très longtemps. Une longévité peut-être due à sa philosophie personnelle qui faisait de la gaieté le but de la vie. D'autres philosophes de l'Antiquité grecque n'eurent pas cette chance.
ThalèsThalès de Milet serait tombé d'une colline alors qu'il était absorbé à étudier les étoilesétoiles. Son disciple, Anaximène, a probablement été tué par des envahisseurs perses. La mort d'Héraclite est peut-être la plus pittoresque : en raison de ses principes philosophiques, il s'astreignait à l'ascèse, ce qui le fit gonfler sous l'effet d'une rétention d'eaurétention d'eau. Afin d'extirper ses « humeurs viciées », il se serait enterré dans un tas de fumier et n'en serait plus jamais sorti.