Cela paraît incroyable, démentiel. Le vol historique de Youri Gagarine, le 12 avril 1961 ne lui a pas rapporté qu'une notoriété planétaire, mais aussi 40.000 kilomètres de bandes perforées télex et télégrammes de félicitations. Exactement la distance parcourue en orbite autour de la Terre. C'est dire l'émotion que sa mort accidentelle a soulevée moins de six années plus tard. Un accident d'avion sur les causes duquel repose toujours une chape de plomb.

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    Timbre d'époque à l'effigie de Gagarine. L'aspect du vaisseau Vostok était alors inconnu.

    Timbre d'époque à l'effigie de Gagarine. L'aspect du vaisseau Vostok était alors inconnu.

    Gagarine a trouvé la mort alors qu'il effectuait un vol d'entraînement aux commandes d'un Mig-15, accompagné de son instructeur, Vladimir Serugin, près du village de Novoselovo, dans la région de Moscou. Officiellement, le pilote aurait perdu le contrôle de son appareil en tentant d'éviter un obstacle, peut-être un autre avion ou un ballon-sonde, et se serait écrasé. Mais cet accidentaccident, survenu à l'apogée de la guerre froide, devait déclencher une des plus importantes suites de rumeurs que l'on ait connues, encore amplifiée par la décision du numéro un soviétique de l'époque, Leonid Brejnev, qui devait interdire de rendre publics les résultats de la commission d'Etat spéciale chargée de l'enquête.

    Youri Gagarine dans son vaisseau Vostok 1. Photo d'époque, source inconnue.

    Youri Gagarine dans son vaisseau Vostok 1. Photo d'époque, source inconnue.

    Alors que certains affirmaient que le corps de Gagarine, momifié, tournait en orbite au terme d'une mission spatiale secrète dont la manœuvre de retour aurait échoué, que d'autres pensaient que le cosmonaute et son instructeur, imbibés d'alcool, en seraient venus aux mains lors d'une dispute dans le cockpit de leur appareil et en auraient ainsi perdu le contrôle, ou qu'il se serait exilé après avoir subi une opération de chirurgiechirurgie esthétique destinée à le rendre méconnaissable ou encore qu'il serait mort dans un hôpital psychiatrique après un retour de mission mouvementé (cette théorie semble avoir été récupérée d'une rumeur identique concernant un fils imaginaire de Serge Iliouchine, le célèbre avionneur, qui aurait volé avant Gagarine...), plus aucune précision ne devait émaner des autorités soviétiques, puis russes. Ce qui ne manquait pas d'encore renforcer les spéculations, voire même la théorie du complot.

    Mais aujourd'hui, Igor Kuznetsov, un ingénieur en aéronautique également impliqué dans la commission d'enquête, pense avoir résolu le mystère entourant l'accident de Gagarine en utilisant des moyens technologiques dont il ne disposait pas à l'époque.

    Dans sa théorie, l'accident aurait eu pour origine la mauvaise fermeture d'un panneau de ventilationventilation du cockpit, qui aurait provoqué une dépressurisation en altitude. Kuznetsov insiste sur le fait que la mauvaise position de ce panneau ne résultait pas obligatoirement d'une erreur humaine, bien que cela soit possible, mais qu'elle a bien été la cause de la mort des deux hommes.

    A ce point, Gagarine a pris la seule décision qui s'imposait, entamer une descente accélérée afin d'éviter la perte de connaissance par asphyxieasphyxie. Cette manœuvre consistait alors à piquer vers le sol en perdant de l'altitude à raison de 145 mètres par seconde, un taux qui était considéré à l'époque comme acceptable. Gagarine n'aurait pu redresser l'appareil au terme de ce piqué, peut-être en raison d'un étourdissement, et se serait écrasé.

    Avec 30 autres experts en aéronautique, Igor Kuznetsov a adressé une pétition au président Vladimir Poutine afin qu'il accepte de rouvrir le dossier à la lumièrelumière des nouvelles informations, ce qui permettrait d'éclairer cette page d'Histoire. Mais celui-ci a refusé, arguant qu'il ne croit pas en la théorie des experts et qu'il ne voit aucune raison de remettre en cause les résultats initiaux.

    "De quels résultats initiaux parle-t-il ? Il n'y avait pas de résultats, uniquement de la spéculation pure", affirme Kuznetsov. "En 1968," ajoute-t-il, "la commission d'enquête n'avait pas l'autorité de publier quoi que ce soit qui aurait pu nuire à la réputation de l'Union soviétique. Nous étions réduits au silence... La commission ne pouvait pas, par exemple, dévoiler que les techniciens ou le pilote qui se trouvait dans l'avion avant Gagarine auraient oublié de fermer ce panneau, ou que Gagarine lui-même aurait mal vérifié son appareil. A l'époque où la guerre froide culminait, il représentait une icôneicône, dont la mort devait être pour toujours enveloppée de mystères".