En compressant du sel de table et de l'eau, des chercheurs ont créé une nouvelle forme de glace salée jamais observée jusqu'à aujourd'hui. Plus encore, il pourrait s'agir de la même substance que l'on trouve dans les océans salés des lunes glacées du Système solaire, comme Europe ou Encelade !


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    Parmi les lunes glacées du Système solaire, nombre d'entre elles pourraient bien abriter un gigantesque océan d'eau liquide sous leur immense couche de glace. Et si l'on n'en est pas encore certain, de nouveaux indices que ces océans seraient salés ! Mais, sans que l'on sache exactement à quel type d'eau salée on fait face. Car la signature chimique provenant des lunes comme Europe ou EnceladeEncelade ne correspond à aucune substance chimique connue.

    Aujourd'hui, une nouvelle étude publiée dans Pnas annonce une découverte qui « offre une explication au mystère de longue date de l'hydrate non identifié à la surface des lunes glacées et permet de mieux comprendre leurs océans et leur potentiel d'habitabilité. » Plus exactement, une équipe de chercheurs est parvenue à créer deux nouveaux cristaux d'eau et de sel, existant uniquement sous basse température, et moyenne et haute pression, et qui pourraient bien correspondre aux mystérieux composés salés des lunes glacées ! 

    Io, Europa, Ganymède et Callisto, les quatre principales lunes de Jupiter : Europa, Ganymède et Callisto possèderaient un océan subglaciaire. © Nasa
    Io, Europa, Ganymède et Callisto, les quatre principales lunes de Jupiter : Europa, Ganymède et Callisto possèderaient un océan subglaciaire. © Nasa

    Des cristaux jamais observés auparavant se forment sous haute pression

    Ils n'avaient jamais été découverts auparavant, et pourtant ils se composent d'éléments simples trouvables en abondance sur Terre : de l'eau, et du chlorure de sodium que l'on surnomme « sel de table » ! Ces cristaux composés d'eau et de sel ont été formés presque par hasard, en compressant de l'eau salée enter deux diamantsdiamants, jusqu'à atteindre 25 000 fois la pression atmosphériquepression atmosphérique« Nous essayions de mesurer comment l'ajout de sel modifierait la quantité de glace que nous pourrions obtenir, car le sel agit comme un antigel », a déclaré Baptiste Journaux dans un communiqué, premier auteur de l'étude et planétologue à l'université de Washington. « Étonnamment, lorsque nous avons mis la pression, ce que nous avons vu, c'est que ces cristaux auxquels nous ne nous attendions pas ont commencé à se développer. Ce fut une découverte très fortuite. »

    En observant le processus au microscopemicroscope, les chercheurs sont ensuite parvenus à évaluer la structure chimique de ces nouveaux composés« La pression ne fait que rapprocher les moléculesmolécules, de sorte que leur interaction change -- c'est le principal moteur de la diversité des structures cristallines que nous avons trouvées », a continué Baptiste Journaux. Et les deux nouveaux hydrates formés ne ressemblent en rien à ceux connus jusqu'à aujourd'hui : l'un est constitué de treize molécules d'eau pour une de chlorure de sodium, et l'autre de sept molécules d'eau pour une de chlorure de sodium !

    Cette image montre l'hydrate nouvellement découvert qui contient deux molécules de chlorure de sodium pour 17 molécules d'eau. Ce cristal s'est formé à haute pression mais reste stable à froid et à basse pression. © Journaux et <em>al., Pnas</em>
    Cette image montre l'hydrate nouvellement découvert qui contient deux molécules de chlorure de sodium pour 17 molécules d'eau. Ce cristal s'est formé à haute pression mais reste stable à froid et à basse pression. © Journaux et al., Pnas

    Une exploration possible en Antarctique ?

    Reste encore à aller explorer les lunes glacées de plus près, et en direct ! Plusieurs missions comptent bien s'y atteler, comme Juice, la mission de l'Esa et Europa ClipperEuropa Clipper, de la NasaNasa. Cette dernière devrait être lancée en 2024 pour une arrivée autour de JupiterJupiter en 2030.

    En attendant, il pourrait bien exister un endroit sur Terre où de tels hydrates existent : les profondeurs de l'Antarctique ! En effet, l'un des deux hydrates créés est resté stable même en augmentant la pression ! « Nous avons déterminé qu'il reste stable à la pression standard jusqu'à environ moins 50 °C. Donc, si vous avez un lac très saumâtresaumâtre, par exemple en AntarctiqueAntarctique, qui pourrait être exposé à ces températures, cet hydrate nouvellement découvert pourrait y être présent », s'enthousiasme le planétologue.

    Car, sous les quelques kilomètres de glace, pourrait bien se trouver de la vie, au sein d'océans liquides de plusieurs centaines de kilomètres d'épaisseur. « Ce sont les seuls corps planétaires, autres que la Terre, où l'eau liquide est stable aux échelles de temps géologiques, ce qui est crucial pour l'émergenceémergence et le développement de la vie, a conclu Baptiste Journaux. Ils sont, à mon avis, le meilleur endroit de notre Système solaire pour découvrir la vie extraterrestre, nous devons donc étudier leurs océans et intérieurs exotiquesexotiques pour mieux comprendre comment ils se sont formés, ont évolué et peuvent retenir l'eau liquide dans les régions froides du système solaire, si loin du SoleilSoleil ».