Prédits théoriquement par Albert Einstein vers le milieu des années 1920, les condensats de Bose-Einstein pourraient servir à tester la Relativité générale grâce à des expériences en chute libre et dans l’espace. Un pas de plus dans cette voie a été franchi grâce à une tour de chute, haute de 146 mètres.

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    Quelques caractéristiques de la tour ZARM où s'effectuent les expériences de chute libre avec des CBE. Crédit : Humboldt-Universitaet zu Berlin

    Quelques caractéristiques de la tour ZARM où s'effectuent les expériences de chute libre avec des CBE. Crédit : Humboldt-Universitaet zu Berlin

    La physique d'Albert EinsteinEinstein touchant à la gravitation et la physique quantique est presque centenaire mais elle est bien vivante aujourd'hui avec le laser dont on fête cette année les 50 ans, ou le GPSGPS.

    Remarquablement, aucune expérience ne remet vraiment en question ni la mécanique quantique ni la théorie de la Relativité généraleRelativité générale. Pourtant, des théories alternatives ne manquent pas, notamment pour la théorie relativiste de la gravitation, au grand dam des théoriciens. Malheureusement, plusieurs des candidats proposés pour prolonger et étendre la théorie d'Einstein impliquent des effets si fins qu'il est quasiment impossible de les détecter dans le faible champ de gravitation de la Terre et à l'aide d'expériences d'optique, d'ordinaires les plus précises pour de la métrologie.

    On sait par exemple que la théorie des cordes autorise des écarts au Principe d'équivalence sur lequel est fondée la Relativité générale. Concrètement, des atomesatomes différents ne devraient pas tomber exactement à la même vitessevitesse dans le vide lorsqu'on les lâche d'une même hauteur. Les écarts possibles sont si fins qu'il sera probablement nécessaire d'aller dans l'espace pour faire des mesures... si cette violation du Principe d'équivalence est bien réelle.

    La tour de chute du ZARM. Crédit : Université de Hamburg

    La tour de chute du ZARM. Crédit : Université de Hamburg

    Une des stratégies pour atteindre le niveau de précision nécessaire consisterait à utiliser des condensats de Bose-Einstein (CBE) formés d'atomes différents et d'étudier leur comportement dans l'espace à bord d'un satellite. C'est ce que l'on se propose de faire avec le projet InterférométrieInterférométrie à Source Cohérente pour ApplicationsApplications dans l'Espace (ICE).

    Un condensat de Bose-Einsteincondensat de Bose-Einstein se produit lorsque l'on refroidit suffisamment certains atomes qui se comportent comme des bosonsbosons. Les paquetspaquets d'ondes de matièrematière associés à chacun de ces atomes dans un gazgaz s'étalent dans l'espace pour finir par se chevaucher. Il n'existe alors plus, en quelque sorte, qu'une seule onde de matière pour des dizaines de milliers d'atomes. Cela permet de réaliser, par exemple, des expériences d'interférométrie plus précises qu'avec des photonsphotons.

    Des telles expériences réalisées avec des CBE en chute libre, comme lors des vols paraboliques en avion, ou de manière équivalente en microgravitémicrogravité dans l'espace, sont particulièrement adaptées pour tester la Relativité générale et le Principe d'équivalence. Avant de partir pour l'espace on peut déjà réaliser des tests sur Terre et c'est ce que font depuis un certain temps des chercheurs allemands, britanniques et français au Center of Applied Space Technology and Microgravity (ZARM). Ils viennent de publier dans Science le résultat de leurs travaux.

    La capsule dans la tour de chute. Crédit : Université de Hamburg

    La capsule dans la tour de chute. Crédit : Université de Hamburg

    Les CBE devraient tomber plus vite...

    Ces chercheurs ont fait chuter à plusieurs reprises un dispositif contenant une expérience utilisant des CBE du haut des 146 mètres de la tour du ZARM. L'appareil est une capsule cylindrique de 2,15 m de long et d'un diamètre de 65 cm. A l'intérieur se trouve un piège magnéto-optique contenant initialement 10 millions d'atomes froids de rubidiumrubidium 87. Un fois en chute libre la gravitégravité à l'intérieur de la capsule (telle que pourrait la mesurer un observateur qui y serait enfermé) n'est plus que de 10-5 g et l'action conjointe d'une mélasse optique et de la technique de refroidissement par évaporation refroidit environ 10.000 atomes pour former un CBE à la température de 10 nK (nanokelvins).

    Le CBE est ensuite libéré de son piège et on mesure avec un laser s'il accélère par rapport au dispositif. C'est effectivement le cas mais en raison de l'effet d'un petit champ magnétiquechamp magnétique résiduel. Un prochaine expérience devrait s'affranchir de ce problème et paver la route à d'autres comme celle de ICE.

    La performance est remarquable car elle nécessite de maintenir des atomes ultrafroids dans un ultravide dans la capsule en chute libre, tout en contrôlant de façon très précise laser et champ magnétique.