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Quand il explorait le concept d'ordinateur quantique au début des années 1980, Richard Feynman pensait à une machine de Turing universelle, capable d'exécuter n'importe quel algorithme, mais aussi à un simulateur quantique. Tout comme un assemblage de composants électroniques simples peut simuler le comportement d'un système mécanique oscillant compliqué (une voiturevoiture par exemple), le comportement quantique de certains systèmes permet également de reproduire celui d'un autre, qui serait beaucoup plus compliqué à simuler avec un ordinateur classique. Cela permet ainsi, comme dans une soufflerie de test pour des maquettes d'avions, d'explorer un situation physique décrite par des équations que l'on ne sait pas correctement résoudre.
Par exemple, le comportement des électrons dans les supraconducteurs exotiquesexotiques à hautes températures critiques est mal compris. C'est probablement la raison principale qui nous empêche de développer des supraconducteurs à température ambiante, lesquels changeraient radicalement notre technologie. Cela pourrait donc changer avec des simulateurs ou des ordinateurs quantiques.
Deux problèmes à résoudre pour réaliser un ordinateur quantique
Pour être performantes, ces machines imposent un grand nombre de qubitsqubits, les équivalents quantiques des bits d'informations des ordinateurs classiques. Un des supports les plus évidents d'un qubit est l'état de spinspin d'une particule ou d'un noyau. Un électron, par exemple, possède un moment cinétiquemoment cinétique propre, qui est un peu l'équivalent de celui d'une toupie pouvant tourner dans deux sens. En termes quantiques, on parle d'un spin dans un état haut ou bas, équivalent à un état 0 ou 1. Grâce aux propriétés foncièrement quantiques des particules (l'intricationintrication et la superposition des états), ces qubits permettent d'effectuer des calculs ou de simuler le comportement d'autres systèmes quantiques.
Cependant, lorsque le nombre de particules, donc de qubits, est grand, un phénomène physique entre en jeu : la décohérence. Elle empêche de maintenir longtemps l'intrication et la superposition quantiques. Une révolution technologique basée sur les qubits quantiques doit donc résoudre deux problèmes : obtenir un grand nombre de qubits intriqués et maintenir cette intrication pendant assez longtemps.
Une vidéo expliquant quelques-unes des caractéristiques des travaux des physiciens du NIST (National Institute of Standards and Technology) concernant un simulateur quantique avec des ions piégés il y a quelques années (ces ions n'étaient pas encore intriqués). Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © usnistgov, YouTube
Une bonne nouvelle pour l'informatique quantique
Plusieurs voies sont explorées dans ces buts et les laboratoires battent régulièrement des records, soit du nombre de particules intriquées soit du temps de résistancerésistance à la décohérence quantique. Les physiciensphysiciens sont ainsi parvenus à intriquer environ 100.000 photonsphotons et 3.000 atomesatomes neutres. Cependant, les pièges à ionsions sont considérés comme de bien meilleurs candidats car semblant plus robustes pour résister à la décohérence et plus faciles à réaliser en grand nombre sur des puces pour permettre la réalisation d'ordinateurs et de simulateurs quantiques performants. Or, justement, une équipe de chercheurs menés par Justin Bohnet du NISTNIST (National Institute of Standards and Technology)) à Boulder, dans le Colorado (États-Unis), a annoncé dans un publication disponible sur arXiv l'intrication de 219 ions dans un piège de Penning.
Ce travail peut être considéré comme l'aboutissement d'une autre performance réalisée par les chercheurs du NIST il y a quelques années. Ils avaient alors obtenu un simulateur quantique très similaire avec les mêmes ions de bérylium mais les qubits qu'ils portaient n'étaient pas encore intriqués. Un record avait tout de même été atteint puisque le simulateur contenait 350 de ces ions, comme Futura-Sciences l'avait expliqué en détail dans un précédent article en 2012.
Aujourd'hui, tout comme en 2012, les ions bérylliumbéryllium sont piégés à l'aide de champs électriqueschamps électriques et magnétiques. Ainsi, ils forment naturellement, selon les forces qu'ils exercent les uns sur les autres, un réseau cristallinréseau cristallin en deux dimensions. Une fois cela fait, les ions sont refroidis presque au zéro absoluzéro absolu à l'aide de faisceaux laserslasers. D'autres faisceaux sont alors utilisés pour intriquer les ions au niveau de leur spin.
Les champs du piège de Penning permettent de contrôler l'état du réseau cristallin d'ions, de sorte qu'il peut servir à simuler les interactions magnétiques d'ions intriqués dans un métalmétal, ce qui pourrait conduire à des surprises en physique du solidesolide. Pour continuer à avancer dans le domaine des ordinateurs quantiques, les chercheurs devront par exemple réussir à contrôler l'état de spin, donc les qubits, de chacun des 219 ions.