Un groupe de physiciens pense avoir enfin démontré que la piste des phonons doit être abandonnée pour qui veut expliquer la supraconductivité à haute température et concevoir un mythique supraconducteur à température ambiante. Le débat n’est cependant probablement pas encore clos entre opposants et partisans d’une autre piste, celle des excitations magnétiques.

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    De gauche à droite, John Robert Schrieffer, John Bardeen et Leon Cooper, les auteurs de la théorie BCS. © University of Illinois

    De gauche à droite, John Robert Schrieffer, John Bardeen et Leon Cooper, les auteurs de la théorie BCS. © University of Illinois

    Il est probable que seule une percée théorique dans le domaine de la compréhension des supraconducteurs à haute température critique nous permettra de découvrir un mythique supraconducteur à température ambiante. Avec un tel matériau, notre vie changerait et pas seulement de la façon décrite par l'exposition Supradesign. S'il devient facile et peu coûteux à fabriquer, un matériau supraconducteur à température ambiante est probablement la seule solution crédible pour faire passer le projet d'un Maglev intercontinental du rêve à la réalité.

    Rappelons que c'est en 1986 que Bednorz et Müller ont découvert que certains composés pouvaient être supraconducteurs à des températures de l'ordre de 30 kelvins (K) alors que jusque-là la limite était inférieure à 10 K. Les cuprates et autres matériaux découverts depuis lors, comme les BSCCO (oxydes de bismuth-strontium-calciumcalcium-|ce198d742939f5a4b35de0ef80add416| , pouvaient maintenir leur état supraconducteur à de hautes températures, parfois supérieures à 100 K. Cette bombe dans le milieu de la physiquephysique du solidesolide a depuis donné lieu à un débat intense entre théoriciens.

    Le principe des supraconducteurs conventionnels est bien décrit dans la théorie développée par Bardeen, Cooper et Schrieffer (théorie BCS) en 1957. Elle repose sur le fait que la quantificationquantification des vibrationsvibrations du réseau cristallinréseau cristallin d'un solide se traduit par l'existence d'analogues des photonsphotons, les quanta de lumièrelumière. Comme il s'agit d'ondes sonoresondes sonores se propageant dans un milieu matériel, on parle de phononsphonons. Dans les supraconducteurs classiques, ces phonons provoquent, en dessous d'une certaine température critiquetempérature critique, la formation de ce qu'on appelle des paires de Cooper, des couples d'électronsélectrons de conduction qui peuvent se déplacer sans rencontrer de résistancerésistance.

    Représentation d'artiste d'un plan du réseau cristallin d'un BSCCO avec une paire de Cooper (en jaune) formée de deux électrons avec des spins antiparallèles (flèches blanches). Une impulsion laser (paquet d'ondes rouge) est sur le point de s'y réfléchir. © Claudio Giannetti

    Représentation d'artiste d'un plan du réseau cristallin d'un BSCCO avec une paire de Cooper (en jaune) formée de deux électrons avec des spins antiparallèles (flèches blanches). Une impulsion laser (paquet d'ondes rouge) est sur le point de s'y réfléchir. © Claudio Giannetti

    Que ce soit pour des supraconducteurs conventionnels ou à haute température critique, on a de bonnes raisons de penser que le cœur du phénomène est toujours la formation de ces paires de Cooper. Certains théoriciens, confortés par des expériences montrant que les électrons interagissent bien avec des phonons dans les supraconducteurs à haute température critique, croient toujours que la théorie BCS, d'une façon encore mal comprise, doit s'appliquer. Pour d'autres, il n'en est rien et les paires de Cooper dans ce type de supraconducteur seraient formées par des interactions magnétiques entre les électrons.

    Faire la lumière sur les paires de Cooper

    Un groupe international de physiciensphysiciens vient d'ailleurs de publier un article dans Science, dans lequel ils espèrent avoir définitivement réfuté la théorie basée sur des phonons. Pour cela, ils ont soumis un supraconducteur à haute température critique, un BSCCO, à des séries de deux impulsions laser durant 100 femtosecondesfemtosecondes.

    La première impulsion était destinée à perturber les électrons dans le matériau et la seconde à mesurer les modifications de sa réflectivité en fonction de la fréquencefréquence, juste après l'action de la première. Ces modifications sont infimes mais d'après des simulations numériquessimulations numériques sur ordinateurordinateur, elles sont différentes selon que les paires de Cooper se forment grâce aux phonons ou grâce à des ondes de spinspin magnétiques dans un BSCCO.

    Les mesures obtenues ne sont pas en accord avec les simulations basées sur la formation des paires de Cooper avec des phonons. Les chercheurs pensent donc avoir réglé la question. Mais selon d'autres physiciens, rien n'est moins sûr. Ils pointent du doigt que les simulations ont été effectuées avec des modèles physiquesmodèles physiques dont les hypothèses de départ sont discutables. Même si une pièce a été ajoutée au dossier, le débat va donc se poursuivre.