Cousin de l'effet Hawking, l'effet Unruh n'a encore jamais été observé directement mais on cherche là aussi à tester la cohérence des calculs qui le prédisent avec des systèmes physiques présentant des phénomènes analogues. Il semble que la version quantique de cet effet ait enfin été observée avec des atomes ultrafroids paradoxalement.


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    Lorsque Stephen HawkingStephen Hawking a fait sa mémorable découverte du processus quantique d'évaporation des trous noirs, lui et ses collègues s'attendaient sans doute raisonnablement à ce que l'on fasse la détection des explosions d'énergies finalesénergies finales de trous noirs primordiaux formés pendant le Big BangBig Bang assez rapidement. L'astronomie X était en plein essor pendant les années 1970, avec par exemple la mise en orbite du satellite Einstein.

    Il n'en a rien été. Pour expliquer cette déception, on peut soit en tirer comme information que l'Univers observable primordial n'était pas assez turbulent dans le passé au moment du Big Bang pour former suffisamment de ces trous noirs primordiaux - de sorte qu'il est difficile d'en surprendre un en phase finale d'évaporation par rayonnement Hawking de nos jours -, soit invoquer des erreurs dans notre compréhension du comportement des champs quantiques en espace-temps courbe. En clair, les calculs ou les raisonnements de Hawking seraient faux.

    Cela est bien difficile à croire car depuis 1975, et malgré le scepticisme initial de certains chercheurs, ces calculs et ces raisonnements ont été faits et refaits de bien des façons sans que personne ne puisse trouver d'erreur. Toutefois, et puisqu'il semble bien que l'on ne puisse même pas fabriquer des minitrous noirs en laboratoire avec des collisions de particules, il existe une voie d'exploration qui permet de tester, en laboratoire, une partie au moins de ces calculs et de ces raisonnements.

    Les simulateurs analogiques, une clé de la physique et de la technologie

    Pour comprendre, on peut se référer à un passage du célèbre cours de physique pour étudiants de licence du prix Nobel de physique Richard Feynman. Il y donne un exemple de ce que l'on appelle des simulateurs ou encore des calculateurs analogiques classiques que l'on pouvait employer avant que l'on ne dispose d'ordinateursordinateurs vraiment performants et surtout à faibles coûts. Prenez par exemple un véhicule, comme une voiturevoiture ou un camion. Il possède des pièces métalliques de diverses formes et compositions qui peuvent se mettre à vibrer lorsque l'engin roule à une certaine vitessevitesse sur un terrain donné. Lorsque l'on se trouve sur une résonancerésonance, une des pièces, par exemple un essieu, peut se rompre. On pourrait imaginer construire des centaines d'exemplaires différents d'un tel engin et faire des tests sur des autoroutes ou des pistes dans le désertdésert, mais cela coûterait plutôt cher.

    La solution est de construire un seul système avec des condensateurscondensateurs, des inductances et des résistancesrésistances variables. L'ensemble constituera un système d'équationséquations différentielles mathématiquement identiques à celui décrivant les oscillations mécaniques des pièces de la voiture (par exemple) que l'on veut construire. Il n'est pas nécessaire de savoir résoudre ce système, il suffit de voir comment il se comporte selon les diverses valeurs de ses dipôles électriques en réponse à une excitation donnée, pour savoir si l'engin résistera bien ou non.


    Une brillante présentation de l'effet Unruh et de son histoire. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © PBS Space Time

    Quel rapport avec l'effet Hawking ou plus généralement la physique des champs quantiques en espace-temps courbe ? Tout simplement, le fait qu'il existe des systèmes physiques en laboratoire où l'on peut mettre en œuvre des expériences dont les équations sont mathématiquement identiques ou très proches de celles décrivant la physique des champs quantiques en espace-temps courbe. Les physiciensphysiciens ont joué à ce jeu avec des analogues des trous noirs, comme Futura l'a expliqué dans plusieurs articles.

    Il existe un phénomène qui reste à ce jour tout aussi théorique que le rayonnement Hawking mais qui partage avec lui bon nombre de points communs, il s'agit de l'effet Unruh, parfois connu sous le nom de ses codécouvreurs, l'effet Fulling-Davies-Unruh. Une très bonne explication de ce phénomène et sa découverte se trouve dans la vidéo ci-dessus.

    Basiquement, il repose sur le fameux principe d'équivalence d'EinsteinEinstein qui dit que localement, on ne peut pas faire la différence entre un référentielréférentiel accéléré dans l'espace-vide et un référentiel au repos plongé dans un champ de gravitationgravitation. Il n'est pas possible avec une expérience de physique de savoir si l'on est dans une pièce sans hublot dans une fuséefusée qui accélère constamment à 9,81 m/s ou si la pièce est au repos à la surface de la Terre... ou proche de la surface de l'horizon des évènements d'un trou noir.

    On peut montrer qu'un observateur qui accélère de cette façon, éternellement, se trouve dans une situation telle qu'il produit un horizon des évènements au-delà duquel il ne peut pas recevoir d'information, tout comme dans le cas de ce qui se passe sous l'horizon d'un trou noir. Au milieu des années 1970, les physiciens canadiens, britanniques et états-uniens William Unruh, Paul Davies et Stephen Fulling se rendent compte que la théorie des champs quantiques implique alors qu'un tel observateur va avoir l'impression qu'il est plongé dans un vide quantique plein d'un rayonnement de type corps noircorps noir, avec une température proportionnelle à son accélération et donc, un équivalent du rayonnement Hawking.


    Qu'est-ce qu'une condensation de Bose-Einstein ? © Vulgarisation, YouTube

    L'effet Unruh dans un condensat de Bose-Einstein ?

    Malheureusement, il faut des accélérations très importantes pour qu'un observateur détecte ce rayonnement par exemple, une accélération appropriée de 2,47 × 1020 m/s-2 correspond approximativement à une température de 1 K. Inversement, une accélération de 9,81 m/s−2 donne un rayonnement de 3,98 × 10−20 K. On a bien cherché à le produire directement en laboratoire, notamment avec des électronsélectrons dans des accélérateurs mais aucun résultat probant n'a encore été obtenu (signalons toutefois un analogue classique et non quantique de l’effet Unruh qui a été étudié il y a quelques années par Emmanuel Fort, professeur à l'ESPCI Paris, et ses collègues).

    On ne peut donc qu'être intéressé par un article publié récemment dans Nature Physics par une équipe de chercheurs de l'université de Chicago et que l'on peut trouver en accès libre sur arXiv.

    Dans celui-ci, il est expliqué qu'un condensat de Bose-Einstein d'atomesatomes ultrafroids, plongé dans un champ magnétiquechamp magnétique modulable, est décrit par un analogue des équations de l'effet Unruh. Ces atomes sont décrits collectivement par une onde de matièrematière et les chercheurs montrent que l'on peut produire un comportement qui est équivalent mathématiquement à un référentiel accéléré, comme dans l'effet Unruh, et qu'en conséquence l'onde de matière du condensat finit par acquérir des caractéristiques qui sont celles d'un rayonnement de corps noir.

    La bonne surprise, c'est que l'effet doit être mesurable et les physiciens ont justement conduit l'expérience. Les prédictions la concernant ont été couronnées de succès et l'onde de matière se comporte bien comme un rayonnement thermiquerayonnement thermique, plus exactement comme des paires de particules décrites par l'onde de matière et en mouvementmouvement dans des directions opposées à partir d'une région centrale.

    Comme on le sait, il existe des énigmes avec le rayonnement Hawking tournant autour du fameux paradoxe de l’information. On peut raisonnablement penser que de nouvelles idées pour le résoudre pourront émerger des expériences analogiquesanalogiques sur les rayonnements Hawking et Unruh.

     Une vue d'artiste de l'effet Unruh dans un condensat de Bose-Einstein. © Nature, Jiazhong Hu et al
    Une vue d'artiste de l'effet Unruh dans un condensat de Bose-Einstein. © Nature, Jiazhong Hu et al