En analysant des astéroïdes primitifs afin de reconstituer leur histoire, des chercheurs ont montré que la formation du Système solaire a été bien plus chaotique que ce que l’on estimait jusqu’à présent.


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    On le sait, le Système solaire s'est formé il y a environ 4,5 milliards d'années, à partir du disque protoplanétaire qui entourait notre jeune étoile. Les gaz et les poussières qui le composent se sont petit à petit accrétés les uns avec les autres, formant des corps de plus en plus grands : d'abord des planétésimaux, puis des protoplanètes, et finalement des planètes. Toutes les roches ne fusionnent pas, en témoigne la ceinture d'astéroïdes qui abrite de nombreux fragments et roches de petite taille. Pour retracer le déroulement précis de ce processus, les chercheurs analysent des astéroïdes primitifs, des résidus presque intacts des débuts du Système solaire, comme le démontre une étude publiée récemment dans la revue Nature Astronomy.

    Les astéroïdes permettent de reconstituer l'histoire du Système solaire. © Wikimedia Commons
    Les astéroïdes permettent de reconstituer l'histoire du Système solaire. © Wikimedia Commons

    Des fossiles de la naissance du Système solaire

    Certains astéroïdes sont venus s'écraser sur la Terre seulement quelques milliers d'années après qu'elle se soit formée, et contiennent alors de précieuses traces de notre passé. « Des études scientifiques antérieures ont montré que les astéroïdes du Système solaire sont restés relativement inchangés depuis leur formation, il y a des milliards d'années », explique Alison Hunt, première auteure de l'étude et chercheuse à l'ETH Zurich. « Ils sont donc une archive, dans laquelle les conditions du Système solaire primitif sont préservées. »

    A. Hunt et son équipe ont ainsi analysé des noyaux d'astéroïdes ayant atterri sur Terre il y a presque 4 milliards d'années. Plus précisément, ce sont des échantillons de 18 météoritesmétéorites de ferfer, extraites de noyaux métalliques d'astéroïdes. Ils ont ensuite dissous chaque échantillon, dans le but d'établir les abondances isotopiques pour le palladiumpalladium, l'argentargent et le platineplatine. En effet, durant les premiers millions d'années du Système solaire, ces noyaux d'astéroïdes ont été chauffés par des désintégrations radioactives, notamment créant un isotopeisotope spécifique de l'argent à partir du palladium, qui s'est ensuite accumulé lors du refroidissement. En mesurant son ratio parmi les autres éléments, il est possible de savoir quand a commencé ce refroidissement, mais aussi à quelle vitessevitesse il s'est effectué. Et les résultats ont montré, en cohérence avec des études précédentes, un refroidissement rapide dû à de nombreuses collisions : elles ont exposé le noyau des astéroïdes au vide glaçant de l'espace. Mais ce que l'étude apporte de nouveau, c'est le moment où ce refroidissement s'est produit.

    L'une des météorites de fer analysées dans l'étude. © Aurelia Meister
    L'une des météorites de fer analysées dans l'étude. © Aurelia Meister

    « Nos mesures supplémentaires des abondances d'isotopes de platine nous ont permis de corriger les mesures d'isotopes d'argent pour les distorsions causées par l'irradiationirradiation cosmique des échantillons dans l'espace. Nous avons donc pu dater le moment des collisions avec plus de précision que jamais auparavant, explique A. Hunt. Et à notre grande surprise, tous les noyaux d'astéroïdes que nous avons examinés ont été exposés presque simultanément, dans un délai de 7,8 à 11,7 millions d'années après la formation du Système solaire. » En effet, la prise en compte du platine a permis aux chercheurs de quantifier l'influence des rayons cosmiquesrayons cosmiques, qui peuvent altérer le ratio des isotopes de l'argent : ils ont ainsi diminué drastiquement leurs incertitudes.

    Des débuts chaotiques pour le Système solaire

    Rappelons que le Système solaire a plus de 4,5 milliards d'années : ainsi, une plage entre 7,8 et 11,7 millions d'années ne représente qu'un court instant dans son histoire. Un instant particulièrement instable, d'après les chercheurs. « Tout semble s'être effondré à ce moment-là, s'interroge A. Hunt. Et nous voulions savoir pourquoi. ». Plusieurs hypothèses pouvaient expliquer cette période : ce sont des simulations numériquessimulations numériques qui ont tranché. « La théorie qui expliquait le mieux cette première phase énergétique du Système solaire indiquait qu'elle était principalement causée par la dissipation de la nébuleusenébuleuse solaire », indique Maria Schönbächler, co-​auteure de l'étude et professeure de cosmochimie à l'ETH Zurich. « Cette nébuleuse solaire est le reste de gaz qui a été laissé par le nuagenuage cosmique d'où est né le SoleilSoleil. Pendant quelques millions d'années, il a encore tourné autour du jeune Soleil jusqu'à ce qu'il soit emporté par les ventsvents et les radiations solaires », ajoute-t-elle.

    Les vents solaires émis à sa surface filent à la vitesse prodigieuse de 800 km/s ! ©<em> Goddard Space Flight Center,</em> Nasa
    Les vents solaires émis à sa surface filent à la vitesse prodigieuse de 800 km/s ! © Goddard Space Flight Center, Nasa

    En effet, les étoiles se forment par effondrementeffondrement gravitationnel d'un nuage de gaz appelé nébuleuse. Mais tout ne s'effondre pas : il en reste une partie qui gravite autour du cœur récemment formé, qui va devenir ensuite le fameux disque protoplanétaire. Au commencement du Système solaire, ce disque était particulièrement dense : mais alors que le Soleil s'allumait, de plus en plus de vents solairesvents solaires accompagnés de rayonnements étaient émis. Ces vents ont « soufflé » une grande partie des poussières isolées du disque, le rendant de moins en moins dense et réduisant la traînée des objets qui le composent. Tous les corps rocheux se seraient ensuite accélérés, et aurait alors démarré la fameuse phase instable. « Notre travail illustre comment les améliorations des techniques de mesure en laboratoire nous permettent de déduire les processus clés qui ont eu lieu dans le Système solaire primitif - comme le moment probable auquel la nébuleuse solaire avait disparu. Des planètes comme la Terre étaient encore en train de naître à cette époque. En fin de compte, cela peut nous aider à mieux comprendre comment nos propres planètes sont nées, mais aussi nous donner un aperçu des autres en dehors de notre Système solaire », conclut M. Schönbächler.