Techniquement, un des principaux intérêts du programme Artemis de retour sur la Lune est de préparer une première mission habitée à destination de Mars. Pour cela, la Nasa a créé un bureau dédié au programme Moon to Mars qui pilote une stratégie globale d’exploration recommandant la marche à suivre pour y parvenir. La dernière mouture de l’architecture mise en place pour réaliser ses objectifs a récemment été rendue publique.


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    Le retour sur la Lune des États-Unis est une des justifications pour aller sur Mars et préparer une première mission habitée à destination de cette planète. Depuis le début de la conquête de l'espace, et la première architecture humaine martienne proposée par le Dr Wernher Von BraunWernher Von Braun, la Nasa a passé en revue et travaillé sur de nombreux concepts et projets de missions habitées à destination de Mars qu'encadrent des « architectures ». Mais faute de volonté politique forte, qu'expliquent de nombreux freins (financement, contexte géopolitique, difficulté technologique....), les États-Unis ont fait d'autres choix en se focalisant sur la navette spatiale, la Station spatiale internationale et reléguant Mars à des horizons plus lointains.

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    Artemis : pourquoi les Américains ne retourneront pas sur la Lune avant 2025, voire 2028 ?

    Aujourd'hui, on change d'ère. Envoyer des humains sur Mars d'ici les années 2050, voire 2040 et les ramener sains et saufs sur Terre, avec pour ambition ultime d'y rester un jour pendant une période prolongée, apparaît de moins en moins comme une utopie. Ce qui semblait de la science-fiction il y a seulement quelques années devient une réalité avec la Lune utilisée comme un tremplin pour aller sur Mars. Cela dit, atteindre la planète Mars nécessitera un budget immense (de 100 à 200 milliards selon les scénarios envisagés et beaucoup moins d'après Elon MuskElon Musk) et un immense bond technologique. Contrairement au programme ApolloApollo qui n'a pas permis aux Américains d'aller plus loin que la Lune, le programme Moon To Mars fournit un cadre complet et la garantie que la transition de la Lune à Mars et l'architecture qui lui sera associée ne répéteront pas les erreurs du passé et répondront - ou pourront évoluer pour répondre - aux besoins de toutes les parties prenantes.

    Un camp de base tel qu'envisagé par la Nasa dans le cadre de son programme Artemis. © Nasa
    Un camp de base tel qu'envisagé par la Nasa dans le cadre de son programme Artemis. © Nasa

    D’Apollo à Mars en retournant sur la Lune

    Il faut se souvenir que le programme Apollo était caractérisé par le mandat « d'envoyer un homme sur la Lune et de le ramener sain et sauf sur Terre avant la fin de la décennie ». Ce mandat donnait la priorité à la question : Quand ? (au cours de la décennie) au détriment d'autres considérations. La Nasa a réussi à atteindre cet objectif, mais comme l'architecture qui en a résulté a été optimisée pour respecter un calendrier de mise en œuvre serré, il ne s'agissait pas d'une architecture particulièrement extensible, avec des implications pour l'exploration humaine durable de la Lune. D'où l'importance de penser « Mars » à chaque étape de l'avancement du programme Artemis. En quelque sorte, le programme Apollo est une mise en garde pour Mars : si les décideurs se concentrent seulement sur la question « Quand ? » comme décision d'ancrage, et que la réponse est une date qui ne donne pas assez de temps pour développer de nouvelles technologies, alors la réponse à la question « Comment ? » sera par défaut des systèmes hérités ou dérivés de l'héritage. Et donc, à l'horizon 2030, les États-Unis seront contraints de repousser une première mission à destination au-delà des années 2050.

    Le saviez-vous ?

    De Barack Obama à Joe Biden, s’en oublier Donald Trump, ces trois Présidents ont la même volonté d’envoyer les États-Unis sur Mars. On doit à Barack Obama d’avoir associé les pouvoirs publics et le secteur privé dans la construction de nouveaux véhicules spatiaux, à Donald Trump d’avoir donné l’impulsion nécessaire pour retourner sur la Lune afin de préparer des vols habités à destination de Mars et à Joe Biden de s’inscrire dans une certaine continuité avec les programmes spatiaux en matière d’exploration, mis en place par son prédécesseur, qui s’est traduite par un soutien au programme de retour sur la Lune Artemis. Un des rares points de convergence avec l’administration Trump.

    C'est pourquoi, la dernière version de l'architecture de la Lune à Mars, présentée lors du 38e symposium spatial qui s'est tenu à Colorado Springs en avril, apporte des éléments de réponse aux six questions qui définiront une mission martiennemission martienne habitée : Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? Cette dernière version s'étend sur plusieurs décennies afin d'établir des points d'ancrage permanents sur et autour de la Lune avant d'entreprendre les premières missions humaines sur Mars. Elle présente et détaille les plans des premières missions Artemis sur la Lune et la manière dont elles s'intègrent dans un ensemble de plus de 60 objectifs de long terme sur la Lune et sur Mars.

    L'objectif global est de mener des missions humaines sur la surface et autour de la Lune, validant à la fois les systèmes et des concepts d'opérations d'exploration pour les futures missions martiennes. Grâce à une approche progressive, avec des durées de plus en plus longues, ces missions lunaires testeront les technologies et les opérations permettant de vivre et de travailler sur une surface planétaire autre que la Terre, avec un retour sans danger sur Terre à l'issue. Le but est aussi de développer des systèmes d'habitation dans l'espace, dans des environnements à gravité partielle et sur la surface lunaire de la Lune pour permettre à un équipage de vivre dans l'espace lointain pendant une durée prolongée. Cette stratégie qui concourt à de la réduction des risques pour les programmes martiens n'exclut pas des missions précurseurs sur Mars.

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    La Nasa ne pourra pas envoyer d'Hommes sur Mars avant la fin des années 2030

    La Nasa prévoit de procéder à des révisions annuellesannuelles de son architecture de la Lune à Mars. La prochaine, prévue pour le mois de novembre, sera davantage axée sur Mars, notamment sur la manière dont les missions Artemis prépareront le terrain pour les premières missions avec équipage vers Mars. Après le vol inhabité d’Artemis I, Artemis II sera la première mission OrionOrion avec équipage, qui emmènera des astronautes sur la lune. Artemis III comprendra le premier atterrissage en équipage d'Artemis, tandis qu'Artemis IV et V comprendront à la fois des atterrissages en équipage et l'assemblage d'éléments du Gateway lunaire (la passerellepasserelle). La Nasa travaille déjà sur les missions Artemis VI à X, mais pour l'heure elles sont moins détaillées.

    Cette nouvelle architecture, qui évolue au fur et à mesure de l'état d'avancement du programme Artemis et ses réalisations, apporte plusieurs modifications importantes comme l'abandon d'un seul « camp de base » au pôle Sud de la Lune à plusieurs sites du pôle Sud et des régions non polaires qui pourraient être visitées lors de missions ultérieures. Pour expliquer cette nouvelle stratégie d'exploration, la Nasa souligne qu'en raison de l'évolution des conditions d'éclairage au pôle Sud, le fait de manquer une fenêtrefenêtre de lancement pour un site particulier pourrait retarder de plusieurs mois une mission sur place. D'où l'intérêt d'avoir deux ou trois sites à visiter qui aideront la Nasa à diversifier ses activités scientifiques par exemple.

    Un voyage prochain vers Mars ? (Image générée par une IA.)  © slebor, Adobe Stock
    Un voyage prochain vers Mars ? (Image générée par une IA.)  © slebor, Adobe Stock

    La difficulté de définir l’architecture d’une mission humaine sur Mars

    Dans les discussions sur l'architecture martienne, il est utile de garder à l'esprit que les distances parcourues dans le cadre de la mission seront d'une ampleur bien supérieure à l'ensemble de l'expérience des vols spatiaux habités à ce jour. Un seul voyage aller-retour entre la Terre et Mars mettra entre 1,8 et 2 milliards de kilomètres au compteur d'un système de transport martien, indépendamment de l'occasion de départ ou de la trajectoire parcourue - ce qui équivaut à peu près à 950 voyages aller-retour sur la Lune. La distance entre la Lune et la Terre ne varie que d'environ 43 000 kilomètres au fil du temps, de sorte qu'il faut toujours à peu près la même quantité d'énergieénergie pour aller sur la Lune et en revenir, quel que soit le moment où l'on s'y rend. En revanche, la distance entre la Terre et Mars peut varier de 340 millions de kilomètres lorsque les deux planètes tournent autour du SoleilSoleil. Mars s'est approchée au plus près de la Terre à 54,6 millions de kilomètres ; au plus loin, plus de 400 millions de kilomètres séparent les deux planètes. Cela signifie qu'une grande partie de l'expérience opérationnelle et de nombreux paradigmes - tels que le contrôle de la mission, la stratégie d'espacement et de réapprovisionnement, le sauvetage de l'équipage ou la planification d'urgence de l'interruption de la mission - nécessiteront une approche différente de celle utilisée dans le cadre de programmes précédents, dont celui de la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale.

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    « Avec de meilleures options et quelque 50 milliards de dollars, je suis convaincu que la Nasa serait déjà sur Mars »

    Le premier défi de toute mission martienne étant de se rendre sur Mars en toute sécurité et de revenir sur Terre, le système de transport Terre-Mars suscite un grand nombre de discussions. C'est pourquoi la Nasa souhaite intégrer dans sa réflexion les idées et les solutions proposées par le secteur privé, dont bien évidemment SpaceXSpaceX.

    Pour envoyer des humains sur Mars, trois missions de référence sont envisagées. Une avec une durée de transittransit Terre- Mars-Terre n'excédant pas 760 jours, une avec un transit modéré de 850 jours, et une mission de longue durée avec un transit plus souple pouvant aller jusqu'à 1 100 jours. Selon l'architecture retenue, plusieurs options sont à l'étude :

    • une mission comprenant un équipage de quatre membres en orbiteorbite, dont deux descendront sur Mars pour y séjourner pendant 30 jours ;
    • une mission avec plusieurs atterrisseurs déployant du fret et des consommables en prévision d'un atterrissage ultérieur de l'équipage ;
    • une infrastructure de surface initiale modeste : un système FSP d'au moins 10 kWe et une infrastructure de communication, mais pas d'habitat de surface ni de production de propergolpropergol Isru pour la mission de retour ;
    • une approche « mission complète » : l'équipage quitte la Terre avec tout le propergol de transit dont il a besoin pour le voyage aller-retour, une conséquence de l'absence d'Isru pour les premières missions.