Vouloir remanier le tableau périodique des éléments, c’est un peu comme vouloir réorganiser le monde de la chimie. Alors pourquoi ? Pour soutenir la recherche de nouveaux matériaux, expliquent deux chimistes russes qui viennent de proposer leur version revue et corrigée du tableau de Mendeleev.


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    Le tableau périodique des éléments. Hantise des lycéens. Bible des chimistes. L'année dernière, nous fêtions ses 150 ans. De quoi penser qu'il fait l'unanimité. Mais deux chercheurs russes, Zahed Allahyari et Artem Oganov, proposent aujourd'hui d'organiser les éléments de manière un peu différente. Dans un schéma linéaire, « avec le plus petit changement de propriétés entre paires successives ». Et avec pour objectif très pratique d'aider à identifier de nouveaux matériaux aux propriétés utiles -- la dureté ou le comportement magnétique, par exemple.

    Rappelons que le tableau périodique des élémentstableau périodique des éléments -- peu ou prou celui que nous connaissons aujourd'hui -- a déjà été établi -- de manière empirique -- par un chimiste russe, Dmitry Mendeleev. Son idée : plutôt que de ranger les éléments selon des listes unidimensionnelles, pourquoi ne pas les ranger dans un tableau bidimensionnel, en rapprochant les éléments aux propriétés chimiques similaires ?

    Voir aussi

    Le tableau périodique des éléments est-il fini ?

    C'est finalement lorsque la structure de l'atome a été mieux comprise, au début du XXe siècle, qu'une théorie de la structure du tableau périodique a pu émerger. Les éléments ont dès lors été classés par numéro atomique plutôt que par massemasse atomique. Et leur similitude chimique, jugée en fonction de l'arrangement de leurs électronsélectrons.

    Une classification des éléments utile

    Pourtant, l'histoire ne s'arrête pas là. Puisque des désaccords subsistent sur l'emplacement de certains éléments. Ainsi le plus basique des éléments, l'hydrogène, se retrouve-t-il tantôt dans le groupe 1, tantôt dans le groupe 17 et parfois même à former un groupe à lui tout seul.

    Ce que les chimistes russes évoqués plus haut proposent aujourd'hui, c'est de revenir à une liste unidimensionnelle. Comment ? En attribuant à chaque élément, ce qu'ils appellent un nombre de Mendeleev (MN). Ce nombre résulterait de propriétés fondamentales des éléments. D'une part de leur rayon atomique et d'autre part, de leur électronégativité -- une sorte de mesure de la force avec laquelle l'élément peut attirer à lui des électrons.

    Selon la proposition de Zahed Allahyari et Artem Oganov, deux chimistes russes, l’hydrogène se rapproche plus des halogènes (groupe 17) que des alcalins (groupe 1) desquels le tableau périodique des éléments de Mendeleev le rapproche pourtant. Mais surtout, les chimistes avancent que réorganiser les éléments en fonction de leur rayon et de leur électronégativité aidera à trouver de nouveaux matériaux utiles. Sur ce schéma apparaissent ainsi, en rouge, des îlots de matériaux hautement ferromagnétiques. © American chemical society
    Selon la proposition de Zahed Allahyari et Artem Oganov, deux chimistes russes, l’hydrogène se rapproche plus des halogènes (groupe 17) que des alcalins (groupe 1) desquels le tableau périodique des éléments de Mendeleev le rapproche pourtant. Mais surtout, les chimistes avancent que réorganiser les éléments en fonction de leur rayon et de leur électronégativité aidera à trouver de nouveaux matériaux utiles. Sur ce schéma apparaissent ainsi, en rouge, des îlots de matériaux hautement ferromagnétiques. © American chemical society

    Ainsi, lorsque l'on construit un graphique bidimensionnel avec les MN sur chaque axe, l'espace chimique s'organise en régions de composés binairesbinaires qui partagent des propriétés semblables. Et c'est bien ce que les chimistes russes ont observé en comparant leur « tableau périodique » à des données disponibles sur 1.591 composés binaires et 80 éléments purs. Les matériaux aux caractéristiques comparables forment des îlots. Et pour trouver un nouveau matériau qui se comporte de manière similaire, il suffirait d'explorer l'îlot souhaité. Une approche que les chercheurs estiment pouvoir étendre à des composés plus complexes. Même s'il faudra pour cela passer à des espaces à de multiples dimensions difficiles à visualiser.