Les sursauts radio rapides sont des phénomènes transitoires encore mystérieux révélés par la radioastronomie et derrière lesquels on a pensé que se cachaient peut-être des astres exotiques inconnus relevant d'une nouvelle physique car ils peuvent libérer l'équivalent de toute l'énergie rayonnée par le Soleil dans le visible pendant une année en quelques millisecondes tout au plus. On pense savoir maintenant que certains d'entre eux sont reliés à des phénomènes faisant intervenir des étoiles à neutrons et des trous noirs.

 


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    Sur le site du média The Conversation, l'astrophysicienastrophysicien Clancy William James a récemment discuté d'une découverte faite par ses collègues et qui a été publiée dans un article du célèbre journal Nature Astronomy. Une version de la publication est en accès libre sur arXiv. Elle illustre à nouveau le fait qu'avec la détection des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles sur Terre nous sommes entrés de plain-pied dans l'ère de l'astronomie multimessagers. Désormais, nous pouvons en effet associer des signaux sous forme d'ondes électromagnétiques à des signaux sous forme de déformation ondulatoire du tissu de l'espace-temps pour analyser des phénomènes astrophysiques encore quelque peu mystérieux.

    En l'occurrence, il s'agit des sursauts radio rapides (Fast Radio Bursts, ou FRB en anglais), encore appelés « sursauts Lorimer », du nom de leur découvreur. Comme Futura l'a expliqué plusieurs fois, les FRB sont des signaux transitoires où l'équivalent de toute l'énergie rayonnée par le SoleilSoleil dans le visible pendant une année semble libéré en quelques millisecondes tout au plus dans le domaine radio. Lors de leur découverte grâce à de nouvelles analyses d'archives de données collectées par le radiotélescoperadiotélescope de Parkes, en Australie, il n'était pas encore clair de savoir s'il s'agissait de quelque chose de nouveau ou seulement de signaux parasitesparasites. Cette hypothèse fut finalement réfutée et les premières estimations fiables des distances des sources des FRB en faisaient clairement des phénomènes extragalactiques, ce qui impliquait donc que l'énergie dégagée en un temps aussi court devait être énorme pour être repérable d'aussi loin.

    Depuis 2018, avec l'inauguration d'un nouveau radiotélescope d'envergure à l'Observatoire fédéral de radioastrophysique, en Colombie-Britannique, au Canada, on dispose d'un outil performant pour étudier dans le domaine radio les FRB. Il a été appelé « Expérience canadienne de cartographie de l'intensité de l'hydrogènehydrogène », ou, en anglais, Canadian Hydrogen Intensity Mapping Experiment, et donc, en abrégé, Chime.


    Une vidéo de présentation du radiotélescope Chime. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais apparaissent alors. Cliquez ensuite sur la roue dentée à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © McGill University

    Les FRB, des magnétars ou des trous noirs en formation ?

    Comme l'explique Clancy W. James, l'une des théories expliquant la nature possible des FRB a été confortée par la détection le 28 avril 2020 d'un sursaut radio rapide clairement associé sur la voûte céleste au magnétar SGR 1935+2154, une étoile à neutronsétoile à neutrons possédant un champ magnétiquechamp magnétique particulièrement intense.

    Il existe une autre théorie pour les FRB faisant intervenir des étoiles à neutrons en collision. Elles fusionnent alors pour donner temporairement une étoile à neutrons plus grosse qui s’effondre très rapidement en trou noir. Mais il se trouve que comme l'a montré il y a plus de 50 ans le prix Nobel de physiquephysique Vitaly Ginzburg, un trou noirtrou noir ne peut pas posséder de champ magnétique en se formant à partir d'une étoile, fut-elle une étoile à neutrons. Il doit se produire des processus, relevant de la théorie du champ électromagnétiquechamp électromagnétique en espace-temps courbe, qui vont faire que le trou noir en formation ne va pas hériter du champ magnétique de l'astreastre initial (c'est une illustration du fameux théorème de la calvitie de la théorie des trous noirs). Or, un champ magnétique variable engendre un champ électriquechamp électrique qui l'est tout autant et en fait au total des ondes électromagnétiques.

    On pouvait donc penser aussi que certains FRB trahissaient en fait le processus prédit théoriquement par Ginzburg. Mais, comme on sait aussi qu'une collision d'étoiles à neutrons produit des ondes gravitationnelles, on pouvait prédire qu'un FRB pouvait être découvert en association avec une source d'ondes gravitationnelles.

    C'est bien ce qu'est arrivée à faire, avec des collègues, l'astrophysicienne Alexandra Moroianu de l'Université d'Australie-Occidentale. Le FRB 20190425A, détecté en 2019 avec Chime, s'est produit environ deux heures et demie après la détection par LigoLigo de la source d'ondes gravitationnelles GW190425, source dont la structure du signal permettait d'en déduire qu'elle provenait bien d'une collision de deux étoiles à neutrons.

    Il est difficile d'imaginer que l'association soit une coïncidence car les distances estimées pour les deux sources sont les mêmes et elles se sont donc bien produites à des dates très voisines. Toutefois, on sait estimer le taux de collisions d'étoiles à neutrons donnant des FRB et il ne semble pas assez important pour rendre compte en majorité des FRB détectés. Le modèle explicatif avec des magnétarsmagnétars est donc toujours complémentaire de celui avec des fusionsfusions d'étoiles à neutrons, comme l'explique toujours Clancy W. James.

    Le chercheur conclut qu'il faudrait tout de même détecter plusieurs événements de ce genre pour éliminer tous les doutes concernant cette association entre ondes gravitationnelles et FRB. Mais comme les détecteurs ne cessent de grimper en sensibilité, cela devrait se réaliser dans un futur proche.