Dans la veine des reconstructions faciales proposées en 2022, une équipe s'est penchée sur un cas en provenance d'Islande, et plus particulièrement du site de Skriðuklaustur. Pendant près de 10 ans, des fouilles ont été menées sur les restes d'un ancien monastère des XVe et XVIe siècles. L'occasion de découvrir des sépultures, dont celle d'un individu portant les stigmates d'une maladie terrible, la syphilis. En effet, à son stade le plus grave, elle laisse des lésions sur la peau mais aussi sur les os.


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    De 2002 à 2012, les fouilles archéologiques menées sur le site Skriðuklaustur, en Islande, ont révélé la présence d'un cimetière à proximité directe du monastère. Une des tombes, la numéro 29, était occupée par un individu inhumé en pleine terre sans cercueil. Ses ossements trahissaient une condition particulière, en particulier son crânecrâne. Ce dernier porteporte les traces caractéristiques de la syphilissyphilis à son stade le plus grave sous la forme de lésions osseuses. Si on peut imaginer qu'une femme enterrée en espace monastique soit original, plusieurs femmes ont été retrouvées inhumées dans ces monastères hospitaliers. Ce n'est pas rare en Islande à cette époque d'après l'étude du Docteur Steinunn Kristjánsdóttir qui a étudié les dépouilles et le site.

    Un crâne sans mandibule

    L'étude de la sépulturesépulture a permis de dresser un premier portrait de cette femme. Elle est décédée entre 25 et 35 ans et son crâne a bénéficié d'une modélisation 3D disponible sur le site Sketchfab. C'est cette modélisation en accès libre qui a été à la base du travail de reconstruction 3D. Néanmoins, cette modélisation n'inclut pas la mandibulemandibule de l'individu. Un élément que l'équipe de recherche australo-brésilienne a dû tenter de recréer pour mener à bien cet exercice de reconstruction faciale.

    Une reconstruction faciale 100 % en 3D

    Comme pour de nombreux travaux de reconstruction, les équipes ont compilé des données concernant l'épaisseur des tissus mous afin d'obtenir une moyenne permettant de jauger l'épaisseur de ceux de la femme Islandaise. Ce qui est important, c'est de préciser que cette étude et cette tentative ne sont pas égales à des reconstructions comme dans le domaine médico-légal. Ici, il n'y a pas eu de tests ADN pour tenter d'en savoir plus, de nombreux éléments sont à l'appréciation de l'équipe comme la texturetexture et la couleur de la peau, des cheveux, ou encore des lèvres.

    Proposition de reconstruction. © Cicero Moraes 3D Designer, Brazil
    Proposition de reconstruction. © Cicero Moraes 3D Designer, Brazil

    Un résultat approximatif à des fins didactiques

    Par conséquent, au regard des multiples approximations liées aux manques de certains éléments à l'image de cette mandibule et d'ADNADN permettant d'obtenir quelques informations supplémentaires, ce portrait n'est pas une reproduction fidèle de cet individu.

    En effet, c'est une suggestion d'image pour laquelle a été utilisée une méthodologie précise. Ce que les chercheurs ne réfutent pas puisqu'ils admettent bien qu'il s'agit d'un portrait approximatif. L'enjeu ici est principalement de créer ce portrait de malade en vue de participer à des campagnes autour de la syphilis actuellement.

    La syphilis sur le site de Skriðuklaustur

    Est-ce qu'il n'y avait qu'une seule femme porteuse de syphilis sur ce site monastique ? La réponse est non. En réalité, avant les fouilles du site, la communauté scientifique se demandait si l'Islande avait été touchée par la syphilis dont l'épidémie était très forte à ce moment-là. Tant qu'aucun corps n'avait été trouvé, le doute était permis. C'est uniquement lors de la fouille du cimetière que l'on a découvert neuf cas de porteurs de syphilis vénérienne et congénitale. Par rapport à la taille du cimetière, c'est beaucoup. Si la mort des plus jeunes peut être attribuée à cette maladie qui en était à son stade tertiaire, les individus les plus vieux cumulaient d'autres maladies qui ont pu provoquer leur décès ou du moins l'accélérer.

    Par conséquent, la présence de syphilitiques en Islande, en particulier pour les éléments vénériens de la transmission, offre un autre regard sur l'Islande que l'on pense souvent très coupée du reste de l'Occident à cette époque. Cela vient corroborer des archives attestant de la venue de barbiers chirurgiens réputés également dans les tentatives de traitements de la syphilis à cette époque. L'archéologie est un formidable moyen de mieux comprendre les maladies du passé grâce à la paléopathologie et surtout de mieux comprendre comment s'organisait une société face à des évènements de ce type.